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Claire-Marie Clévy (Traducteur)
EAN : 9782714474001
432 pages
Belfond (24/09/2020)
4.45/5   79 notes
Résumé :
« Jean McConville avait trente-huit ans lorsqu’elle disparut, et elle avait passé près de la moitié de sa vie enceinte ou à récupérer d’un accouchement. »
Par ces mots, le journaliste américain Patrick Radden Keefe réveille les démons d’un pays traumatisé. Car l’enlèvement de cette mère de famille, en 1972, sous les yeux de ses enfants n’a jamais quitté la mémoire des catholiques de Belfast. La jeune femme avait-elle vraiment trahi l’IRA ? Bravant l’omerta qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Je ne saurais trop vous dire pourquoi mais la période des Troubles en Irlande m'a toujours interpellée. Cette histoire de religion, de violence, de haine, de vengeance, de pouvoir en Irlande qui perdure depuis des siècles est plus que poignante.
Je me souviens encore nettement de mes lectures de "Mon traître" et "Retour à Killybegs" de Sorj Chalandon ou encore des titres de la série Sean Duffy d'Adrian McKiinty sur le conflit. Vous me direz rien à voir avec "Ne dis rien" puisque ce sont des fictions. Bien vrai, mais ça nous donne une idée de l'ambiance et du quotidien des Irlandais durant ces pires moments des Troubles.
Patrick Radden Keefe a réussi un titanesque travail journalistique pour nous relater l'histoire de ce conflit, ses tenants et aboutissants à partir d'un sinistre épisode de ce conflit. Une mère de 10 enfants, Jean McConville, est enlevée au vu et su de ses enfants, de ses voisins, de tout le quartier et ne reviendra jamais. Une mère de famille, veuve, déprimée, pauvre, qui tire le diable par la queue pour assurer le minimum à sa famille sera la cible de l'IRA. Et on se demandera pourquoi . Et de là, l'auteur nous ramène aux premières manifestations de 1960 jusqu'à nos jours et avec lui, nous revivons l'histoire de ce conflit sanglant qui terrorise le pays et presque tout le Royaume Uni. Conflit qui nous étonne à l'époque d'une Europe qui vit en paix. On nous rappelle les grèves de la faim, les grèves de l'hygiène des prisonniers "politiques", les attentats à la bombe de Londres et d'ailleurs, les enlèvements, les règlements de comptes pour ceux qui "parlent trop"...Toujours cette loi de l'Omerta.
Le travail de Patrick Radden Keefe, en se plongeant dans les archives, en lisant tous les documents, en réécoutant les entrevues des disparus, en interrogeant les protagonistes encore vivants, est inestimable pour la compréhension du fonctionnement de l'IRA, de sa volonté et de ses objectifs. La lumière est mise sur certaines zones d'ombres, des secrets nous sont confiés et on s'aperçoit que le prix à payer est élevé pour qui voudrait se détourner de l'IRA. Une lecture , je dirais parfois consternante, embarrassante, j'ai souvent été outrée, indignée, j'ai parfois suffoqué mais cette lecture reste des plus instructives. Un travail, une enquête journalistique qui se lit comme un roman et qui nous prend aux tripes avec ce titre « Ne dis rien « qui dit tout…
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Quand j'étais adolescente dans les années 70, j'étais très marquée par les images du conflit anglo-irlandais en Ulster Irlande du Nord, conflit qui pouvait paraître anachronique dans une Europe pacifiée.
L'auteur nous permet de mieux comprendre les tenants et aboutissants de ce conflit, qu'on croyait éteint depuis les accords du Vendredi saint de 1998, mais qui semble ressurgir depuis le Brexit, l'effet de ce Brexit ayant institué une frontière maritime entre l'Ulster et le reste du Royaume-Uni, ce qui alimente de vives dissensions.

A l'origine deux communautés qui s'opposent dès les années 60: des catholiques irlandais "républicains" qui souhaitent la réunification de l'Irlande avec sa voisine du Sud, l'Eire, et, de l'autre côté, des "unionistes-loyalistes", fidèles à la couronne britannique, et plus royalistes que la reine si on peut dire, cette dernière communauté représentant des protestants issus pour la plupart des colons anglo-écossais venus s'installer en Irlande sous Cromwell, au 17ème siècle et bénéficiant de meilleures opportunités économiques que les catholiques.

Le journaliste Patrick Radden Keefe, américain d'origine irlandaise, a rassemblé une documentation considérable pour réaliser ce roman qui est plutôt un récit journalistique mettant en scène des personnages ayant vraiment existé. Pendant 4 ans il a réalisé nombre d'entretiens, même si certains ont refusé de lui parler, notamment Gerry Adams ancien leader du Sinn Fein, le parti pro-irlandais.

Le livre commence en 1972 à Belfast, Irlande du Nord. Jean McConville est une femme de trente ans, veuve, qui vit seule avec ses dix enfants dans le quartier Divis Flats de Belfast, le bastion de la résistance catholique. Elle se sent mal à Belfast, car issue d'une famille protestante, elle est veuve d'un soldat catholique. Elle est enlevée chez elle par des inconnus et les enfants ne la reverront jamais, beaucoup d'entre eux devront affronter les dures réalités d'orphelinats sordides où les maltraitances sont nombreuses.

Jean McConville sera l'une des 16 personnes disparues pendant cette période des Troubles (1969-1998).
Son destin va être lié à celui de Dolours Price qui sera la première femme à être admise dans les rangs de l'IRA. Elle et sa soeur Marian ont participé à des attentats à la voiture piégée, notamment celui devant le palais de justice londonien Old Bailey, en mars 1973. Dolours et Marian vont s'illustrer ensuite par une spectaculaire grève de la faim en prison, allégorie de la grande famine en Irlande au 19ème siècle.
Après leur libération Dolours va renoncer à la violence, épouser un acteur de théâtre connu et Gerry Adams cherchera une solution politique qui mettra fin au conflit avec les accords du Vendredi saint en 1998. Pas de camp gagnant mais un partage du pouvoir.. et une chape de plomb qui s'abat sur le pays, d'où le titre...

Le livre dévoile le fonctionnement de l'IRA et on découvre quelques personnalités légendaires de l'époque comme Gerry Adams, Brendan Hugues, les soeurs Price...Il montre la violence de la société nord-irlandaise de l'époque et montre aussi le rôle des différents acteurs, comme celui des Etats-Unis qui ont livré des armes aux pro-irlandais pendant cette période, en liaison avec leur forte population de souche irlandaise...
Bref c'est un livre passionnant, pour tous ceux qui s'intéressent au Royaume-Uni et au devenir de l'Europe après le Brexit....
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Superbe enquête journalistique consacrée au conflit Nord-irlandais, écrite par l'américain Patrick Radden Keefe journaliste du New Yorker.

L'auteur prend comme point de départ de son récit un événement récent : la reprise en 2013, d'une enquête policière sur l'enlèvement en 1972, à son domicile et devant ses enfants, par plus d'une dizaine de ravisseurs (dont certains voisins de la famille) de Jean McConville, veuve irlandaise de Belfast.

S'en suit un retour en arrière, à la fin des années 1960. L'auteur retrace alors toute l'histoire du conflit qui s'étend jusqu'à la fin des années 1990. On explore en profondeur cette période de l'histoire irlandaise communément appelée "les Troubles", avec en fil rouge l'enquête concernant le destin tragique de Jean McConville.

Écrit dans un style journalistique fouillé, très clair et bien rythmé, l'ouvrage nous permet de comprendre et d'analyser les différentes facettes de tous les protagonistes du conflit, qui ne sont ni tout noir ni tout blanc.

On s'intéresse ainsi à toutes les franges du militantisme républicain irlandais, avec un passage intéressant consacré à la lutte féminine au sein du mouvement. Mouvement aux idéaux justes, qui vont malheureusement servir de justification au terrorisme dans lequel va s'enliser la part radicale des républicains. L'enquête depeind aussi la barbarie officieuse de l'État britannique qui n'hésite pas à recourir aux assassinats ciblés pour faire taire la protestation.

Mon seul regret est que l'auteur ne nous en dit pas assez sur les loyalistes, opposants des républicains. Pour être complet il aurait pu s'attacher à leur parcours, mais il reste focalisé sur l'IRA.

Tour à tour documentaire historique, journal de guerre, roman d'espionnage et enquête policière, ce récit nous tient en haleine de la première à la dernière page.
Je le recommande à tous ceux qui souhaitent se familiariser avec ce pan de l'histoire du Royaume-Uni, dont les conséquences restent d'actualité.
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Ne dis rien est un document au contenu extraordinaire, et qui plus est, écrit de façon fluide, précise et très agréable à lire.

Partant de l'enlèvement et de la disparition en 1972 à Belfast – l'année la plus meurtrière des « Troubles » – de Jean McConville, une veuve de 38 ans et mère de dix enfants, Patrick Radden Keefe nous offre ici le meilleur du journalisme d'investigation. Ne dis rien, c'est quatre années de recherche et d'écriture, sept voyages en Irlande du Nord et des entretiens avec plus d'une centaine de personnes. « Cet ouvrage n'est pas un livre d'histoire, mais de journalisme narratif. Aucun dialogue ni détail n'a été inventé ni imaginé ; lorsque je décris les pensées des protagonistes, c'est qu'ils me les ont rapportées, ou les ont confiées à d'autres personnes. ».

Habilement et sans que nous ne perdions jamais le fil – ni pied –, Patrick Radden Keefe va retracer les grandes lignes de l'histoire de l'Irlande et du conflit nord-irlandais. Surnommé « Troubles » – alors que ce fut une guerre sanglante -, il débute en 1969 (mais prend racine bien avant) et se termine officiellement en 1998, avec l'accord du Vendredi Saint.

En entremêlant au fil rouge de l'enquête sur Jean McConville, les voix de Dolours Price (c'est elle sur la couverture), Brendan Hughes et Gerry Adams, tous les trois républicains, l'auteur a construit un livre aussi fort que passionnant. Dolours Price et Brendan Hughes sont des combattants de l'IRA provisoire de la première heure et Gerry Adams quant à lui – en niant aujourd'hui toute implication dans l'IRA – fut un de ses chefs, et plus tard dirigeant du Sinn Féin, son bras politique.

En janvier 1969, de Belfast à Derry, a lieu une marche pour les droits civiques.

Henry VIII et les Tudors au XVIème siècle ont parachevé l'assujettissement total de l'Irlande à l'Angleterre. Puis au fil du XVIIème siècle, des protestants venus d'Ecosse et du nord de l'Angleterre instaurent un système de colonies, réduisant les autochtones à un rôle de métayers et de vassaux sur leurs propres terres. L'insurrection de Pâques 1916 et la prise de la Poste de Dublin vont déboucher sur une guerre d'indépendance, qui s'achèvera en 1921 par une partition de l'île : au sud, 26 comtés, c'est l'Etat libre d'Irlande (aujourd‘hui la République d'Irlande), au nord, 6 comtés restent sous contrôle britannique ; c'est l'Irlande du Nord (que les Républicains appellent le nord de l'Irlande), où les catholiques ne restent plus ou moins que des citoyens de seconde zone.

Marche pour les droits civiques des catholiques, donc, inspirée de celles des États-Unis. Dolours Price y participe avec sa soeur Marian. Elle a dix-huit ans. Elle est issue d'une famille républicaine – une de ses tantes a eu les mains arrachées et a perdu la vue en fabriquant une bombe quand elle était jeune), mais Dolours adhère à une certaine vision du socialisme qui pense que l'IRA traditionnelle a échoué, il y a une autre solution, qui est d'unir les deux classes ouvrières (catholique et protestante) dans une Irlande unie. Cette marche du 1er janvier 1969 est pacifique. « Les étudiants pensaient que même les injustices les plus enracinées pouvaient se combattre de façon pacifique : on était en 1969 et, dans le monde entier, les jeunes semblaient donner le ton ». Mais au bout de quatre jours de marche, ils se font violemment tabasser par des contre-manifestants. Et les soeurs Price se radicalisent.

« Lorsque les Troubles éclatèrent, l'IRA était pratiquement moribonde ». Son surnom : I Ran Away. Mais au début des années 1970, on voit apparaitre une frange dissidente : l'IRA provisoire, ouvertement tournée vers la résistance armée (ils sont surnommés Provos). L'ancienne IRA prend alors le nom d'IRA officielle (surnommés Stickies – car ils ne faisaient que coller des affichettes).

Et c'est là que je réalise que ma chronique va faire au moins dix-huit pages. Je ne vois pas comment, sinon, je pourrais vous en partager le quart du début d'un huitième du contenu. Mon fils vient de me dire : tu as une solution, Ne dis rien. Hahaha. Ou comment écrire ma chronique la plus courte : « si le sujet vous intéresse, lisez ce livre ab-so-lu-ment. ».

Un titre lourd de sens, aussi. Ne dis rien. L'IRA étant une organisation illégale, il y avait une obsession du secret. Mais aussi : « depuis des siècles, les informateurs étaient considérés comme la pire espèce de traitres en Irlande. Collaborer avec les Britanniques faisait de vous un paria. ». « Les Troubles avaient engendré une culture du silence ». Puis après l'accord du Vendredi Saint, le silence reste d'or. En Afrique du Sud a été mis en place une démarche du type : parle et dis la vérité, tu auras l'immunité. Mais un vainqueur évident avait émergé de l'Apartheid, alors que les Troubles ont abouti à une sorte d'impasse. C'est là que le Projet Belfast prend sa place à l'université de Boston : recueillir des témoignages, pour établir « une étude de la phénoménologie de la violence sectaire », pour faire réfléchir les générations futures.

Dans Ne dis rien, on va suivre le Bloody Sunday, les procès, les emprisonnements, les grèves de la faim – Bobby Sands en est mort, Dolours Price et Brendan Hughes en ont gardé de très lourdes séquelles. J'ai d'ailleurs appris que les grèves de la faim sont une « […] longue tradition de résistance irlandaise. Depuis le Moyen-Âge, les habitants de l'île se servaient du jeûne pour exprimer leur désaccord ou leur désapprobation. C'était une arme d'agression passive par excellence. ». Les différentes factions, les agents infiltrés (l'armée a essayé d'infiltrer les groupes paramilitaires loyalistes et républicains), le projet Belfast. Je connaissais pas mal de choses sur la période, mais j'en ai appris dix, vingt, peut-être cent fois plus. On va suivre l'évolution des attentats vers les pertes humaines, vers la politisation du conflit, puis la paix, puis les années ensuite.

J'ai trouvé que Patrick Radden Keefe nous offrait un point de vue sans manichéisme. Des personnages qui évoluent, des idéaux et de larges zones d'ombre. Et toujours le fil rouge de Jean McConville, qui a l'habileté de nous ramener à un élément humain et ambigu dans ce conflit. Elle était protestante, mariée à un catholique. Logée dans Divis Flat, un complexe de tours modernes pour les catholiques de Belfast – j'ai tellement pensé au Brewster Project, construit pour les Noirs de Détroit ! (Là où nous dansions de Judith Perrignon). Accusée d'être une moucharde. Les disparitions forcées, très utilisées en Amérique du Sud et classées comme crime contre l'humanité, sont un enfer d'incertitude pour les proches. Je retiens le calvaire des enfants McConville, placés en institution.

Maintenant, je veux relire Mon traitre de Sorj Chalandon (on parle brièvement de Donaldson dans Ne dis rien), je veux lire une bio de Bobby Sands et Voices from the Grave, une retranscription du témoignage de Brendan Hughes pour le Projet Belfast. J'ai été très touchée par les parcours de Dolours Price et Brendan Hughes.

Ne dis rien a été un immense coup de coeur. Une enquête construite avec talent, un livre écrit au plus près de l'humain, si le sujet vous intéresse, c'est à découvrir absolument. Et j'ai l'impression d'avoir raté la moitié de ce que j'aurais dû vous en dire !

« [Avril 1998] Enfin, le vendredi saint, les négociateurs émergèrent des lieux pour annoncer qu'ils étaient parvenus à un accord qui satisfaisait toutes les parties – un plan d'action pour mettre fin au conflit qui durait depuis tente ans. L'Irlande du Nord restait intégrée au Royaume-Uni, mais disposait de sa propre assemblée et de liens forts avec la République d'Irlande. L'accord reconnaissait que la majorité des habitants de l'île souhaitaient l'unification de l'Irlande – mais aussi que la plupart des habitants des six comtés préféraient rester au sein du Royaume-Uni. La clé de voûte du traité résidait dans le principe de « consentement » : si, à un moment donné, la majorité des habitants d'Irlande du Nord voulaient rejoindre la République, les gouvernements du Royaume-Uni et de l'Irlande seraient dans l' « obligation formelle » d'honorer ce choix » : Quelles conséquences avec le Brexit ?
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
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L'enlèvement et la disparation de Jean McConville une nuit de décembre 1972 est le fil rouge de cette enquête journalistique. Qui peut en vouloir à une mère de dix enfants, veuve, demeurant dans les Divis Flats, ces fameuses barres d'immeubles de Belfast-Ouest?
C'est autour de cet épisode tragique - une démonstration exemplaire en quelque sorte - que va se cristalliser la démarche de Patrick Radden Keefe. le parti pris adopté n'est pas celui de l'historien des années de lutte en Irlande du Nord. L'histoire, les Troubles, c'est la toile de fond. le texte se focalise sur l'IRA, la branche armée du Sinn Féin irlandais, ses actions, son modus operandi, ses codes.
Lorsque les accords du Vendredi saint en avril 1998 réinstaurant la paix seront signés, un deuxième volet s'ouvrira avec des enquêtes, des procès, des témoignages recueillis de façon assez extraordinaire par le Boston College dans le cadre du projet Belfast et la délicate problématique des mouchards et des disparus. Pas les 3000 disparus du Chili, ni les 30 000 d'Argentine, une vingtaine de personnes mais qui trente ans plus tard hantent toujours les consciences. Si les attentats terroristes, les bombes et les désastreuses grèves de la faim sont restés dans nos mémoires et appartiennent au passé les braises couvent toujours sous la cendre.
Patrick Radden Keefe s'attache à deux personnalités emblématiques des années 70-80, Brendan Hughes et Dolours Price. Des activistes de premier plan ayant purgé de longues peines de prison, pour lesquels l'amnésie n'est pas possible. Leur expérience, leur idéalisme, leur devenir ne peut nous laisser indifférent.
Les forces d'intervention britanniques, les unionistes et même Margaret Thatcher sont juste évoqués. En revanche l'auteur n'épargne pas Gerry Adams, le chef de la branche politique du Sinn Féin. Négociateur d'une paix fragile, mais durable, son attitude personnelle ambiguë cristallise bien des rancoeurs.
Le livre abondamment primé, est dur et éprouvant. Pas de sensationnalisme, pas de pathos mais une empathie réelle envers certains personnages. Certaines images restent gravées dans la mémoire. L'émotion et la réflexion se font face.
Une lecture qui rend hommage aux victimes d'un système implacable non assumé et qui donne la parole post-mortem à des héros fatigués, usés rompant l'omerta toujours présente : «Ne jamais rien dire ».
Un ouvrage passionnant.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Le projet Belfast, comme on l'appellerait par la suite, semblait remédier à une lacune manifeste de l'accord du Vendredi saint. Dans leur volonté d'établir la paix, les négociateurs s'étaient concentrés sur l'avenir plutôt que le passé. L'accord prévoyait la libération des prisonniers paramilitaires, dont beaucoup avaient commis des atrocités. Mais il ne proposait pas d'instaurer un processus de vérité et de réconciliation qui aurait pu permettre aux habitants d'Irlande du Nord d'affronter l'histoire trouble et souvent douloureuse que leur pays avait vécue au cours des trente années passées. L'Afrique du Sud avait mis en place une démarche de ce type à la fin de l'apartheid, pour que chacun puisse témoigner. L'idée était qu'il devait y avoir un échange : en disant la vérité, on recevait l'immunité judiciaire. Le modèle sud-africain n'était pas exempt de défauts : ses détracteurs affirmaient que cette façon de rendre des comptes était incomplète, et souvent politique. Mais au moins, on avait tenté de rendre des comptes.
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Il fallait voir la lutte armée comme la mise à flot d'un navire... "Imaginez que vous mobilisez une centaine de personnes pour pousser ce bateau. Il est coincé dans le sable, vous voyez, et il faut le pousser dans l'eau, et puis, quand le bateau est enfin à flot, vous abandonnez les cent personnes sur le rivage... Le bateau est parti, il vogue en haute mer, avec tous les avantages que ça apporte, et les pauvres gens qui l'ont poussé restent assis dans la boue, la crasse, la merde et le sable, abandonnés. " Brendan Hughes
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Bobby Sands mourut le 5 mai 1981. Il jeûnait depuis soixante-six jours ; et à l'instar de ce qui s'était passé à la mort de Terence MacSwiney six décennies auparavant, la nouvelle de son décès fit le tour du monde. Par la suite, Gerry Adams déclarerait que la mort de Sands avait eu « un plus grand retentissement international » que tout autre événement ayant eu lieu en Irlande de son vivant. Cent mille personnes affluèrent dans les rues de Belfast pour regarder passer le cortège funéraire qui emmenait le cercueil au cimetière. La cause républicaine connut un immense regain de popularité des deux côtés de la frontière irlandaise. Thatcher ne manifesta pas de remords d'être restée campée sur ses principes. « M.Sands était un criminel avéré, déclara-t-elle après sa mort. Il a fait le choix de s'ôter la vie. C'est un choix que son organisation n'a pas laissé à beaucoup de ses victimes. »
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Enfin, le vendredi saint, les négociateurs émergèrent des lieux pour annoncer qu'ils étaient parvenus à un accord qui satisfaisait toutes les parties – un plan d'action pour mettre fin au conflit qui durait depuis tente ans. L'Irlande du Nord restait intégrée au Royaume-Uni, mais disposait de sa propre assemblée et de liens forts avec la République d'Irlande. L'accord reconnaissait que la majorité des habitants de l'île souhaitaient l'unification de l'Irlande – mais aussi que la plupart des habitants des six comtés préféraient rester au sein du Royaume-Uni. La clé de voûte du traité résidait dans le principe de « consentement » : si, à un moment donné, la majorité des habitants d'Irlande du Nord voulaient rejoindre la République, les gouvernements du Royaume-Uni et de l'Irlande seraient dans l' « obligation formelle » d'honorer ce choix
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Et si les combattants craignaient les autorités, ils redoutaient encore plus leurs camarades. Quiconque violait la loi du silence risquait d’être taxé de mouchard. Et les mouchards se faisaient tuer.
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Vidéo de Patrick Radden Keefe
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