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Critique de Rodin_Marcel


Racine – "Alexandre le Grand" – FB éditions, 2015 (ISBN 978-1515020660)

Une pièce bancale, plutôt mal construite, à l'intrigue bien faible, à tel point qu'elle n'est quasiment jamais éditée séparément, et n'est lisible que dans les éditions regroupant soit le «théâtre complet» soit les «oeuvres complètes» de Racine… Est-elle encore jouée ?
Pas grand-chose à tirer du contenu politique de la pièce.

Sur le plan formel en revanche, on y voit poindre quelques subtilités, quelques rythmes affermis, quelques délicatesses qui trouveront par la suite toute leur place dans les pièces de Racine.

Remarquons par exemple que le drame passionnel est exposé dans la scène 1 de l'acte 1 : le couple consentant - Alexandre et Cléofile -, contraste avec un autre - Porus et Axiane – dans lequel vient s'immiscer le pauvre Taxile, amant malheureux, ces sentiments ne se heurtant pas vraiment avec les devoirs des uns et des autres envers l'Etat. Cela ne fonctionne pas vraiment, mais il est probable qu'il y a là déjà une esquisse de la mécanique racinienne ultérieure.

Dans la rythmique, cette pièce développe des procédés métriques qui deviendront l'une des forces de la tragédie racinienne.
La cassure irrégulière du vers par exemple : [Vers 203-210 – tirade de Porus parlant d'Alexandre] (alternance : quartolet / octolet suivi de sextolet/sextolet)
"Combien de rois / brisés à ce funeste écueil,
"Ne règnent plus qu'autant / qu'il plaît à son orgueil ?
"Nos couronnes / d'abord devenant ses conquêtes,
"Tant que nous régnerions / flotteraient sur nos têtes,
"Et nos sceptres / en proie à ses moindres dédains,
"Dès qu'il aurait parlé / tomberaient de nos mains.
"Ne dites point / qu'il court de province en province,
"Jamais de ses liens / il ne dégage un prince
=> Rythme repris aux vers 235, 260 toujours par Porus

Apparaît aussi l'art de la sentence bien balancée en deux sextolets [vers 335-336 – Axiane à Porus] :
"Contre un fier ennemi / précipitez vos pas,
"Mais de vos alliés / ne vous séparez pas.

Deux vers pour jouer sur deux mots [vers 671-672 – Porus s'adresse à Axianne] : estime ou amour ? :
"Ce coeur qui me promet tant d'estime en ce jour
"Me pourrait bien encor promettre un peu d'amour.

Quatre vers pour une interrogation subtilement formulée [vers 879-882 – Cléofile à Alexandre]
"On attend peu d'amour d'un héros tel que vous.
"La gloire fit toujours vos transports les plus doux.
"Et peut-être, au moment que ce grand coeur soupire,
"La gloire de me vaincre est tout ce qu'il désire.

De la subtilité (regardant vers le futur) opposée à la certitude (bornée au présent) [vers 913-924 – Cléofile à Alexandre] … qui annonce d'ailleurs un autre vers fameux de «Bérénice» :
"Oui, vous y traînerez la victoire captive,
"Mais je doute, Seigneur, que l'amour vous y suive ;
"Tant d'États, tant de mers qui vont nous désunir,
"M'effaceront bientôt de votre souvenir.
"Quand l'Océan troublé vous verra sur son onde,
"Achever quelque jour la conquête du monde ;
"Quand vous verrez les rois tomber à vos genoux,
"Et la terre en tremblant se taire devant vous,
"Songerez-vous, Seigneur, qu'une jeune princesse,
"Au fond de ses États vous regrette sans cesse,
"Et rappelle en son coeur les moments bienheureux
"Où ce grand conquérant l'assurait de ses feux ?

Une lecture qui éclaire la suite... qui sera éclatante puisque Racine enchaînera avec "Andromaque".
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