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EAN : 9782951168213
178 pages
Les Amis de Ramuz (01/01/2001)
4.75/5   4 notes
Résumé :
C. F. RAMUZ
"Le Village dans la montagne"

(préface de Christian Morzewski)

Ainsi la chronique du "Village dans la montagne" aura-t-elle permis à Ramuz d'élaborer et de charpenter ce territoire imaginaire qui servira bientôt de personnage (et non seulement de paysage) à ses grands romans de l'Alpe. Car cette chrono-topographie est aussi et surtout une forge et une matrice de l'univers ramuzien, d'où vont sortir, encore mal dégros... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« On voit briller des feux sur la montagne, très haut, près des rochers. Il y en a un d'abord, puis deux, puis trois. L'un grandit, l'autre diminue : ils vacillent un petit peu ; c'est les pâtres d'Arpitettaz qui les allument, quand ils passent la nuit dehors. »

Ce qu'il y a de grand dans "Le Village dans la montagne" c'est qu'il est matriciel. Dès 1908, il comprend au fond TOUT le Ramuz qui suivra... jusqu'à la disparition physique de l'inventeur du "roman-poème" en 1947.

Certes est déjà là "LE" Ramuz somptueux et aride des hauteurs décharnées du Valais : celui de "Jean-Luc Persécuté" [1908] (troisième roman publié de l'auteur, qui paraîtra simultanément à cette évocation-charnière), "Le Règne de l'esprit malin" [1917], "La grande Peur dans la montagne" [1926], "Farinet ou la fausse monnaie" [1932], "Derborence" [1934], "Si le soleil ne revenait pas" [1937]... mais pas que.

Le "Lac" aux pieds de la Lausanne natale y est aussi... "Le Lac aux Demoiselles" de même... Les ombres d'Aline et Julien ["Aline", 1905] tout comme celles du trio Emile Magnenat, Hélène et Frieda ["Les Circonstances de la vie", 1907] viennent de s'évanouir... La déchéance alcoolisée de Jean-Luc ["Jean-Luc persécuté"] sera l'envers et l'enfer du décor valaisan... Un "Besoin de grandeur" ressurgit... L'existentiel, le pur existentiel... L'instinct de survie... Coincés là-haut entre l'interminable saison froide, le dégel tardif et l'exubérance, l'aventure des estives... Quatre saisons impitoyables mais nobles, à leur manière — auxquelles il faut bien survivre...

Un almanach valaisan inspiré de plusieurs séjours de son auteur à Lens (district de Sierre, à l'est de Sion), chez un ami peintre...

Les quatorze pages de la Préface de Christian MORZEWSKI "Le village dans la montagne ou l'almanach valaisan de C.F. Ramuz" resituent avec bonheur et passion ce drôle d' "ouvrage de commande" en son contexte si personnel , évoquant l'univers de Jean Giono, ces recueils d'existences du "folkloriste" Arnold van Gennep mais aussi les témoignages de l'ami Maurice Zermatten et de l'illustrateur Edmond Bille..

Le récit "tient tout seul"... Il n'est pas sûr qu'il ait, au fond, réellement eu "besoin" des 170 estampes, dessins et croquis pleins de force d'Edmond BILLE accompagnant initialement (tout comme les romans de Jules VERNE sont à nos yeux désormais indissociables des illustrateurs Léon BENETT, Edouard RIOU et quelques autres), "illustrations" ramenant involontairement, malgré leur expressivité, à l'anecdotique ces quatre saisons du Village auquel sont enracinés ces femmes et ces hommes...

Mais voyons ici l'organisation du récit :

— CHAPITRE I : Scènes du dégel autour du village ; tache brune s'agrandissant au coeur de la neige, malgré la fonte retardée par de nouvelles chutes de neige — L'annonce du printemps...

— CHAPITRE II : Scènes de nomadisme : lent retour vers le village de "ceux de la vigne" qui étaient descendus sur les coteaux pour Carême...

— CHAPITRE III : le village, ses maisons, ses dépendances... L'eau, les herbages, les jardins, les bêtes, les hommes...

— CHAPITRE IV : Convois de fumier de Jean-Luc jusqu'aux jardins, allées et venues avec le mulet. la nuit de la naissance du petit d'innocente...

— CHAPITRE V : Réfection vitale des chemins. le choix des Sept de l'inalpe. Montée à l'alpage. Combat des vachettes sur le battoir...

— CHAPITRE VI : le bisse ou le Chemin de l'eau, du lac d'altitude jusqu'au village...

— CHAPITRE VII : « L'hôtel a sa vie, le village a la sienne. » Jours d'été pour l'hôtel-aux-touristes et le village. Baptiste et Augustin au service de la Poste. le parc aux chèvres. Complicités et noces de Justin Calloz et Josette Antille...

— CHAPITRE VIII : Fenaisons et fenils. Messes des dimanches et processions estivales...

— CHAPITRE IX : Simon, Joseph et les autres : exercices estivaux pour pompiers volontaires. Scènes tragicomiques.

— CHAPITRE X : La vie rude des Sept — "Ceux des chalets"... L'inalpage comme "action de mener le troupeau dans les alpages et séjour estival des troupeaux là-haut"...

— CHAPITRE XI : Temps de moisson, arrivée des brouillards, fermeture de l'hôtel...

— CHAPITRE XII : Saison d'automne jusqu'à Toussaint...

— CHAPITRE XIII : La petite chapelle, les emprunts, visites du Monsieur de la ville qui a fait bâtir l'hôtel...

— CHAPITRE XIV : Petits travaux d'hiver. Veillée à la chambre de Sidonie qui, trop pauvre, finira vieille fille..

— CHAPITRE XV : Une mauvaise blessure ou le funeste destin d'Ambroise... Présence de la mort et saison des Morts. Etapes de la fabrication des cercueils...

— CHAPITRE XVI : La "ouivre", les fées et autres esprits malins : pas si risibles légendes. Un lent retour au dégel... Au milieu des neiges salies, le "petit oeil" d'une gentiane s'ouvre sur le proche Renouveau printanier...

Un récit passionnant qui s'avère également une métaphore de notre destinée "ici-bas", loin des sommets neigeux...

La place capitale de cet ouvrage en ce moment de bascule de l'Oeuvre ramuzienne est remise en valeur dans la passionnante et monumentale Thèse de Jean-Louis PIERRE, "Identités de CF. Ramuz" (Artois Presses Université, 340 pages, 2011)...

"Joie dans le Ciel", donc, de découvrir une peinture aussi magnifique, cet ultime témoignage d'un début de siècle et d'une fin de civilisation pastorale, une "oeuvre peinte avec les mots" que vous n'oublierez sans doute jamais !

« Ils sont ce que la montagne les a faits, parce qu'il est difficile d'y vivre, avec ces pentes où l'on s'accroche, avec un tout petit été au milieu de la longue année et comme un désert autour du village. On va sur les chemins longtemps sans rencontrer personne. »
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C'est un livre qui date de 1908 .Dans l'édition originale figuraient 170 estampes, dessins et croquis du peintre valaisan Edmond Bille. Que l'on ne retrouve pas dans cette édition ( Les Amis de Ramuz), dommage ( j'en ai retrouvé quelques unes).

C'est donc la chronique d'une petite communauté montagnarde au fil des saisons et de leurs activités diverses en fonction de ces mêmes saisons . Un mode de vie semi-nomade, finalement, puisque la moitié de la vie se passe sur les chemins.
Leur localisation précise n'est pas indiquée, le village n'a pas de nom, ni même de nationalité propre..
Pour permettre à Ramuz à la fin de ce livre de pouvoir proclamer la valeur universelle de son récit:
"Et puis peut-être qu'il ne faut pas aimer les hommes pour leurs différences, mais leurs ressemblances, et voir surtout en eux par où ils sont tous frères, ayant tous les mêmes douleurs, les mêmes joies, les mêmes peines, une même façon d'aimer.
Les voir dans le durable, dans leur fond, non dans l'accident."

Les chapitres sont presque des petites nouvelles, chacune associée à un événement de la vie. Même si l'on suit certains personnages ici et là un peu plus loin dans leur propre parcours de vie.
Il n'y a aucune idéalisation,mais une tendresse pudique dans le regard, quelquefois admirative, et des descriptions toujours pleines de poésie.

"Une telle intensité d'émotion et d'humanité irradie de ces notes.. que l'on se demande ce qu'il faut le plus admirer chez Ramuz, de l'extraordinaire empathie de son regard, de sa sensibilité de poète ou sa subtilité de styliste très savamment naïf "écrit Christian Morzewski dans la préface.
Cette chronique d'un village a permis à Ramuz d'élaborer un territoire imaginaire (imaginaire, mais finement observé..) qui lui servira de trame pour ses futurs romans.
C'est très beau!



Lien : http://www.edmond-bille.ch/v..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
D'où elles viennent, leurs chansons ? On ne sait pas. Il y en a probablement qui sont vieilles, mais d'autres sont de celles qui se chantent encore dans les villes, qui sont arrivées jusqu'ici, apportées un jour par quelqu'un ; seulement on ne les reconnaît pas, parce que c'est d'un autre cœur qu'on les chante ; et les paroles changent peu à peu. Il y a ordinairement dedans un galant avec sa bonne amie ; et ils s'aiment bien ; et le galant fait des cadeaux à sa bonne amie, c'est des bonbons et des gâteaux. Il y a le « Bouton de rose » :

« Dans un bouton de rose
Mon cœur est enfermé
Personne n'en a la clé
Que mon cher et bien aimé... »

Il y a encore : « Le sam'di soir après l' turbin ». Elles chantent : « Le samedi soir à Saint-Urbain ».

C'est des voix tristes, un peu timides, un peu plaintives, qui traînent et meurent à la fin des phrases ; et disent ainsi la vie difficile, et que l'amour passe vite ; et quelquefois on trouve bien le temps de rire, mais le plus souvent on ne connaît que le chagrin.
Les filles chantent toujours, dès qu'une chanson est finie, elles en recommencent une autre ; quand elles n'en savent plus de nouvelles, elles rechantent celles qu'elles ont déjà chantées. Peut-être que les garçons les ont entendues et se sont cachés dans le bois tout proche ; quelquefois on entend les branches remuer. Mais on ne voit plus rien, il fait à présent complètement nuit.
On voit briller des feux sur la montagne, très haut, près des rochers. Il y en a un d'abord, puis deux, puis trois. L'un grandit, l'autre diminue : ils vacillent un petit peu ; c'est les pâtres d'Arpitettaz qui les allument, quand ils passent la nuit dehors.

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre IX — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001, pages 96-97]
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Ils sont rentrés pour la Toussaint. Déjà la neige est tout près du village. Un petit peu d'hiver se tient ainsi à votre porte pour le jour des Morts, qui vient le lendemain. Ils vont ce jour-là prier sur les tombes. Les cloches sonnent toute la journée.
Elles sonnent pour les morts et marquent qu'on se souvient d'eux sur la terre, et intercèdent aussi pour eux, par leurs longues, lentes voix. C'est deux notes, une haute et une autre assez basse, qui reviennent tout le temps, avec un même son, une même cadence, et un même battement triste. Et alors cette voix s'en va vers les rochers, mais ils sont déjà renfermés dans leur solitude d'hiver ; et s'en va vers les pâturages mais ils sont vides ; et vers les bois, mais ils sont pleins d'ombre : et s'en revient tournant sur place et ne s'adresse plus qu'aux hommes, à qui elle dit : « Pensez à ceux qui s'en sont allés devant vous, et que ce jour viendra pour vous pareillement. »

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre XII — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001, page 140]
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On a aussi tué un mulet. Comme on ne pouvait plus s'en servir autrement, à présent on va le manger. Car le mulet est une bête chère, un bon mulet vaut autant qu'un cheval, quelquefois même davantage. Et longtemps celui-là, sous le bât de bois bien sanglé, avait été seul dans la montagne, par les petits chemins où eux seuls peuvent passer, portant tantôt du bois, tantôt du fumier, et tantôt du grain ; ou bien le vin dans les barots, ou bien aussi son maître ; grimpant les pentes, faisant rouler les pierres sous ses petits sabots, mangeant un peu de paille ou d'herbe, puis il est devenu trop vieux. On l'a assommé d'un coup de maillet.

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre XIV — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001, page 154]
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Comme le soleil donne fort, une première tache brune vient d'apparaître, tout à coup. Et d'en haut la chaleur descend et agit avec sa elle flamme claire, mais d'en bas, de dessous la neige, il semble que la terre elle aussi s'aide, étant impatiente après son long sommeil d'hiver. Cependant de tous les côtés, qu'on regarde vers en haut, qu'on se tourne vers en bas, on ne voit rien que du blanc, tout est recouvert : dessus un ciel tout bleu, posé sur les arêtes, comme le toit sur la muraille. Et tout est bleu et blanc, il n'y a qu'ici cette tache brune qui sort puis qui s'élargit peu à peu, et au bord il se forme une mince croûte de glace où roulent une à une comme des perles d'eau.

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre I — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001, page 25]
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Et cette vie enfin, on la voit toute entière, voilà pourquoi on l'aime. Elle n'est pas éparpillée, mais resserrée en un seul point. Car tout ce qu'il leur faut, ils le tirent d'ici, ils se suffisent à eux-mêmes. On peut voir où leur blé mûrit, comment ils le coupent, et le lient en gerbes, et où ils vont le moudre, et le four où cuira le pain. Et le lait des vaches qu'on voit paître, qu'on voit traire, c'est dans cette chaudière qu'il deviendra fromage. Pour la viande, ils ont leur bétail, leurs cochons, leurs chèvres ou bien leurs mulets. Pour boire, le vin de leurs vignes. Pour leur habits, la laine des moutons ; pour leur toile encore, des carrés de chanvre. Et leur bon Dieu aussi est un peu à eux, car c'est Celui de la montagne, qui voit de plus près, de son ciel, ces hommes au-dessous de lui [...]

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre IX — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001, page 41]
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Videos de Charles-Ferdinand Ramuz (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Charles-Ferdinand Ramuz
Soirée rencontre à l'espace Guerin à Chamonix autour du livre : Farinet ou la fausse monnaie de Charles Ferdinand Ramuz enregistré le 20 juillet 2023 en présence de Gérard Comby (membre de l'Office tourisme de Saillon & de la Commission du Patrimoine)
Résumé : Un généreux Robin des bois, roi de l'évasion, porté par la plume de C. F. Ramuz.
Farinet, c'est un fameux faux-monnayeur, roi de l'évasion et Robin des bois qui vécut entre Val d'Aoste, Savoie et Valais au XIXe siècle. Arrêté pour avoir fabriqué de fausses pièces qu'il distribuait généreusement dans les villages de montagne, il s'évade à de nombreuses reprises. Ce héros populaire à la vie romanesque et rocambolesque meurt à 35 ans, en 1880. Cinquante ans plus tard, Ramuz s'empare du personnage et en fait le héros d'un récit classique, haletant comme un roman d'aventure, mais porté par son style unique : irruption du présent au milieu d'une phrase, mélange des temps qui rend le présent dense et incandescent, langue vaudoise aux accents paysans transfigurée par une écriture singulière, moderniste, au confluent des révolutions artistiques du XXe siècle (il est passionné par Cézanne et Stravinsky). Farinet se serait caché un temps au fond de la vallée de Chamonix, dans une grotte au-dessus de Vallorcine. Un petit mémorial y est installé. Ce roman est paru pour la première fois en 1932.
Bio de l'auteur :
Ed Douglas, journaliste et écrivain passionné par l'Himalaya, a publié une douzaine de livres, dont plusieurs ont reçu des prix. Deux ont été traduits en français : de l'autre côté du miroir (Éditions du Mont-Blanc, 2018), Himalaya, une histoire humaine (Nevicata, 2022). Il publie des articles de référence dans The Observer et The Guardian. Il est rédacteur en chef de l'Alpine Journal et vit à Sheffield, en Angleterre.

#paulsen #guerin #livres #farinet #ramuz #saillon
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