Un très bon polar sur le thème éculé du tueur en série avec quelques particularités qui le différencie des classiques américains du genre.
D'abord, l'intrigue prend place au Japon, à Tokyo, la principale héroïne est flic à double nationalité, américaine et japonaise, elle est lesbienne dans un pays où l'homosexualité n'est pas aisément acceptée même à l'orée du XXIème siècle. C'est bien sa personnalité qui donne un souffle au roman où se côtoient sociologie japonaise et empreinte occidentale qu'elle porte puisqu'elle a essentiellement vécu aux Etats-Unis.
Ensuite, pour un polar apparemment basique, le texte abonde en descriptions très détaillées qui ne cassent pas le rythme tout en laissant le lecteur suivre et tenter d'anticiper la suite. Ce sont des descriptions de bâtiments -- celle de l'hôtel de police est très élaborée -- , de personnes, de visages et surtout de l'atmosphère chargée d'intempéries sur Tokyo. La pluie et la lumière sont dépeintes avec précision, venant éclairer ou noircir l'image des événements.
Enfin, des fausses pistes comme il se doit dans toute enquête policière; celles-ci sont creusées, leurs imbrications politiques développées, elles n'alourdissent pas le récit en montrant comment tous les indices sont explorés pour finalement aller vers d'autres tout en mettant au jour une autre problématique dans l'histoire.
Le suspense se met assez lentement place, puis gagne en intensité pour aboutir à une scène d'action très réussie qui verra le dénouement. Un livre dans lequel il faut s'installer en pratiquant quelques légers retours en arrière pour garder le fil que la multitude de noms japonais menace de rompre par moments.
A lire assez vite comme tout bon polar, pas de déception bien au contraire dans les différents développements d'une histoire bien construite et conduite avec efficacité pour un très bon temps de lecture.
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Une flic d'origine japonaise, mais bonne new-yorkaise dans l'âme, revient au pays en mission coopérative pour travailler auprès de son père, chef de la police tokyoïte. Caractère trempé dans l'acier des armes auxquelles elle voue une passion, lesbienne patentée, elle va se trouver dès son arrivée confrontée aux meurtres d'un serial killer, ‘Hasard'. de fil en aiguille, l'on comprend que son identité sexuelle n'est pas étrangère aux crimes, et que c'est bien elle, Junko Go, qui semble visée… Suspense et rythme effréné pour cette chasse à la femme dans Tokyo ; découverte en plongée dans la ville pour une fausse touriste, jeu des sentiments en prime.
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Ses yeux se posèrent sur le corps de la victime. Il était seul, allongé par terre, auréolé d'un trait de peinture blanche. Ses vêtements mouillés collaient au bitume. Ses mains reposaient, inertes, le bracelet de montre apparent. Ainsi esseulé, il ressemblait au cadavre échoué d'un noyé. La ville l'avait englouti, la ville l'avait tué et abandonné sur le sable. Un trottoir.
Le soleil, lui, apparut à la faveur d'une ouverture entre deux nuages noirs, et il déposa sur la ville cette lumière dorée qui va si bien avec un ciel sombre. Celui-ci tourna du noir au bleu profond, et les trottoirs, du moins ce qu'on en voyait entre les chaussures et les jupes de lycéennes, se mirent à luire.
Junko se perdait dans la contemplation de quelques gouttes, agrippées au verre dans la tourmente, qui brillaient des lueurs du dehors. Dans l'espace de leur millimètre, elles renfermaient celle-ci le bleu de l'enseigne de l'épicier, celle-là le vert du photographe, telle l'orange que projetait le camion des éboueurs et telle autre du jaune -- d'où venait-il?
Il constata une fois de plus qu'il ne pleurait que pour les inconnus, tandis que les tragédies qui le touchaient directement ne lui arrachaient pas une larme.
La façade du Casque chantait, comme un orgue, de la multitude des filets qui glissaient de lamelle en lamelle. Sur la vitre, le torrent du ciel donnait un son plus mat et moins liquide, il claquait par petites touches contre le verre. Le bois bruissait, l'eau coulait sur lui, sifflait doucement.
Dialogues, 5 questions à Anne Rambach