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Citations sur La Grande Peur dans la montagne (51)

Il y avait que le ciel allait de son côté, — nous, on est trop petits pour qu'il puisse s'occuper de nous, pour qu'il puisse seulement se douter qu'on est là, quand il regarde du haut de ses montagnes.
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On n'ose pas trop leur parler du pâturage, parce qu'ils n'en parlent pas eux-mêmes. Ils n'y sont d'ailleurs jamais retournés .Les nouvelles qu'on a eues ont été apportées plus tard par des personnes du pays --on veut dire par ces gens qui courent les glaciers pour leur plaisir avec des piolets et des cordes;c'est par eux qu'on a su plus tard que le pâturage avait disparu.
Plus trace d'herbe ,plus trace de chalet .Tout avait été recouvert par les pierres.
Et jamais plus ,depuis ce temps - là ,on n'a entendu là-haut le bruit des sonnailles;c'est que la montagne a ses idées à elle, c'est que la montagne a ses volontés.
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Le Président parlait toujours.
La séance du Conseil général, qui avait commencé à sept heures, durait encore à dix heures du soir.
Le Président disait :
-- C'est des histoires. On n'a jamais très bien su ce qui s'était passé là-haut, et il y a vingt ans de ça, et c'est vieux.

C.-F. RAMUZ, "Derborence", 1926 (incipit)
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De son côté, il s’était mis en route ; c’était son tour à lui de se remettre en route, pendant que la petite musique venait toujours, mais elle venait à présent pour lui entre les pins, bougeant doucement derrière leurs troncs rouges, et par terre aussi c’était tout rouge, à cause des aiguilles tombées sur lesquelles Victorine glissait.
Pendant que la petite musique venait, et la petite musique venait d’en haut, à leur rencontre, entre les pins ; tandis que Victorine glissait, parce qu’elle n’avait pas de clous à ses souliers. C’étaient ces petits souliers sans clous qu’elle mettait pour aller danser le dimanche ; un de ces après-midi de dimanche où ils allaient danser dans les fenils de la montagne, de l’autre côté de la forêt ; et elle glissait sur les aiguilles, ce qui la mettait en colère, ce qui la faisait rire, puis elle semblait prête à pleurer.
Il la prenait par la main, il la tirait à lui ; mais elle se fâchait de nouveau, disant qu’il allait lui déchirer son caraco de mohair, bien mince en effet, et brillant, brillant comme un morceau de ciel sous les arbres, pendant qu’il y avait là-haut entre les arbres ces autres morceaux de ciel.
« Ne tire pas si fort tu vas me déchirer… »
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N'empêche que c'est le dernier soir qu'on a passé ici, et un peu plus tard ils ont pu voir qui avait raison d'eux ou de moi. Il leur a bien fallu entendre.
Ils s'étaient mis assis, puis les voilà qui se tournent du côté du mur, ils se cachent la figure sous leur couverture ; ils se font tout petits, ils se roulent en boule dans la paille et sous les couvertures ; moi j'écoute.
On marchait sur le toit.
Je dis : " Hein ? eh bien, la corde ? " mais voilà qu'à ce moment on saute en bas du toit. J'arrive comme on allait entrer. J'ai eu juste le temps de donner dans la porte un coup d'épaule au moment où elle s'ouvrait, et puis je l'ai calée dans le bas avec le pied, seulement il m'a fallu la tenir jusqu'au matin, et j'ai été seul à la tenir jusqu'au matin ; et tout était tranquille de nouveau quand le matin a été là ; mais, pour tout l'or du monde, on n'aurait pas pu nous faire rester une heure de plus ici. On est redescendus avec le troupeau le jour même.
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Il pouvait être midi. Le ciel faisait ses arrangements à lui sans s’occuper de nous. Dans le chalet, ils ont essayé encore d’ouvrir la bouche aux bêtes suspectes, empoignant d’une main leur mufle rose, introduisant les doigts de l’autre main entre leurs dents, tandis qu’elles meuglaient ; – et, là-haut, le ciel faisait ses arrangements à lui. Il se couvrait, il devenait gris, avec une disposition de petits nuages, rangés à égale distance les uns des autres, tout autour de la combe, quelques-uns encapuchonnant les pointes, alors on dit qu’elles mettent leur bonnet, les autres posés à plat sur les crêtes. Il n’y avait aucun vent. Le ciel là-haut faisait sans se presser ses arrangements ; peu à peu, on voyait les petits nuages blancs descendre. De là-haut, le chalet n’aurait même pas pu se voir, avec son toit de grosses pierres se confondant avec celles d’alentour, et les bêtes non plus ne pouvaient pas se voir, tandis qu’elles s’étaient couchées dans l’herbe et faisaient silence.
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Et cette maladie est une maladie terrible à laquelle on ne connaît aucun remède. Elle se met d'abord dans les sabots des vaches et dans leur bouche, puis la fièvre les prend, elles maigrissent, elles perdent leur lait ; elles crèveraient bientôt, si on ne prenait les devants sur la mort. Il y a ordre de les abattre sitôt que la maladie est constatée, et il y a aussi des règlements pour les enfouir ; il faut que le trou ait deux mètres de profondeur au moins ; on tâche ainsi à diminuer, sinon à supprimer, les chances de contagion, malgré la perte qu'on fait, mais il vaut mieux perdre quelque chose que tout perdre.
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Là où il n'y a plus rien, là où il n'y a plus personne, là où il n'y a plus d'arbres, ni de buissons, ni même d'herbe, rien qui soit en vie, sauf quelques mousses rouges et jaunes qui font comme de la peinture sur la roche, à certaines places ; - et une pierre roulait, puis Joseph avance le pied, cherchant un appui sûr pour le tranchant de la semelle. Déjà, si on avait pu le voir, il n'aurait pas été plus gros qu'un point, vu du bas du glacier, puis il n'aurait plus été vu du tout, et il aurait été comme s'il n'était pas... On ne sait toujours pas où il va. C'était une levée de rocs noirs d'humidité et frangée de blanc dans le haut, et toujours personne. Personne ne semble être venu ici depuis le commencement de la terre et n'y avoir jamais rien dérangé, sauf qu'à présent un homme continuait d'écrire les preuves de son existence, comme quand on met des lettres l'une à côté de l'autre, pour une phrase, puis encore une phrase, dérangeant ainsi le premier la belle page blanche par ces traces qui se voyaient de loin. Où est-ce qu'il va ? De nouveau, on se demandait :"Où est-ce qu'il peut bien aller ?" car il ne semblait pas qu'il pût y avoir sur ce point aucun passage, pourtant Joseph allait toujours. Et, un instant après, en effet, on a compris ; il n'y a eu qu'à prolonger de l’œil la ligne déjà tracée par Joseph pour qu'on la vit venir se heurter à la partie d'en bas d'une sorte de long et étroit couloir rempli de neige, aboutissant dans le haut à une entaille carrée : une fenêtre, tout à fait une fenêtre par la forme, avec une vitre de ciel, et on l'appelle la Fenêtre du Chamois. C'était là-haut, entre deux dents, et le couloir qui y menait montait directement, mis debout avec sa blancheur contre la paroi, comme une échelle. Le Pas du Chamois, c'est le nom qu'il a, et en haut du pas est la Fenêtre du Chamois, qui est le nom qu'on lui donne ; qui est le nom qui lui a été donné par les quelques-uns du moins qui s'y sont risqués, des chasseurs ; - et on tourne par là la chaîne sans trop de peine, ni de détours.

Ils mettent le fusil au travers de leur dos, car ils ont besoin de se servir des mains et des pieds ; ils ont un sac avec leurs provisions dedans, ils ont des jambières de cuir ; - maintenant c'est le tour de Joseph, mais lui sans sac, ni jambières, ni fusil ; en habits du dimanche, un bâton à la main. Ils ont un cornet pour s'appeler en cas de besoin, ils sont plusieurs ; - lui était seul, n'ayant pas de cornet, n'ayant personne à appeler, marchant dans la neige pâle et dans l'espèce d'ombre que l'arête d'ardoise portait en avant d'elle...
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Il y a eu comme quand une mécanique se met en branle : un mélange de pleurs d'enfants, de cris de poules, de semelles à clous, de voix et, par là-dessus : "La maladie !"
Un bout de phrase toujours le même qui revenait continuellement, qui était jeté d'une porte à celle d'en face, de la rue à un des perrons, d'un de ces perrons au suivant :
" La maladie ! La maladie ! "
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Dehors, il devait faire complètement nuit, et peut-être qu’il y avait des étoiles, peut-être qu’il n’y en avait pas : on ne pouvait pas savoir. On n’entendait rien. On avait beau écouter, on n’entendait rien du tout : c’est comme au commencement du monde avant les hommes ou bien comme à la fin du monde, après que les hommes auront été retirés de dessus la terre, -plus rien ne bouge nulle part, il n’y a plus personne, rien que l’air, la pierre et l’eau, les choses qui ne sentent pas, les choses qui ne pensent pas, les choses qui ne parlent pas. On écoutait, il ne venait rien ; c’était une nuit sans vent ; on écoutait encore, il ne venait toujours rien. De sorte que, par contraste, à l’intérieur du chalet le craquement du feu commençait à être un grand bruit, ou bien quand on déplace le pied ou bien on tousse ou bien on crache. De sorte qu’également le petit bruit qu’a fait ensuite Barthélemy a été un grand bruit ; quand il a dit : « Oui, oui », puis de nouveau il hoche la tête, et : « Oui, oui », dans sa barbe, à cause sans doute de ce discours qu’il se tenait toujours en dedans.
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