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Edith Silve (Préfacier, etc.)
EAN : 9782715218499
192 pages
Le Mercure de France (04/03/1994)
  Existe en édition audio
4.17/5   47 notes
Résumé :
La Tour d'Amour, un des plus célèbres romans de Rachilde paru à la fin du XIXème siècle, met en scène deux gardiens bretons qui vivent dans un phare réputé pour son isolement.
Planté à la pointe extrême de la chaussée de Sein, le phare d'Armen se dresse sur un roc et affronte l'océan démonté. Rachilde, dans un style éblouissant qui témoigne d'une maîtrise absolue de son talent et de son univers de romancière, raconte comment Mathurin Barnabas et Jean Maleux l... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Terrible ! C'est l'adjectif qui me vient en premier à l'esprit quand je pense à cette oeuvre, lue il y a fort longtemps, mais dont la trace s'est lovée dans mon esprit de façon indélébile. Récit incroyable que je ne peux plus différencier de mon idée de la Bretagne, des drames de la mer, de la vie particulière des gardiens des phares, et d'une certaine idée de l'amour épousant la mort. Fascination du morbide, Romantisme encore, mais dépouillé de toute mièvrerie. Terrible et puissant, parce que rien ne nous y est épargné sans que l'on puisse s'en défendre. Et lorsqu'il m'est arrivé de me tenir debout, face à l'océan, tout au bout de la Pointe du Raz, c'est vers cette Tour d'Amour que se polarisaient mes regards, toute entière habitée par le souvenir de cette formidable et inoubliable lecture.
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C'était un retour du Cap Ferret en août ! Et dans la boîte à gants il y avait un audio-book : "La Tour d'Amour" lu par Jacques Gamblin !
Que ce trajet nous a paru court ! Et la fin, nous l'avons écoutée...sur un parking !

Ah cette Tour et ses secrets... je n'ai pas lu lelivre et me sens un peu frustrée. Mais presque un an plus tard j'hume le remugle de la Tour, je frissonne quand on hisse le marin dans la tourmente en haut de cette tour, j'ai encore au coeur le petit pincement quand il recroise sa belle, avilie, au détour d'une rue obscure et je tremble d'apercevoir derrière une vitre le reflet d'un visage féminin.

C'est la faute à Rachilde et à Monsieur Gamblin qui nous ont ensorcelés si bien que nous guettons l'arrivée des vacances et des embouteillages avec impatience et délectation, car quoi de plus agréable que de rêver d'un phare perdu, bien à l'abri sur une route embaumant les pins du Bassin !

Superbe texte superbement lu.
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« La Tour d'Amour » est un roman d'une puissante morbidité, qui fit scandale à sa parution. Sans son prestigieux époux, Rachilde aurait sans doute été écartée définitivement du monde des lettres. Il est vrai que plus d'un siècle plus tard, le roman, malgré ses quelques archaïsmes, conserve tout son caractère vénéneux et malsain. Il dérange, il écoeure, et en même temps il flamboie d'une beauté noire absolument sublime, fruit de la rencontre exceptionnelle entre un symbolisme ténébreux et un naturalisme cruel. Tout au plus lui reprochera-t-on sa brièveté.
Si le caractère oppressant et étouffant de ce huis-clos à ciel ouvert ne souffre pas de cette économie du verbe, l'usure quotidienne du temps qui passe sur ce phare aux rituels immuables se fait moins facilement sentir. Il est vrai que le cauchemar vécu par Jean Maleux est déjà suffisamment éprouvant, et le serait peut-être trop si Rachilde avait doublé son volume. Mais on regrettera que l'immersion du lecteur ne soit jamais totale. Il ne manque à « La Tour d'Amour » que le réalisme étiré d'un « Robinson Crusoë ».
Rachilde a choisi aussi de nous faire vivre ce récit par les yeux de Jean Maleux, ouvrier, homme simple qui bascule progressivement dans la folie. L'exercice de style est remarquable, car Rachilde retranscrit avec une grande justesse les tourments d'un jeune homme qui narre une grande partie de ses émotions sans les comprendre tout à fait ou les analyser vraiment. Inversement, ce tour de force rhétorique gêne parfois la compréhension du récit ou la finesse des descriptions. Rachilde tombe d'ailleurs parfois dans des moments de lyrisme d'une grande qualité littéraire qui la font sortir brusquement de son personnage, insufflant à ce pauvre Jean Maleux les traces d'une schizophrénie versatile qu'il n'est sans doute pas censé avoir. Enfin, laissant remonter une sensibilité plus féminine, Rachilde donne peut-être de Jean Maleux une émotivité peut-être un peu trop forte pour un jeune ouvrier qui a déjà voyagé de par le monde. Difficile de croire, par exemple, que des cadavres de noyés bouleversent tant un marin expérimenté, ou qu'un homme ayant connu les jeunes filles peu farouches d'Orient se laisse embobiner par une petite Bretonne de quinze ans.
Néanmoins, le réalisme n'est pas la préoccupation première de Rachilde. Fidèle à l'esprit de l'école symboliste, elle se concentre avant tout sur la peinture de son histoire, sur la crudité de son cauchemar, sur la morbidité de son hallucination. Il faut prendre « La Tour d'Amour » comme une fable cruelle, une évocation dépressive du manque amoureux, de la solitude confinée à la folie, en un exercice de style sur la détresse amoureuse masculine. « La Tour d'Amour » est en effet une histoire d'hommes, les femmes n'y sont que des prétextes, des illusions, des rêves brisés. À de rares exceptions près, on ne croirait pas que ces pages ont été écrites par une femme. Elles l'ont néanmoins été par une femme qui connait extrêmement bien le coeur masculin, et a su en brosser un portrait réaliste et émouvant.
C'est peut-être même la qualité principale de « La Tour d'Amour » : ce n'est pas uniquement un récit horrifique ou grandguignolesque, il y a un fond, une substance, une expression des sentiments tourmentée, mais précise, rigoureuse, soigneusement travaillée, le tout servi par une écriture tantôt crue et caustique, tantôt romantique et désespérée, dans un décor authentique particulièrement bien choisi, qui témoigne du terrible apostolat que pouvait être, en cette époque reculée, la solitude désespérante du gardien de phare.
Si « La Tour d'Amour » n'est pas le plus « rachildien » des romans de Rachilde, ça n'en est pas moins un chef d'oeuvre authentique de la littérature « fin-de-siècle », qui parvient à marier des influences littéraires jugées souvent inconciliables, et qui témoigne encore aujourd'hui, avec une troublante intemporalité, du côté obscur de la Belle-Époque.
Lien : https://mortefontaine.wordpr..
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Tout d'abord merci à emnia et filsdejoie pour m'avoir conseillé ce roman. Que dire ? Tous les thèmes du roman fin-de-siècle sont présents. Cela commence dans le naturalisme avec deux gardiens de phare livrés à eux-même au milieu de la furie de l'océan pour finir dans l'horreur. A travers la vision d'un des 2 protagonistes, Rachilde, d'une écriture simple et claire nous amène au fin fond de l'âme humaine. Pas de rédemption possible. Pourtant, j'y vois, encore et toujours, (c'est sûrement mon défaut) le poids social déterminant sur l'aventure individuelle. Mais, comme il est dit en préface, plusieurs niveaux de lectures sont possibles.
Un chef-d'oeuvre absolu.
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Le chanteur dit que ce n'est pas l'homme qui prend la mer, mais la mer qui prend l'homme. Rachilde, elle, dans une écriture d'une force et d'une poésie absolument bouleversantes, vous attrape tout autant, vous bouscule, vous déstabilise, vous chavire, vous enivre aussi. Et vous sentez, jusque dans la chair, que ce court roman vous pénètre et vous inonde d'une autre puissance, symbolique, et même spirituelle : celle des immenses romans qui ont à dire sur l'homme et son rapport à l'homme, à Dieu, à la nature, à l'amour mais plus encore à la mort : ce grand mystère qu'il s'agit de dire et de redire pour essayer de le mieux saisir… de s'en défaire ? C'est tout aussi illusoire que de vouloir dompter la mer.
La tour d'argent ressemble à ces ciels qui teintent la mer déchainée d'un gris lumineux et profond à la fois, c'est un gouffre qui vous élève et vous aspire, effrayant et fascinant. On espère s'en sortir… on croit y parvenir…
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Un soir, je vins guetter en compagnie de mon ancien. Nous fumions nos pipes sous la pluie, n’échangeant point nos pensées, car nous n’en possédions guère de nouvelles. Il ruminait son alphabet, probablement; moi, je comptais les jours à tirer avant la prochaine sortie de ce purgatoire. L’eau du ciel nous ruisselait dans le dos, sur les bottes, imbibait nos habits comme des éponges; on en avalait des pintes malgré soi rien qu’à sucer son tuyau de pipe, la fumée bleue se transformait en buée grise, on fumait de la pluie, quoi !
La lumière du phare tout flambant neuf, remis au point par une grosse provision d’huile, se changeait en une espèce de vapeur jaune, sulfureuse, assez semblable à la lueur des locomotives pénétrant, panaches rabattus, sous un tunnel. Les lames moutonnant dans cette lueur diffuse prenaient des tons de bitume, et ce n’était pas drôle.
Moins drôle encore fut l’épave qui nous arriva, portée de rouleaux en rouleaux d’encre, toute livide au milieu de ce crépuscule maudit.
– Une tête ! Patron… Là, du côté de la « Baleine »… Un noyé, patron !
– Laisse venir ! qu’il répondit tranquillement.
Je sentis que l’eau de l’averse me coulait plus fort dans le dos.
C’était un homme; presque assis sur la mer, une ceinture de sauvetage le maintenait flottant. Il allait en chemise, la poitrine gonflée, gras à crever, le front en arrière, les cheveux collés, ses yeux morts regardant encore très fixement quelque chose au loin, sa bouche grande ouverte continuant à pousser le cri qui ne sortait plus… Celui-là était fini depuis huit jours, car il montrait des tâches de moisi sur la peau, l’air comme truffé.
Il passa, tourna, valsa, nous salua bien honnêtement, et tout en évitant notre harpon, il fila, « ventre à la mer ».
– Ils sont avancés ! que murmura Barnabas bourrant une autre pipe.
Puis il vint une tonne, mais elle se fendit contre la première dalle et s’abîma.
Ensuite, il vint des cordages, un bout de mât, des boîtes de conserves. Nous en prîmes une où il y avait des mots anglais. C’était des haricots verts (je savais un peu ces mots).
Et un autre noyé; celui-là, un marin étendu tout habillé sur une table, le front caché dans ses bras. On aurait juré qu’il dormait.
Je rentrai un moment au phare pour inscrire… les passants. Quand je me ramenai vers le vieux, je poussai un cri d’épouvante. Il en passait une bande, des hommes qui se nouaient les uns aux autres, un radeau de corps morts, des tas de jeunes hommes, une sorte de pensionnat de gens tous habillés pareils, pressés, tourbillonnés, une foule de nageurs allant vers la terre, car, vraiment, c’était bien l’heure de rentrer.
Le dernier traînait sa tête au bout d’un filin rouge qui lui sortait du cou.
Je restai là planté, la gorge serrée, le harpon tendu.
– Mais qu’est-ce que nous pouvons y faire, nom de Dieu, qu’est-ce que nous y pouvons ? que je répétais, ne sachant plus ce que je disais.
– Rien ! Y sont tous remontés du fond, excepté celui de la ceinture, répliqua le vieux philosophiquement. Oh !… Ils en ont tous, des ceintures, ça les aide à mieux se sentir crever ! Quand on coule à pic, c’est fini tout de suite. Avec leurs garces de ceintures, ils espèrent, ils gueulent, ils se démènent… Jamais ça ne les sauve. J’en ai vu un passer vers la pointe qui remuait encore, un jour d’il y a trois ans. il a tellement remué qu’il a chu la tête en bas durant que ses jambes se raidissaient en l’air. Les noyés, c’est si bête ! Quand ils s’arrêtent le long de la « Baleine », ils verdissent là, au soleil, jusqu’à la prochaine montée des vagues. Le flot les reprend, les roule, et ils redescendent pour chercher les bons courants. Cette fois, la fournée s’amène au grand complet. C’est des tas de gens riches, des passagers de première : les matelots sont dorlotés jusqu’au moment final; on a pourvu tout le monde de sa belle couronne d’enterrement… Et ça leur procure l’agrément du grand voyage. Les matelots sont plus libres dès que la petite classe est à la trempette. À preuve, hein ?… Nous n’en avons vu qu’un ? Et je parie qu’on ne reverra pas de marin, au moins ce soir.
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Sa casquette enfoncée sur les tempes, d'où pendaient les deux oreilles de chien blond, le rendait plus blafard, plus nu de figure qu'un cul de singe. Ses pommettes saillaient, toutes luisantes, d'un jaune de cire d'église, et ses prunelles roulaient vertes et vitreuses comme celles des poissons crevés. Son vilain costume de bure, jamais ôté, jamais brossé, semblait enduit de jus de chique depuis ses quelque dix ans d'existence. (Je savais déjà qu'il couchait avec ses bottes.) On ne lui voyait pas de linge, ni sale, ni propre, mais il était juste de croire qu'il ne connaissait point l'usage des chemises, car il me regardait laver les miennes en sifflotant. Il était plus que sale, plus que laid, il était comme la honte faite homme.
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Tous ces cadavres tourbillonnaient autour de moi, maintenant à m'en donner le vertige. Ils n'en passaient plus, et je les voyais encore, les uns la bouche ouverte pour leur dernier appel, les autres les yeux fixés à jamais sur leur dernière étoile. Ils allaient, allaient par troupe, par file, deux à deux, six ensemble, un tout seul, tout petit comme un enfant, et ils ressemblaient à une grande noce qui s'éparpille le long du dernier branle du bal.
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Trente-six ans de travail et une ration de cadavres ! Il en était gras, le monstre, d'avoir dévoré des ouvriers. Sa croupe, hors de l'eau, luisait comme enduite d'une viscosité ; son esplanade, lisse comme du marbre, présentait l'aspect d'un perron de préfecture, tant elle était blanche et jolie, mais, tout autour, quand la vague se recroquevillait sur elle-même, on découvrait des trous, des vieux trous de dents gâtées, et cela sentait la marée, âprement, avec un surgoût de sang pourri.
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On ne lui voyait pas de linge, ni sale, ni propre, mais il etait juste de croire qu'il ne connaissait point l'usage des chemises, car il me regardait laver les miennes en sifflottant. Il etait plus que sale, plus que laid, il etait comme de la honte faite homme.
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Videos de Rachilde (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Rachilde
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