Le bonheur résulte chez l'homme d'une réussite partielle. L'homme amoureux connait pour un temps le bonheur. L'étudiant qui vient de passer ses examens connait le bonheur pour un temps. L'homme d'affaires qui vient de réaliser une belle affaire, un moment, connait le bonheur. Le bonheur n'est que comme le prolongement sonore d'un état heureux où nous avons été et qui nous empêche d'entendre un instant les dissonances qui sont au-dedans de nous. Telle circonstance heureuse survient et c'est sa masse seule qui nous cache momentanément les parties de nous-mêmes qu'elle n'intéresse pas ; mais peu à peu la masse se dissipe et, en se dissipant, les découvre à nouveau. Alors aussi apparaissent les vides ; et peut-être que tout est vide, et c'est ce qui est insupportable.
Les idées de l'homme viennent à l'homme le plus souvent toutes faites ; il les doit aux circonstances, non à lui-même. Il en change sans avoir changé. Il exprime par leur moyen ses passions, ses besoins, ses haines, ses craintes ou ses intérêts, non lui-même. Voyez que l'Allemagne est devenue toute entière socialiste en quelques jours à l'automne 1918 et que cette même Allemagne est à l'heure actuelle 90 % nazi ( nous sommes en novembre 1935 lorsque l'auteur parle, ndlr ) . L'exemple , me dira-t-on, est extrême : il n'est qu'extrêmement visible. L'homme qui voudrait penser purement aurait d'abord à être ; or, il y a très peu d'hommes qui sont. La très grande majorité des hommes n'ont d'existence que fonctionnelle ; ils ont les idées de leurs fonctions, non les leurs. L'homme se défend ; ses idées tendent avant tout à le défendre ; la classe se défend contre la classe, le parti contre le parti. L'unité de la doctrine recouvre une extrême diversité physiologique. On ne pense guère que socialement, ce qui est très exactement ne plus penser. L'homme qui voudrait penser pleinement aurait d'abord à faire table rase de tout ce qui existe autour de lui et en lui-même, ne laissant entrer les idées en lui qu'en les contrôlant avec soin l'une après l'autre et en ne les examinant que quant aux rapports d'authenticité qu'elles peuvent avoir avec son être. C'est bien ce qu'a fait Descartes : Je pense, donc je suis. On ne pense pas d'occasion.
Si un poète sortait de vous, peut-être que vous ne mourriez pas.
On lit dans le Journal d'André Gide : "J'ai connu quelqu'un que suffisait à plonger dans une mélancolie épaisse la seule pensée de devoir remplacer bientôt et de temps à autre la paire de souliers qu'il portait aux pieds. Il ne fallait point voir là de l'avarice, mais une sorte de détresse à ne pouvoir s'appuyer sur rien de durable, de définitif, rien d'absolu" Moi.
Nous sommes aujourd'hui en pleine effervescence idéaliste... Si c'est à ce néant et à cette suspension dans le vide que, sous prétexte de "culture internationale" vous me demandez de souscrire, j'aime mieux me passer de culture. J'aime que les littératures, comme les nations, comme les individus, rivalisent. La véritable littérature internationale est la somme des littératures nationales, voilà tout... En résumé, je suis "universaliste", je ne suis pas "internationaliste".
Soirée rencontre à l'espace Guerin à Chamonix
autour du livre : Farinet ou la fausse monnaie
de Charles Ferdinand Ramuz
enregistré le 20 juillet 2023
en présence de Gérard Comby (membre de l'Office tourisme de Saillon & de la Commission du Patrimoine)
Résumé :
Un généreux Robin des bois, roi de l'évasion, porté par la plume de C. F. Ramuz.
Farinet, c'est un fameux faux-monnayeur, roi de l'évasion et Robin des bois qui vécut entre Val d'Aoste, Savoie et Valais au XIXe siècle. Arrêté pour avoir fabriqué de fausses pièces qu'il distribuait généreusement dans les villages de montagne, il s'évade à de nombreuses reprises. Ce héros populaire à la vie romanesque et rocambolesque meurt à 35 ans, en 1880. Cinquante ans plus tard, Ramuz s'empare du personnage et en fait le héros d'un récit classique, haletant comme un roman d'aventure, mais porté par son style unique : irruption du présent au milieu d'une phrase, mélange des temps qui rend le présent dense et incandescent, langue vaudoise aux accents paysans transfigurée par une écriture singulière, moderniste, au confluent des révolutions artistiques du XXe siècle (il est passionné par Cézanne et Stravinsky). Farinet se serait caché un temps au fond de la vallée de Chamonix, dans une grotte au-dessus de Vallorcine. Un petit mémorial y est installé.
Ce roman est paru pour la première fois en 1932.
Bio de l'auteur :
Ed Douglas, journaliste et écrivain passionné par l'Himalaya, a publié une douzaine de livres, dont plusieurs ont reçu des prix. Deux ont été traduits en français : de l'autre côté du miroir (Éditions du Mont-Blanc, 2018), Himalaya, une histoire humaine (Nevicata, 2022). Il publie des articles de référence dans The Observer et The Guardian. Il est rédacteur en chef de l'Alpine Journal et vit à Sheffield, en Angleterre.
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