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Critique de dourvach


1917 : "Le Règne de l'esprit malin"...

Après la belle chronique de "La guerre dans le Haut Pays" (son sixième roman, paru en 1915), voici le septième... et tout premier d'une saisissante série de six romans (dits) "mystiques" [soit : "Le Règne de l'esprit malin", "La guérison des maladies", "Les signes parmi nous", "Terre du ciel", "Présence de la mort", "La séparation des races"] dont la parution s'étalera de 1917 à 1922 - à un rythme accéléré et notamment grâce à la fondation des "Cahiers Vaudois" à Lausanne (les années d'existence de cette courageuse Revue littéraire si excentrée seront : 1914 à 1920)...

Eh bien, quel conteur, quelles "forces d'images", et quel humour tout en finesses de langue (bien fourchue) !

Au final, une histoire toute faustiennne... Branchu, le "vagabond-cordonnier" qui paraît soudain (arrive puis stationne à l'auberge, et - quelle coïncidence ! - juste trois jours après la mort du cordonnier du village, s'enquiert aussitôt d'un commerce à racheter,

Branchu, c'est Mephistophélès... mais le naïf "Faust", par contre, c'est le village entier, séduit d'abord par le bagout et les espèces sonnantes et trébuchantes de l'étrange vagabond, toujours si plein de largesses...

Nous irons jusqu'au bout de la route avec le Maudit : la séduction puis le malheur... "Le règne de l'esprit malin" s'empare du village... Force du diable (ou du diablotin) : car il est justement si "malin"...

Seule "l'innocence" d'un enfant, peut-être, en contre-pouvoir si fragile... Cette innocence-là, inatteignable par le monde matérialiste des adultes, n'offrira plus "prise"... imperméable à toute emprise, à toute puissance sournoise...

Le conte reste réaliste. Branchu pourrait tout aussi bien ne pas être "le diable"... Diable d'homme, tout simplement ! Ou peut-être serais-tu "notre" capitalisme du futur, fourvoyeur et égareur d'âmes ?

Il est curieux de voir en ce touchant récit combien s'annoncent - comme en germe - les maléfices des alpages maudits de "La grande Peur dans la montagne" [1926], les ravages de l'avalanche de pierres de "Derborence" [1934] et les charmes de l'aura fédératrice et rédemptrice de la jeune Isabelle, puissance solaire, face à la toute-puissance malfaisante du devin Anzevui dans "Si le soleil ne revenait pas", conte poétique magistral et secret - presque ultime - de 1937...

Gloire à la grâce intemporelle de l'étrange langue nouvelle de C.F. RAMUZ ! Chaque ligne, chaque image du texte semble s'inventer seule, luire et chanter sa petite chanson sous nos yeux, parler directement à notre coeur...
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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