A 5 ans, Malik et ses petits camarades arnaquent le vendeur de glaces du quartier. Un an plus tard, notre jeune banlieusard découvre l'école et les horribles vêtements que lui a choisis sa maman attentionnée : « Ma mère avait jugé bon de m'attifer d'un total look ringard pull marin, pantalon à pinces, chaussures Eram en daim pour marquer l'événement. J'avais l'air d'un clown avec mes vêtements neufs et mon cartable qui sentait le cuir à dix kilomètres à la ronde. » A 9 ans, grande déception, Malik trouve un papa de remplacement parfait ! Il fait tout pour le « marier » avec sa maman, jusqu'à ce qu'il découvre que c'est un … policier. A 17 ans, les filles font leur apparition dans la vie de nos trois compères. Mais, pas les vraies, celles de la télévision, des clips et des films X. Après tout, comme le dit Malik « Nous qui nous rêvions beaux gosses, on était que des branleurs. » Puis la vie suit son cours. Première relation longue avec une petite amie, petits délits, premiers boulots, avec la découverte de la « vraie « vie : « Un jour on m'a expliqué qu'il valait mieux que je m'appelle Marc. Marc. Malik, c'était le même prénom à une syllabe près, non ? J'étais téléopérateur chez Creditis, un établissement de crédit à la consommation. le principe était simple, on prêtait une somme à un pauvre type et on le plumait en intérêts. Sur les gros coups, on récupérait deux fois plus qu'on avançait. du racket ? Non, le fonctionnement normal de la société capitaliste. Et le capitalisme, ça passe mieux quand on s'appelle Marc plutôt que Malik, c.q.f.d. »
Cette amertume s'accompagne de nostalgie quand Malik voit les chemins divergents empruntés par ses amis : Salomon, qui a réussi, revisite son ancienne cité en costard-cravate, tandis que son deuxième meilleur ami Abdou restera enfermé dans sa cave.
Mais comme dans chaque existence, il y a des moments où on ne peut s'empêcher de rire. Comme Halim, qui ponctue ses fins de phrases de « Nique ta mère » de façon automatique, et qui se retrouve au tribunal, parce qu'un policier n'a pas apprécié ce « signe de ponctuation ». Les visites des évangélisateurs dans la cité provoquent des dialogues absurdes et hilarants :
« - Rejoignez l'Eglise évangélique du Renouveau Christique pour la Pureté de l'âme humaine et le retour de la Foi en Jésus sur terre !
- Hein ?
- Vous connaissez Jésus ?
- le concierge de l'immeuble C ? Ouais, bien sûr !
- Jésus était le père, le fils et le Saint-Esprit ?
- Il souffrait de troubles de la personnalité ?
- Non, je vous parle de la transsubstantiation.
- C'est dégueulasse, ces histoires de changement de sexe !
Transsubstantiation, cinq syllabes, faut être branque pour sortir ce mot ici ! Déjà que la Trinité est un concept difficilement concevable pour un musulman qui y voit des relents polythéistes, là, la barbarie du mot renvoie à l'idée d'une pratique vaguement sataniste. »
Et toujours cette mélancolie de la cité, qui s'intensifie à mesure que Malik grandit, et qui pourtant, « [exhale] l'effluve des caniveaux. »
Ainsi, chaque chapitre est consacré à une année de vie de Malik, jusqu'à ses 26 ans. On découvre parfois des caricatures qui représentent les protagonistes, selon leur âge.
Vers la fin du roman, tandis que le narrateur, âgé de 25 ans, se demande où est passée sa jeunesse, le lecteur se sent ému par ce morceau de vie sincère, plein de fraîcheur, qui émeut autant qu'il fait sourire. Un roman sur la vie, que l'on dévore, et dont on ressort changé. On en est même frustré. Malik, Abdou et Salomon, on aurait bien aimé faire les 400 coups avec eux.
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- Rejoignez l’Eglise évangélique du Renouveau Christique pour la Pureté de l’âme humaine et le retour de la Foi en Jésus sur terre !
- Hein ?
- Vous connaissez Jésus ?
- Le concierge de l’immeuble C ? Ouais, bien sûr !
- Jésus était le père, le fils et le Saint-Esprit ?
- Il souffrait de troubles de la personnalité ?
- Non, je vous parle de la transsubstantiation.
- C’est dégueulasse, ces histoires de changement de sexe !
Transsubstantiation, cinq syllabes, faut être branque pour sortir ce mot ici ! Déjà que la Trinité est un concept difficilement concevable pour un musulman qui y voit des relents polythéistes, là, la barbarie du mot renvoie à l’idée d’une pratique vaguement sataniste. »
Et toujours cette mélancolie de la cité, qui s’intensifie à mesure que Malik grandit, et qui pourtant, « [exhale] l’effluve des caniveaux.
Un jour on m’a expliqué qu’il valait mieux que je m’appelle Marc. Marc. Malik, c’était le même prénom à une syllabe près, non ? J’étais téléopérateur chez Creditis, un établissement de crédit à la consommation. Le principe était simple, on prêtait une somme à un pauvre type et on le plumait en intérêts. Sur les gros coups, on récupérait deux fois plus qu’on avançait. Du racket ? Non, le fonctionnement normal de la société capitaliste. Et le capitalisme, ça passe mieux quand on s’appelle Marc plutôt que Malik, c.q.f.d.
Ma mère avait jugé bon de m’attifer d’un total look ringard pull marin, pantalon à pinces, chaussures Eram en daim pour marquer l’événement. J’avais l’air d’un clown avec mes vêtements neufs et mon cartable qui sentait le cuir à dix kilomètres à la ronde.
"Tous les hommes sont des causes perdues" de Mabrouck Rachedi lors de la 3ème rencontre des "Universités des littératures des Afriques" organisées par le collectifs Palabres autour des Arts et le théâtre Cergy 95