Citations sur La Bataille (46)
Nous devons l'emporter demain, Marbot, et à n'importe quel prix !
-Si vous le dites, ce sera ainsi.
-Oh, ne me flatte pas !
-Je vous ai vu à l'attaque cent fois, et l'armée vous aime.
-Je les offre aux canons et aux baionnettes et ils m'aiment ! Parfois, je ne comprend plus.
-Votre Excellence, c'est bien la première fois que je vous entends douter.
-Ah bon ? En Espagne, je devais douter en silence.
Napoleon renifla. Il se tut. Le secrétaire restait la plume en l'air.
-Berthier !
-Il n'est pas encore sur l'ile, dit un aide de camp à l'entrée de la tente.
-Et Masséna ? Il est mort ?
-Je n'en sait rien, Sire.
-Non, Masséna, ce n'est pas son genre. Qu'il vienne tout de suite.
C'est une chose laide, un vainqueur, pensait Henri [Beyle, le futur Stendhal] à la vue des troupes dépareillées qui régnaient sur Vienne. Napoléon venait de leur abandonner pour quatre ou cinq jours cette ville à peine grande comme un quartier de Paris, alors ils en profitaient. On aurait dit une meute de chiens de chasse. Ils avaient mille fois risqué la mort, soit, et de vilaine manière, ils laissaient derrière eux des cadavres d'amis, des estropiés, des aveugles, un bras, une jambe, mais la peur retombée justifiait-elle le débordement ?
- Tu as peur ?
- Pas encore.
- Pourtant, à te voir, tu n'as pas l'air à l'aise.
- J'aime pas abîmer les moissons en galopant dedans.
Lejeune avait emprunté un cheval d'artillerie pour y monter son protégé en habit de voltigeur. Il le regardait et dit :
- Demain, on va s'entre-tuer au canon dans cette plaine verte. Il y aura beaucoup de rouge, et ce ne seront pas des fleurs. Quand la guerre sera finie...
- Y en aura une autre, mon colonel. La guerre elle ne sera jamais finie, avec l'Empereur.
- Tu as raison.
Ils tournèrent bride vers Essling, sans se presser mais aux aguets. Lejeune se serait volontiers attardé, avec son carnet de croquis, pour dessiner un paysage doux et sans hommes.
Henri quitta sa chambre en courant, dévala l'escalier principal et atterrit au rez-de-chaussée. Il eut une frayeur en croisant un individu qui le guettait dans le noir, mais non, c'était sa propre image dans un miroir.
-Ordonnons le repli.
-Si nous reculons, Sire, les armées de l'Archiduc se reforment.
-Et si nous ne nous replions pas, l'Archiduc intervient sur nos flancs mal protégés, c'est le massacre ! Il faut se replier.
-Oui, Sire ? Dans l'ile ?
-Bien sûr ! Pas dans le Danube, idiot !
Caulaincourt se permit de lui rappeler qu’il devait encore signer les ratifications du traité voulu par les Alliés, que Macdonald porterait à Paris. C’est ainsi que Napoléon signa sans le relire ce long texte qui l’écartait de France sur une île, une île minuscule qui sentait le romarin mais ressemblait à une cage.
- Une scie.
- Vous voulez acheter une scie?
- Oui, assez longue et solide, pas trop souple avec des dents fines.
[…]
- Monsieur, je ne vous imagine pas du tout en charpentier ou en menuisier.
- Et vous auriez raison ! Excusez-moi, je suis assez pressé, ce matin, je ne me suis même pas présenté : Docteur Percy, chirurgien en chef de la Grande Armée.
- Vous avez besoin d’une scie pour soigner vos malades ?
- Soignez ! J’aimerais bien, mais dans les batailles on ne soigne pas, on répare, on traque la mort, on coupe des bras et de jambes avant que la gangrène s’y mette. Gangrène, vous connaissez ce mot ?
- Davout, je hais le Danube comme vos soldats vous haïssent ! (Napoléon)
- Dans ce cas, Sire, je plains le Danube. (Davout)
La guerre n'a rien de lyrique, pensait-il, ou alors de loin.