J'ai vengé l'univers autant que j'ai pu.
La mort dans ce projet m'a seule interrompu.
Rome poursuit en vous un Ennemi fatal,
Plus conjuré contre elle, et plus craint qu'Annibal.
Tout couvert de son sang, quoi que vous puissiez faire,
N'en attendez jamais qu'une paix sanguinaire.
Pharnace ira, s'il veut, se faire craindre ailleurs.
La reine aurait osé me tromper aujourd'hui ?
Quoi ! De quelque côté que je tourne la vue
La foi de tous les coeurs est pour moi disparue ?
Tout m'abandonne ailleurs ? Tout me trahit ici ?
Pharnace, amis, maîtresse ? Et toi, mon fils
Toi de qui la vertu consolant ma disgrâce...
Cet amour s'est longtemps accru dans le silence.
Quand je vous élevais au comble de la gloire, m'avez des trahisons préparé la plus noire.
J'ai vengé l'Univers autant que je l'ai pu.
La Mort dans ce projet m'a seule interrompu.
Ennemi des Romains, et de la Tyrannie,
Je n'ai point de leur joug subi l'ignominie.
Et j'ose me flatter, qu'entre les Noms fameux,
Qu'une pareille haine a signalés contre eux,
Nul ne leur a plus fait acheter la victoire,
Et de jours malheureux plus rempli leur Histoire.
Le Ciel n'a pas voulu, qu'achevant mon dessein
Rome en cendre me vît expirer dans son sein.
Mais au moins quelque joie en mourant me console.
J'expire environné d'Ennemis, que j'immole.
Dans leur sang odieux j'ai pu tremper mes mains.
Et mes derniers regards ont vu fuir les Romains.
(V, scène dernière.)
Seigneur, je viens à vous. Car enfin aujourd'hui,
Si vous m'abandonnez, quel sera mon appui ?
Sans Parents, sans Amis, désolée, et craintive,
Reine longtemps de nom, et en effet Captive,
Et Veuve maintenant sans avoir eu d'Epoux,
Seigneur, de mes malheurs ce sont là les plus doux.
Je tremble à vous nommer l'Ennemi qui m'opprime.
J'espère toutefois qu'un Coeur si magnanime
Ne sacrifiera point les pleurs des Malheureux
Aux intérêts du sang qui vous unit tous deux.
Vous devez à ces mots reconnaître Pharnace.
C'est lui, Seigneur, c'est lui dont la coupable audace
Veut la force à la main m'attacher à son sort
Par un hymen pour moi plus cruel que la mort.
Sous quel Astre ennemi faut-il que je sois née?
Au joug d'un autre hymen sans amour destinée,
A peine je suis libre, et goûte quelque paix,
Qu'il faut que je me livre à tout ce que je hais.
Peut-être je devrais plus humble en ma misère
Me souvenir du moins que je parle à son Frère.
Mais soit raison, destin, soit que ma haine en lui
Confonde les Romains dont il cherche l'appui,
Jamais Hymen formé sous le plus noir auspice
De l'Hymen que je crains n'égala le supplice.
Et si Monime en pleurs ne peut vous émouvoir,
Si je n'ai plus pour moi que mon seul désespoir;
Au pied du même Autel, où je suis attendue,
Seigneur, vous me verrez à moi-même rendue
Percer ce triste coeur qu'on veut tyranniser,
Et dont jamais encore je n'ai pu disposer.
(I, 2)
Annibal l'a prédit, croyons-en ce grand Homme,
Jamais on ne vaincra les Romains que dans Rome.
(Acte III, scène 1)
N'attirez point sur vous des périls superflus, pour un fils insolent, que vous ne verrez plus.