Le 10 mai, il confie à la princesse de la Tour et Taxis : «Travailler : pour m'y entraîner, lentement et jour après jour, j'ai traduit Le Centaure de Maurice de Guérin : beau, beau, beau. Dans quelques jours je vais vous en envoyer une copie, et aussi un sermon remarquable, lumineux, d'une véritable actualité spirituelle : L'Amour de Madeleine que l'on a découvert à Saint-Pétersbourg dans un manuscrit et que l'on pourrait attribuer à Bossuet.» Puis le 16 juin, à Rudolf Kassner : «J'exalte mon coeur par des traductions : d'abord Le Centaure, de M. de Guérin, ensuite le merveilleux sermon dont le manuscrit a été trouvé à Saint-Pétersbourg, et que je vous envoie en même temps : il vous réjouira.»
Le 4 octobre, il mande à son éditeur Kippenberg qu'il a marqué au crayon rouge sur les épreuves tout ce qui au regard peut montrer à quel point le sermon sur Madeleine est devenu sa chose. La disposition des lignes, l'écartement des interlignes doivent figurer la projection même du discours à prononcer à haute voix. «Si donc vous n'y voyez pas d'objections, nous employons cette typographie de cette façon-là.»
L’amour unit, le péché éloigne, et l’amour pénitent tient de tous les deux. Madeleine court à Jésus : c’est l’amour, Madeleine n’ose approcher Jésus : c’est le péché. Elle entre hardiment, c’est l’amour ; elle aborde avec crainte et confusion : c’est le péché. Elle parfume les pieds de Jésus : c’est l’amour ; elle les arrose de ses larmes : c’est le péché. Elle épand et prodigue ses cheveux : c’est l’amour ; pour essuyer les pieds de Jésus : c’est le péché. Elle est avide et insatiable : c’est l’amour ; elle n’ose rien demander : c’est le péché. Mais elle pelure ; mais elle soupire ; mais elle regarde ; mais elle se tait : c’est l’amour et le péché tout ensemble.
"L"heure grave"
Poème de Rainer Maria Rilke, chanté par Colette Magny