Cela fait longtemps que je me tiens à l’écart du monde.
Reste que, dans l'histoire de l'humanité, toutes les bibliothèques ont fini dans l'eau ou dans les flammes.
dans l'histoire de l'humanité, toutes les bibliothèques ont fini dans l'eau ou dans les flammes.
Il est plus vraisemblable que mon âme ait habité le corps d'un crocodile du Nil. Au demeurant, j'éprouve une immense sympathie pour ces êtres paisibles, presque toujours sans mouvement, au long dos chamarré fait de monts, de vallées, de collines, tout en angles aigus et sans couleur précise. Je ne veux pas entendre parler de toutes ces sornettes que l'on raconte sur leur férocité, leurs larmes et autres niaiseries. Le crocodile a un corps énorme, il faut bien qu'il se nourrisse! Et les moustiques qui transmettent des maladies, ce ne sont pas des prédateurs, peut-être?
Je suis quelqu'un qui ne sait pas se boucher les oreilles. Comment le saurais-je, quand elles n'ont ni soupape ni clapet ? Elles sont ouvertes en permanence. Elles me permettent d'entendre ce qui me plaît comme ce qui m'horripile. Malgré moi, je suis bien obligé d'écouter.
"(...)elle demanda à son époux de bâtir une bibliothèque portant son nom et de la doter d'ouvrages qui en feraient le point de mire de tous les férus de savoir et de culture. Rien d'autre n'eût pu la satisfaire. (...) Et il la baptisa selon son souhait: "La bibliothèque de Kawkab Ambar ".
l'auteur de ce non-roman avait déposé dans la bibliothèque deux exemplaires de son œuvre : un en arabe, l'autre en anglais ! Je ne comprenais pas ce que cherchait cet imbécile. Pensait-il que le livre serait traduit dans une langue intermédiaire ?
Le personnel de mon département a coutume de visiter les bibliothèques. On consulte les registres, on vérifie le flux des usagers. Globalement, il s'agit d'évaluations de routine. Parfois, il faut à peine une heure à l'employé pour recueillir les informations qu'il cherche sur un établissement, puis encore une heure pour rédiger son rapport, et le tour est joué. Le rapport est lu par le chef du département et par le directeur général, qui le signent, après quoi on le conserve dans le dossier de la bibliothèque en question.
Il est écrit sur la couverture : Roman égyptien contemporain". Nul doute que le traducteur étranger pensait qu'il s'agissait d'un texte parfaitement abouti, simplement parce qu'il ne l'avait pas compris, qu'il n'avait pas su en déchiffrer les rébus! Il s'était donc appliqué à le transposer en anglais, histoire de faire découvrir aux enfants de l'Empire britannique la littérature de ceux dont ils occupaient encore le pays il n'y a pas si longtemps
Au bout du compte, après avoir beaucoup lu, j'en suis venu à penser qu'une traduction parfaite soit impossible, à moins qu'elle ne soit l'oeuvre d'un être cosmique. Les humains ne sont pas faits pour ce genre de chose. p109