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EAN : 9782825105665
194 pages
L'Age d'Homme (10/10/1994)
4.01/5   61 notes
Résumé :
" Il faut dire que, pour eux, chaque année, vers le 25 octobre, le soleil était vu pour la dernière fois et il ne reparaissait pour eux que le 25 avril. Le 25 octobre, au-dessus de la montagne qui est au sud, il y avait encore une traînée de feu, une vague gerbe d'étincelles comme quand avec un bâton on attise un brasier; et c'était fini pour six mois. " Mais le rebouteux Anzévui a prédit que, ce printemps-ci, le soleil ne reviendrait pas... Le village s'installe da... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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L'histoire est toute simple, elle a la saveur d'un conte ancien, transmis de génération en génération. Pourtant le récit se passe un peu avant la seconde guerre mondiale.
Nous sommes dans un village adossé à la montagne, précisément dans un hameau du valais suisse. Ici les habitants sont habitués à voir le soleil disparaître derrière les crêtes, à compter d'octobre pour ne reparaître qu'en avril. C'est une absence de l'astre solaire durant près de six mois mais à laquelle les habitants de la montagne sont habitués. Cette disparition, puis réapparition, rythment ainsi le temps qui passe et la vie pastorale dans cette vallée des Alpes suisses depuis des lustres, que dis-je, depuis des millénaires.
Il faut dire que, pour eux, chaque année, vers le 25 octobre, le soleil se montre pour la dernière fois, s'éteignant comme une traînée de feu et il ne reparaît pour eux que le 13 avril, surgissant comme une étincelle prête à embraser le ciel encore pâle. Entre ces deux dates, la vie pour autant ne s'arrête pas, elle est simplement différente, plus lente.
Cet hiver-là, Anzevui, le vieux guérisseur, un peu sorcier, un peu sage, un peu fou aussi, consulte un vieux livre, puis se met à faire des calculs savants, griffonnant des pages de chiffres. Il n'y a aucun doute selon lui. Il annonce alors à la cantonade que le soleil s'éteindra au printemps. Plus précisément, alors que le 13 avril de chaque année le soleil s'apprête normalement à revenir, c'est bien ce jour-là qui scellera sa disparition définitive, en ne se hissant pas comme les autres années, sur la cime des crêtes. La prédiction du vieux guérisseur s'accompagne aussi d'une autre mauvaise nouvelle : sa propre mort qui viendra ce jour-là...
Les signes sont là d'ailleurs. La guerre est toute proche qui s'apprête à embraser le monde. Et si justement le soleil en profitait pour se faire la belle, pour ne plus jamais revenir... Et si Anzevui avait raison ?
La menace de ce cataclysme est comme une déflagration. Elle va alors bouleverser la petite communauté et le comportement de ses membres. Chacun y va de sa petite musique. Certains cèdent à la panique, d'autres font des réserves, hé hé ! ça ne vous rappelle rien, et les plus jeunes se moquent du vieux guérisseur et de la superstition des plus anciens.
Et si le soleil ne revenait pas... Chacun lance cette sentence et brode à sa manière sa représentation de ce que pourrait être l'existence qui devient brusquement et définitivement obscure à jamais. Autant dire que la vie ne durerait pas très longtemps...
Chacun s'exprime sur le sujet, même la belle et sensuelle Isabelle, qui elle aussi a bien une idée derrière la tête, - si toutefois il faut parler de la tête à cet endroit, oui elle a bien une idée de ce qu'elle ferait avec Augustin son mari, si le soleil ne revenait pas...
Ah ! Comme j'ai aimé ce personnage attachant qui est peut être un astre incandescent à elle seule, traversant l'histoire de ce village, de cette communauté pastorale, de ses certitudes et de ses croyances, se dressant contre la fatalité des choses dans ce désastre annoncé !
Il est vrai qu'on a là à portée du regard, dans ce microcosme ramassé comme dans un huis-clos montagnard, toute la palette du genre humain que la menace d'un événement qui leur échappe va exacerber dans les traits de caractère et les comportements de chacun.
J'ai retrouvé avec jubilation l'écriture de Charles Ferdinand Ramuz, sa manière de raconter un récit, son phrasé inégalable, empli de fraîcheur et de poésie. Tour à tour, le récit, d'une richesse incroyable, visite tous les styles sans forcément s'enfermer dans un seul : fable métaphysique, conte onirique, récit effleurant le fantastique, chronique pastorale... Ce soleil qui menace de ne plus revenir, n'est-ce pas aussi un thème qui vient chatouiller notre imaginaire actuel ?
Il y a aussi une tension palpable comme un compte à rebours jusqu'à la dernière page, jusqu'au dénouement et on se laisse emporter par les pages du récit qui nous happe, pris dans la farandole des personnages, pris dans la nasse d'un texte qui sème en nous le trouble, le doute et l'enchantement aussi...
Et vous, si le soleil ne revenait pas, que feriez-vous donc ?
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Une critique magnifique de Nastie92 et me voilà réservant ce livre auprès de ma bibliothèque.
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Avant de vous parler du fond, laissez-moi vous parler du livre objet. C'est mon mari qui l'a récupéré à la bibliothèque. Très surpris.... C'est quoi ce livre en toile de jute sans titre ni auteur ? C'est vraiment toi qui l'a réservé ?
C'est vrai ça c'est quoi cet OVNI enfin cet OLNI objet livresque non identifié plutôt. Une toile de jute effilochée recouvre un livre sans titre ni nom d'auteur en effet. Une cote étrange (A19198 rien à voir avec les cotes habituelles de ma bibliothèque). Je finis par ouvrir le livre. 1e page blanche, 2e page blanche. La 3e reprend la cote de la bibliothèque. Et enfin la 4e ! du texte ! Ah bin juste que c'est édité en 1955 (1955 !!!) et c'est une édition numérotée. Il a fallu la 5e page pour voir le nom de l'auteur, la 6e pour avoir le titre ! Conclusion : c'est bien le bouquin que j'ai réservé. Mais quelle chose étrange....
J'ai eu de la chance, je pense que ce genre de vieux livre à l'édition numérotée n'est pas censé sortir de la bibliothèque et doit être consulté sur place.
Bon j'en profite et je commence le livre.
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Dans mon édition de 1955 (!!!) j'ai un roman et une nouvelle qui tous deux s'intitulent "et si le soleil ne revenait pas ?". La fiche Babelio concerne le roman. Aucun doute car la nouvelle est très différente du roman.
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Pour revenir au roman. On est dans les années 30 (à la TSF on écoute des nouvelles de la guerre d'Espagne). On est dans les Alpes, dans un village mal orienté : 6 mois de l'année le soleil ne franchit pas les pics montagneux.
La montagne est difficile, rude. La vie y est difficile, rude. Les gens qui y habitent doivent faire avec.
Un petit village, même pas d'église qui se trouve en contrebas. Un bar. Quelques habitants que nous allons croiser. Et le rebouteux du village, celui qui soigne avec les plantes, celui qui lit, qui étudie les étoiles.... et qui va annoncer que le soleil ne va pas revenir au printemps. Ces 6 mois sans soleil vont devenir une éternité.
Les habitants sont partagés. vrai ? faux ? Chacun va se révéler. On va s'interroger avec eux, jusqu'à la fin, magnifique.
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A noter que la nouvelle qui a le même titre reprend le même fond d'histoire tout en étant totalement différente. On est toujours dans les Alpes, toujours cette même annonce. Pas du tout la même trame. Beaucoup plus noir....
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Une découverte pour moi !
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Encore une merveille due à la plume ensorcelée de Ramuz!

Une grande tension, une plongée crépusculaire dans une attente terrifiée: celle d'un petit village du Valais, Saint Martin d'en-haut, si encadré de sévères montagnes que le soleil y disparaît quasiment pendant cinq mois.

Alors, quand Anzévui, le vieux sage, prédit sa disparition définitive, c'est l'effroi.

Le compte à rebours commence.
Patiemment, douloureusement, ironiquement, Ramuz scrute les coeurs et les corps face à cette disparition annoncée.

Il y a les prudents qui amassent, entassent, prévoient, thésaurisent. Les désespérés qui se noient dans leur chagrin et dans l'alcool. Les malins qui profitent du désarroi général pour tirer leur épingle du jeu. Les courageux qui risquent leur vie pour se forger une opinion. Les généreux qui tentent de redonner l'espoir aux autres. Les pessimistes qui se résignent et font leurs adieux. Les optimistes qui les rabrouent. Les amoureux de la vie pleins de sève, de rire et de déni.

Peu à peu, le lecteur, magnétisé par ce huis-clos hivernal et montagnard, en vient à douter, à redouter, à vaciller.

Fable politique d'une apocalypse réelle- la seconde guerre menace? Fable métaphysique sur la force ou la fragilité de notre foi dans la vie?

Peu importe : le roman de Ramuz, une fois encore, tire sa puissance de conviction de sa langue- ces étranges formes semi - passives qui présentent les personnages comme à distance, comme s'ils étaient épiés par une instance narrative mystérieuse, voilée, et oppressante - "ils étaient vus" , "on l'a aperçue ".

Ou encore cette fausse maladresse dans le tâtonnement des images - " elles ont été comme quand la rosée, à la pointe de l'herbe, brille dans le jour"- , qui sort les mots de leur gangue pour les faire soudain étinceler dans la lumière!

Ou ces temps verbaux baladeurs, tantôt présent, tantôt passé, qui secouent le sablier rituel de bien étrange manière..

J'ajoute des descriptions magnifiques, des descriptions de mouvement comme si elles étaient d'un chorégraphe, de paysages comme si elles étaient d'un peintre, de bruits comme si elles étaient d'un musicien...

Ramuz est une sorte de magicien qui s'empare d'un sujet tout simple-une prédiction jette le trouble dans un village perdu- et en fait une symphonie majestueuse, avec prélude, mouvements, motifs, et final éclatant.

Un bijou, tour à tour ténébreux et solaire!
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Que feriez-vous si l'on vous annonçait que tout allait disparaître ?
Imaginez un peu : le soleil ne va plus jamais revenir, et la Terre va rester plongée dans une éternelle obscurité incompatible avec toute forme de vie.
Alors, que feriez-vous ?

La nouvelle secoue le petit monde tranquille de Saint-Martin d'En Haut, petit village haut perché des Alpes suisses.
Les fatalistes attendent la fin ; les prévoyants, tels les fourmis de la fable, entassent ; les braves essaient de faire quelque chose ; les profiteurs profitent...
Chacun agit selon sa nature, et l'imminence du désastre annoncé exacerbe les traits de caractère.

Et vous, que feriez-vous ?

Le livre de Ramuz constitue une excellente étude du genre humain.
Je me suis régalée avec cette lecture d'un auteur qui est un classique dans son pays, à tel point que pendant plus de vingt ans, la banque nationale suisse a mis son portrait sur les billets de deux cents francs.
Dès le départ, il installe une atmosphère unique dans ce huis clos montagnard. Il rend la tension palpable, et le lecteur vit avec les villageois l'angoisse suscitée par la terrible prédiction. Tension et angoisse qui montent au fil des pages.

Si le soleil ne revenait pas est un ouvrage inclassable. Mi-fable, mi-roman, c'est un texte surprenant et envoûtant. Il possède à la fois le charme de l'ancien temps, et la beauté d'un style original et résolument moderne.
Ramuz maîtrise merveilleusement le rythme, et plus précisément les changements de rythme, qui apportent force et poésie au récit.
Le fond, la forme : tout est bon comme du bon pain dans ce livre qui se dévore avec un immense plaisir.

Et vous, que feriez-vous ?
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Une nouvelle étape dans mon voyage en Ramuzie .

Un roman fort qui m'a fait sentir la vie rude de ces périodes de l'hiver dans ces villages de montagne d'une autre époque, mais surtout la variété des sentiments humains face à la prédiction d'un malheur définitif.

Ce village, c'est Saint Martin d'en Haut, un village haut perché et qui, placé du côté de ce que l'on nous apprenait à l'école être l'ubac, le versant non exposé au soleil, vit sans lumière solaire durant les cinq mois d'hiver.
Un vieil homme, Anzévui, un peu étrange, un peu sorcier, qui soigne les gens du village avec des herbes récoltées dans la montagne, annonce à Revaz, un villageois venu pour soigner son genou gonflé, que le soleil ne reviendra pas en avril, qu'il s'éteindra et qu'en même temps, lui, Anzévui mourra. La terre ainsi plongée dans l'obscurité, va progressivement se refroidir de façon inéluctable.
Cette annonce d'une catastrophe à venir, faite aussi à d'autres villageoises et villageois, telle Brigitte qui vient lui faire son ménage, entraîne de multiples réactions chez les habitants de Saint Martin d'en Haut.

C'est cette cascade de réactions que le roman nous livre, avec toute la palette des inquiétudes et turpitudes humaines, de celui qui se noie dans l'alcool et de celui qui profite du malheur de son voisin, de tous ceux qui font provision de bois et d'huile pour les mois à venir, du jeune qui part dans le brouillard en montagne pour trouver le soleil, sans succès, du père qui se décide à léguer ses biens à ses enfants et de ce fils qui ne croit pas à cette prédiction, mais qui est tout heureux de découvrir que ses parents n'étaient pas si pauvres et de pouvoir envisager de se marier avec sa fiancée, etc….
Le temps passe et voilà qu'arrive le 13 avril (le chiffre 13, un signe?), l'échéance fatidique. Et l'on voit la jeune et belle Isabelle, persuadée que le soleil va bientôt revenir, entrainer à l'aube tous les jeunes, sauf son pessimiste Augustin de mari, dans une marche vers les sommets; et toutes et tous voient le magnifique soleil leur apparaître et annoncent au village son retour par des sons de corne de berger et des salves de fusil.

Une histoire très régionaliste, très «rustique », me direz vous.
Oui et non, car Ramuz en fait, je trouve, une histoire symbolique des comportements humains face à une catastrophe annoncée, et sur l'espoir qu'il faut conserver (et la confiance en la jeunesse!). Il faut d'ailleurs noter que, dans le récit, la radio donne des nouvelles de la guerre civile espagnole, et donc, ce roman, qui date de 1937, est peut-être marqué par la seconde guerre mondiale qui s'annonce.

Et puis il y a l'écriture, toujours magnifique, dans laquelle le choix des mots, la répétition des phrases donnent au texte cette respiration poétique si belle.
A propos du style de Ramuz, j'ai lu avec étonnement que des écrivains français (dont un académicien français des « Grosses Têtes ») lui reprochaient de mal écrire, et même de le faire exprès!
Je me dis que, sans doute aussi, n'aimaient-ils pas Duras, trouvaient-ils les Illuminations de Rimbaud incompréhensibles, et auraient-ils détesté les romans de Damasio.
Tant pis! Comme le disait il y a quelques années une publicité pour une célèbre marque de rillettes, «Nous n'avons pas les mêmes valeurs! ».
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Ils étaient les sept, ils sont arrivés sur l'arête. La neige en avait été balayée par les vents. C'est qu'ici ils ne sont contenus par rien, qu'ils soufflent du nord ou du sud. Eux se sont trouvés faire face à ce dos où les blocs, posés à la suite l'un de l'autre, ont eu soudain une couleur et une forme ; ils sont devenus gris et on voit qu'ils sont gris ; ils ne sont pas seulement gris, mais veinés et on voit leurs veines, et tachés et on voit leurs taches. Dans les vides qu'ils laissaient entre eux, un peu de neige était restée, on voyait la neige ; ailleurs on voyait la terre et il y avait aussi un peu de gazon jauni. Du jaune, du blanc, du gris, du brun.
C'est alors qu'Isabelle avait tendu le bras :
« Regardez là-bas, qu'est-ce que j'ai dit ? »
Ils s'étaient arrêtés. On la voyait maintenant, elle ; elle aussi, elle les voyait. On voyait la couleur de leurs visages, on voyait la couleur de leurs vêtements : les guêtres de Métrailler, les jambières de Tissières, la moustache de Julien Revaz ; et elle, ses joues joues brunes qui étaient dans leur milieu comme la pêche quand elle mûrit :
« Ça va être le beau temps. Souffle dans ton cornet, Jean, qu'ils nous entendent du village. Souffle comme à la caserne. Dis-leur : "Debout, les vieux, c'est le moment."... »
Jean a soufflé dans son cornet.
Alors on a vu le village renaître peu à peu à lui-même. De là-haut, ils l'ont vu ressusciter à la lumière (...)

[C.F. RAMUZ, "Si le soleil ne revenait pas", Mermod (Lausanne), 1937 — rééditions : éd. "L'âge d'Homme"(Lausanne) — Intégrale des Romans, coll. "La Pléiade", éd. Gallimard (Paris), 2005, tome 2, pages 1299-1300) — chapitre XIII]
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Ils écoutent encore, il n'y a rien que ce bruit au-dedans de vous qui va mourant et laisse venir à sa suite l'immense silence qui est sur le monde comme si le monde n'était plus; comme si on n'était plus au monde, comme si on était suspendu bien au-dessus de la terre dans le grand désert où les astres en tournant sont silencieux.
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Vers les quatre heures et demie, ce jour-là, Denis Revaz sortait de chez lui. il boitait assez bas.
C'était son genou qui n' "aillait pas", comme il disait ; et on lui disait : "Comment va votre genou ?" ; il répondait : "Il ne va pas fort."
Ainsi il a longé non sans difficulté la petite rue qui traverse le village, et on l'a vu ensuite s'engager sur sa gauche dans un sentier qui menait à une vieille maison.
A peine si on l'apercevait encore dans l'ombre, cette maison ; on distinguait pourtant que c'était une maison de pierre avec un toit couvert en grosses dalles d'ardoise, et il se confondait par sa couleur avec la nuit, mais est-ce bien la nuit ? ou est-ce le brouillard ? ou encore autre chose ?

(C.-F. RAMUZ, "Si le soleil ne revenait pas", 1937, chapitre I -- incipit)
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Et c'est là qu'enfin, en effet, il était paru, le soleil, ou ce qui aurait pu être le soleil et c'est là qu'il devait en effet sortir de derrière la chaîne pour aussitôt s'y recacher.
Mais il était devenu rouge et la roche où Métrailler se tenait devint rouge ; et le soleil là-haut ne s'était pas montré, mais il semblait qu'on le montrât ; il ne s'était pas enrubanné, tout enserpenté de nuées qui étaient elles-mêmes comme des caillots de sang.
Tout à fait pareil à une tête coupée autour de quoi la barbe et les cheveux pendraient encore fumants ; qu'on a levée en l'air un instant, puis qu'on a laissée retomber.
Et déjà le brouillard et l'obscurité étaient revenus là où avait été sa place. 
(page 1215 - édition de la Pléiade, tome II)
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Car même au gros de l'hiver, même dans ces villages où le soleil ne se montre pas de tout le jour, rien n'est plus beau à voir, d'ordinaire, que la pureté du ciel et l'éclat de la neige. Même ici où on ne voit pas le soleil pendant six mois, on le sent qui est là, derrière les montagnes, et envoie en délégation ses couleurs, qui sont le rose pâle, le jaune clair, le roux, dont un pinceau minutieux revêt autour de vous les pentes. La neige sur les toits est comme du linge qu'on vient de passer au bleu ; elle est sur le côté des toits comme des piles de draps de lit pliés en quatre dont on voit les épaisseurs, lesquelles débordent ; et la masse dépassante, de temps en temps, se rompt et tombe, avec un bruit d'écrasement, comme un fruit mûr. La neige est à la pointe des pieux comme des bonnets en laine d'agneau. L'air est à la fois immobile et animé d'un mouvement secret ; il ne se respire pas, il se boit. Il est plus transparent que le cristal, si loin que porte le regard, de sorte qu'au lieu de ternir les choses ou de les brouiller, il les rend nettes, il les rapproche, comme des verres de lunettes. Et il y a un moment où le soleil, tout en restant caché pour vous, éclaire brusquement les montagnes qui sont plus au fond de la vallée, tout une grande chaîne en demi-cercle qui est là : alors c'est comme un tas de copeaux où on viendrait mettre l'allumette. Voilà ces grandes vues sur des lieux de montagnes, et, pendant qu'on est soi-même dans l'ombre, de toutes parts elles flamboient (…).
Page 1282 – Édition de la Pléiade, tome 2)
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0:00 Intro: Lecture de poèmes (Nuit scribe) 1:18 Dans quel contexte avez-vous écrit votre premier poème? 2:13 Que pensez-vous de cette citation? «La poésie doit être faite par tous. Non par un.» Lautréamont 2:52 Que pensez-vous de cette citation? «Il n'y a plus de solitude là où est la poésie.» Charles Ferdinand Ramuz 4:09 Quel est votre poète ou votre poème favori? 5:00 À quoi sert la poésie? 6:30 Comment construit-on un poème? 9:14 Pourquoi écrivez-vous de la poésie? 11:19 Remerciements
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