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EAN : 9782021011869
272 pages
Seuil (07/10/2010)
4.13/5   19 notes
Résumé :
Léon Tolstoï a fasciné les imaginations à travers ses débauches de jeunesse, ses appétits monstrueux, ses rapports passionnés avec sa femme Sophie, jusqu'à sa fuite dans la nuit à Astopovo, petite gare perdue dans l'immensité russe, où il est mort en 1910. Mais qu'en est-il de ses crises d'âme ? Sa prescience des femmes et de la mort ? Sa quête d'un sens ? Et son désir de connaître Dieu ? Autant de questions, plus que jamais les nôtres, auxquelles s'attache Christia... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Tolstoï, le pas de l'ogre
Christiane Rancé

Publié au Seuil en 2010, à la faveur de la célébration du cent-cinquantième anniversaire de la mort de l'immense artiste russe, cet essai biographique m'a plu en ce sens qu'en 270 pages je n'ai pas trouvé un seul accroc qui pût me faire bondir de ma chaise, et l'auteur a vraiment ce mérite d'investiguer dans la sphère métaphysique, mystique et intime de l'auteur au regard de loup doté d'une lucidité extrasensorielle qu'il porte sur les êtres et les choses.

Oui Christiane Rancé se coltine la face nord pour aller braver ce sommet de la littérature russe. Je pourrais extraire quantité de choses de son texte qui m'émeuvent, me bouleversent, sollicitent mon attention avec le plus grand intérêt. Elle lève le voile sur quantité de choses de sa vie qui nous permettent de mieux appréhender celui qui se cache derrière ses romans universels. Il semble avoir abandonné pour lui tout bonheur terrestre qui viendrait le satisfaire, et dès lors que la mort d'un tout proche vient s'ajouter à la mort d'un tout proche, il adopte une attitude curieuse, ne s'épanchant pas par exemple ou semblant hermétique à tout sentiment humain, alors qu'il est à chaque fois touché un peu plus au plus profond de lui-même de manière indicible, comme si le baromètre des malheurs qui touchèrent sa famille avait depuis longtemps explosé et que plus rien ne pouvait désormais revitaliser sa sensibilité. Alors il préfère omettre de raconter cela, une énorme pudeur l'envahit, il la réserve sans gémir pour ses fictions toujours avec une élégance sobre mais certaine. Elle est visible dans ses combats avec la mort fictionnelle, une mort qu'il veut apprivoiser, il pénètre dans son antichambre pour mieux l'observer, c'est palpable dans La Mort d'Ivan Ilitch, dans Maître et Serviteur. Il est même possible, du moins je l'imagine, tant c'est bien rapporté par Christiane Rancé que de par des épreuves personnelles vécues, elle ait une empathie folle pour l'auteur sur lequel elle a choisi de s'arrêter un temps. Elle semble se retrouver en lui et c'est bien notre chance de lecture.

La bienveillance qu'elle a dans son regard à l'égard du maître de Iasnaïa Poliana s'alimente dans la source de la vérité, jamais autre chose et c'est un lecteur comblé que je suis à la lire, c'est un cadeau qu'elle nous fait quand on est admirateur de l'écrivain russe ou même un appréciateur curieux de passage. Pour célébrer la mémoire du grand homme, je ne pense pas qu'on puisse trouver plus bel hommage. Dans son ascension qui se lit comme un crescendo, sans doute a-t-elle été boustée par ce nouveau défi littéraire daté, ce qui nous porte à considérer aujourd'hui son livre "Tolstoï le pas de l'ogre" comme une référence.
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Oui oui je sais je vous ai déjà proposé un excellent livre sur Tolstoï, mais le talent a de multiples facettes et le bonheur de lire aussi.
Ici pas de vraie biographie mais de simples rappels sous formes de tableaux rapides des moments clés de la vie de Leon Tolstoï.
Ce qui importe à l'auteur de ce livre c'est de comprendre l'homme Tolstoï au delà de l'écrivain. Comprendre ses contradictions, ses outrances, ses éclairs de génie.
Tolstoï l'aristo, le boulimique de lecture, il faut dire qu'il eu à sa disposition une bibliothèque de plus de 10 000 volumes ! car comme le dit Christiane Rancé tout est énorme chez lui.

A « 30 ans il a déjà fait la guerre en Crimée, écrit, voyagé et lu » il ne lui manquait qu'une épouse... On sait la suite.
Mais vient après le mariage et les enfants, vient l'inexplicable, l'angoisse, la peur, le doute, les tourments existentiels. C'est dans cet aspect que Christiane Rancé donne le meilleur pour montrer l'homme engoncé dans ses contradictions, dépassé par les affres de l'angoisse, la peur du néant.
Tolstoï n'était pas un esprit religieux et pourtant le paradoxe fut que « son esprit était dévoré par l'attente de Dieu. », il devient végétarien, il refuse tout luxe, il connait les nuits de doute et son attente le conduira à fuir femme et enfants pour finir sa vie à Astapovo.

Même si le parcours de l'homme est connu, le livre de Christiane Rancé se lit avec intérêt. Elle ne fait pas l'impasse sur les répercutions pour la famille Tolstoï qui souffrit beaucoup. Elle nous montre un homme qui :

« se stérilisait, s'éteignait à lui-même, se reniait... Alors qu'il produit ensuite Résurrection, La Mort d'Ivan Ilitch, et ce dernier texte sublime, écrit presque à l'insu de son entourage, Hadji Mourat, une ode à la vie et à la liberté éblouissante, où absolument rien n'est renié. »

Elle dit : « Je voulais réconcilier ces deux Tolstoï qu'on disait incompatibles, et en dégager la clé d'une quête métaphysique »

Un livre court, riche, écrit avec élégance pour amateur de littérature russe.



Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Une belle découverte. Christiane Rancé trace avec soin et délicatesse le portrait de Léon Tolstoï. Elle évoque ses états d'âme, son perpétuel questionnement sur la vie, la mort, la souffrance... Et comment cela se répercute sur ses oeuvres, Anna Karénine, Les cosaques, Guerre et Paix... Indispensable pour les incontournables de Tolstoï.
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Tolstoï ou la recherche de l'authenticité.

Toute nouvelle biographie de Tolstoï se confronte à une impression de déjà-vu, de déjà-écrit. En effet, on a la sensation que tout a déjà été dit sur la vie de Tolstoï. Ce tolstoï de Christiane Rancé n'échappe pas à la règle: description de la jeunesse du comte, ses besoin d'exercices intellectuels et physiques, ses succès littéraires (la Guerre et la paix, Anna Karénine), son autoanalyse constante, sa recherche de perfectionnement, ses treize enfants, l'influence de Rousseau et de Schopenhauer, ses tentations de suicide, sa sensibilité à la foi orthodoxe, sa proximité avec le peuple russe, son prophétisme ... ce qui fait de lui en un mot l'archétype du russe tel que nous voyons à partir de l'Occident!!
Cependant, l'auteure s'est attachée à décrire l'authenticité de Tolstoï à partir de "la nuit d'Arzamas" c'est-à-dire à partir de ce moment qui coupe en deux le destin de Léon Nikolaïevich. Il ne sera plus jamais le même homme. Il n'écrira plus de grands romans mais de nombreuses nouvelles plus ou moins longues qui seront marquées par cette nuit d'effroi devant la présence de la mort. Toute son oeuvre va ainsi passer par le crible de cette expérience quasi mystique et donc s'exprimer comme un mélange d'autobiographie et de volonté de perfection.
Cette biographie philosophique et littéraire proposée par Christiane Rancé suppose une certaine connaissance préalable de la vie de Tolstoï, de ses romans et nouvelles car ses références judicieusement choisies le requiert. En première intention, je conseillerai plutôt l'approche classique et confortable d'Henri Troyat ou de Romain Rolland.
Lien : http://www.critiqueslibres.c..
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Anna Karénine (genèse)

Tolstoï avait parlé à Sonia trois ans avant du thème d'Anna Karénine. Il s'en était ouvert auprès d'elle avec suffisamment de foi pour qu'elle la communique, à son tour, à sa soeur, dans une lettre datée du 24 février 1870 : "Hier soir, il m'a dit qu'il avait entrevu un type de femme mariée, du grand monde, et qui se serait perdue. Il m'a expliqué que sa tâche consistait à la peindre uniquement digne de pitié et non coupable." Tolstoï a le sujet, il a aussi le modèle depuis le tragique fait divers survenu l'année précédente, en janvier 1872; dans la gare toute neuve d'Iassenki -on vient de prolonger la ligne de chemin de fer de Moscou à Toula - anna Stepanovna Pirogava s'était jetée sous le train par désespoir d'amour. Tolstoï s'était rendu à la gare où il avait eu le loisir de voir le corps charnu, les formes généreuses déchiquetées par la locomotive , et le visage étrange de cette "russe aux yeux gris". Quelle pulsion l'avait conduite à cet acte désespéré ? Etait-ce la honte ? Le regard insupportable que la société portait sur elle depuis qu'elle s'était délibérément livrée à l'adultère ? Pourquoi les femmes étaient-elles mises au ban , quand leurs amants continuaient à tenir leur rang, sans grand désaveu de la part de leurs contemporains ? Tolstoï avait longuement débattu de ce sujet avec Strakhov. Son ami venait de rédiger un article sur la question du féminisme. Le débat était à la mode dans les salons de Pétersbourg ..

Tolstoï a les trois : le sujet, le modèle, le débat. D'un seul coup son livre tout entier lui apparaît, avec une évidence qui le plonge dans un vertige heureux (..) Tolstoï sort de la glaise le corps encore vague de sa nouvelle créature, Anna Karénine
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"Il faut aborder Tolstoï le coeur compatissant : il a été doté du plus tragique des dons -porter en lui l'humanité, et le monde avec elle. toutes les créatures l'habitaient; Il était la nature, mais aussi le cheval qui va mourir, le rossignol dans la nuit d'été, la jeune fille exaltée par l'amour, le bourgeois qui agonise, la feuille gorgée de sève, la femme adultère dans l'ivresse de sa chute, le mari abîmé par la jalousie, le lièvre dans les champs. Et un écrivain de surcroît, et quel écrivain ! Lui qui composa plus de cent volumes, dont on ne retient le plus souvent que Guerre et Paix et Anna Karénine, fut aussi un penseur, un polémiste, un mystique, et tout aussi bien un ogre, une plante, une bête, comme si aucun des déploiements de l'être humain, ni ceux de la nature, n'avait été soustrait à tous ceux qu'il a embrassés.. "

Bon, ben voilà le ton est donné dans cet incipit de la mise en garde de l'auteur de "Tolstoï, le pas de l'ogre"

Je suis désolé, je viens de m'apercevoir que MCD30 a déjà remonté ces quelques lignes. Qu'elle veuille bien me pardonner !
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Il faut aborder Tolstoï le cœur compatissant : il a été doté du plus tragique des dons - porter en lui l'humanité, et le monde avec elle. Toutes les créatures l'habitaient. Il était la nature, mais aussi le cheval qui va mourir, le rossignol dans la nuit d'été, la jeune fille exaltée par l'amour, le bourgeois qui agonise, la feuille gorgée de sève, la femme adultère dans l'ivresse de sa chute, le mari abîmé par la jalousie, le lièvre dans les champs. Et un écrivain de surcroît. Et quel écrivain !
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La vie est un enfer tant qu’on ne suit pas à la lettre les règles de vie que prescrit Jésus dans l’Évangile. Ce que propose Jésus, si l’on adopte ce code de conduite, c’est le paradis sur terre. Que tous en soient convaincus, que tous le suivent, et alors la paix vaincra la violence, la non-résistance au mal effacera le mal par l’effet de conversion générale ! Ainsi, contrairement à ce qu’affirme l’Église, insiste Tolstoï, le Christ n’enseigne pas le salut par la foi ni l’ascétisme. « Il nous enseigne une vie qui non seulement nous détourne de la perdition où nous entraînerait une vie personnelle mais nous apporte hic et nunc, dès maintenant et en ce monde, moins de souffrances et plus de joies que la vie personnelle. » C’est encore pour détourner le croyant de cette simple vérité, pour lui retirer les clés du paradis sur terre que l’Église a inventé le principe de la Résurrection. Où en est-il question ? demande Tolstoï. Nulle part, dans aucun des Évangiles canoniques, répond-il. Il béquille sa thèse : pourquoi le Christ aurait-il tu sa Résurrection si, comme l’affirment les théologiens, il savait qu’elle aurait lieu et qu’il la posait comme le pivot de son enseignement ? Et de conclure : « L’enseignement du Christ consiste à magnifier le Fils de l’homme, c’est-à-dire l’essence de la vie humaine, à se reconnaître comme étant le Fils de Dieu. » Mais qu’en est-il alors du principe d’Incarnation ? A cette question, Tolstoï oppose encore sa vision personnelle, née de ses déductions (et bien qu’il ait juré, en préambule, de ne faire aucun commentaire personnel de la doctrine) : « Le Christ incarne l’homme qui a reconnu sa relation filiale à Dieu (Mt XVI, 13-20). »

Ainsi, pour Tolstoï, il y a Dieu, en qui il croit et qu’il comprend « comme l’Esprit, comme l’Amour, comme la Source de tout », comme il l’écrit dans sa réponse au décret du synode, et il y a Jésus, prophète dont l’enseignement strictement pratiqué donnerait les clés du royaume sur cette terre. (pp. 146-147)
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Il faut aborder Tolstoï le cœur compatissant: il a été doté du plus tragique des dons - porter en lui l'humanité, et le monde avec elle. Toutes les créatures l'habitaient. Il était la nature, mais aussi le cheval qui va mourir, le rossignol dans la nuit d'été, la jeune fille exaltée par l'amour, le bourgeois qui agonise, la feuille gorgée de sève, la femme adultère dans l'ivresse de sa chute, le mari abîmé par la jalousie, le lièvre dans le champs. Et un écrivain de surcroît. Et quel écrivain!
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Vidéo de Christiane Rancé
https://www.laprocure.com/product/1220790/rance-christiane-bella-italia-un-itineraire-amoureux
Bella Italia : un itinéraire amoureux Christiane Rancé Éditions Tallandier
« J'ai eu la chance d'avoir des parents voyageurs qui m'ont fait connaître ce pays. J'ai eu la chance ensuite d'avoir un métier — puisque j'étais journaliste — où je suis beaucoup partie, j'ai passé à peu près deux mois en Italie par an pendant vingt ans, dans toutes les villes, un petit peu sur tous les sujets. Eh puis, il y a eu la pandémie, il y a eu deux ans de confinement, de fermetures. À la sortie du confinement, j'ai été prise de l'irrépressible besoin de partir pour l'Italie. Mais ça a été un désir absolument incroyable... » Christiane Rancé, pour la librairie La Procure Lectures, par Marguerite Rancé
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