Hymne

« Hymne » d'Ayn Rand présente une société du futur, ayant régressée à un stade antérieur à la révolution industrielle, et où toute individualité a été banni. Seul l'être collectif, l'appartenance au groupe prédomine. le « Je » ayant été balayé des consciences au profit du « Nous ». le germe de la discorde survient en la personne d'Égalité 7-2521. Il porte jusque dans sa physionomie les germes de l'insoumission. Plus grand que ses camarades et doté d'une curiosité qui va le pousser à questionner l'ordre établi. L'amour prohibé qu'il porte à une femme qu'il rebaptisera « La Dorée » - en raison de sa chevelure blonde -, la compassion qu'il porte pour ses camarades souffrants jusqu'à l'aliénation dans cette tyrannie collective, et la découverte de la technologie des temps anciens (l'ampoule électrique) vont le mener au bannissement. Dans la forêt tropicale et les ruines de l'ancienne civilisation, il va retrouver le pouvoir libérateur du « Je », et tel Prométhée, se donner pour mission de le dispenser à ses camarades opprimés.

À toutes fins utiles, il est bon de se remémorer qu'Ayn Rand (1905-1982) est née en Russie. Et qu'elle a assisté à l'avènement de la révolution russe, menant à la création de l'U.R.S.S., c'est ce qui la pousse à fuir le régime dans les années 1920 pour les États-Unis. Elle n'aura de cesse que de proférer son anti-communisme. C'est en tant que scénariste pour Hollywood qu'elle se fait d'abord connaître, puis comme romancière. Dans son essai « La vertu d'égoïsme », elle professe sa doctrine d'un « égoïsme rationnel » en opposition à l'altruisme. Une pensée libérale et individualiste que l'on retrouve dans ses romans « La Grève », « La Source Vive » et qui va influencer de nombreuses figures du libéralisme et capitaines d'industries américains.

« Hymne » est une nouvelle plutôt originale dans sa forme. L'utilisation du « Nous » à la place du « Je » est déroutante de prime abord. Mais la nouvelle étant relativement courte, cela ne demande pas un effort considérable d'adaptation pour le lecteur. Sous bien des aspects, ce récit paraît manichéen et caricatural pour le lecteur contemporain. Les métaphores bibliques et mythologiques peuvent prêter à sourire. le côté archaïque et régressif de la société collectiviste qu'elle décrit semble à des années-lumière d'un futur possible pour l'humanité. L'écrivaine-philosophe n'a pas compris que le contrôle des masses passera, inévitablement, par une société d'étroite surveillance avec un haut niveau technologique. Ce dernier point a été parfaitement compris par Aldous Huxley et George Orwell. Tous deux présentent des dystopies aux résonances terriblement actuelles. le livre d'Ayn Rand est trop influencé par son affect, et le ressentiment envers un modèle qu'elle cherche à dénigrer à tout prix, pour paraître crédible. du moins la peur de l'ennemi rouge - qui avait une réelle pertinence à l'époque, est aujourd'hui révolue.

Anthem, c'est, comme prévu, de la pure idéologie. Dans un futur lointain, la société humaine est une sorte de communisme totalitaire et obscurantiste. Il est interdit d'utiliser le mot je, et le narrateur se réfère à lui-même en utilisant nous. le narrateur est plus fort, plus musclé, plus courageux, plus beau et plus intelligent que tous les autres. Il se surprend à sortir un peu du système et a réinventer l'électricité dans son coin. Quand il veut présenter son invention à la société, il se fait réprimander et s'enfuit dans la forêt avec sa copine. Là, il tombe sur une maison de l'ancien monde où il découvrira à travers les livres les vertus du l'individualisme.

J'aime les dystopies, et j'ai pris plaisir à lire celle-ci. Pourtant elle est assez limitée. Déjà, ça fait assez vieillot. On se sent plus proche de la machine à explorer le temps (1895) que du Meilleur des mondes (1932). En effet le monde décrit est assez simpliste, voire terriblement caricatural. Rand veut tellement montrer que le collectivisme, c'est mal, qu'elle indique que la dernière invention notable des chercheurs de sa fiction est la chandelle... cent ans plus tôt. Comment une société aussi figée et allant contre les instincts naturels, comme le désir sexuel pour ne citer que le plus primaire, peut-elle subsister sur une échelle qui se compte en milliers d'années ? Sans changer de langage ? Et sans que les livres de l'ancien monde ne se décomposent ? L'ébauche de relation amoureuse est aussi plutôt pitoyable. La blonde de service est soumise à son maitre porteur de testicules, et pendant qu'il lit des livres, elle se regarde dans le miroir.

Quant à l'idéologie développée, un individualisme extrême, elle est contradictoire. le narrateur monologue longuement sur la puissance du je, son désir de ne dépendre de personne, de vivre par lui-même et pour lui-même... Et pourtant il vit avec sa copine. Et pourtant il projette d'aller chercher d'autres personnes pour fonder une nouvelle société, et ensuite de conquérir le monde. Il veut tracer dans la pierre de sa forteresse la devise EGO. C'est oublier que la société qu'il a fuit avait elle aussi le désir de recouvrir la planète, et elle aussi avait gravée dans la pierre une devise qu'il méprise. C'est comme si Ayn Rand, traumatisée par la révolution communiste, ce qui se comprend, fantasmait sur l'exact inverse du communisme sans se rendre compte que non seulement son résonnement ne tient pas, mais surtout que ça ne vaudrait pas forcément mieux. Je suis quand même curieux de lire les romans suivants de Rand, que j'espère plus matures.

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Hymne c'est un futur dystopique précurseur, écrit en 1938, dans lequel le "je" à disparu, laissant place au "nous", l'individualisme sacrifié pour la communauté, l'humanité, l'homme annihilé.
Les libertés sont devenues inexistantes, suite à "la grande renaissance" les hommes ne sont plus que des nombres, dans un besoin de conformisme et d'interdiction de distinction être les êtres, les connaissances sont limitées à une élite restreinte, qui freine à chaque instant l'évolution (technologique, sociale...)
La curiosité n'est plus seulement un vilain défaut, ici c'est un pêché, un crime hautement répréhensible, tout comme celui d'aimer un homme plus qu'un autre, encore plus de laisser naître l'amour, de laisser la curiosité se répandre.

Pourtant "Égalité 7-2521" ne peut réfréner les idées qui fleurissent dans son esprit, à cause d'une rencontre tout d'abord et bien plus grave, avec une découverte, à l'apparence insignifiante, et pourtant bien trop grande pour ce monde étriqué et borné.

Une lecture glaçante, avant-gardiste, d'un monde antiprogressiste, qui aura tant détruit, jusqu'aux rêves, où ce "nous" censé rassembler les hommes, les aura ici enchaînés, dénaturés, privés d'individualité.
Mais il suffit parfois d'une étincelle dans la nuit, celle de la curiosité, au pouvoir sans fin, de ce qu'elle offre, de l'espoir qu'elle crée, afin d'illuminer enfin ces ternes vies, et de peut-être repousser à jamais les ténèbres.

Hymne est un ouvrage au style original. Cette dystopie offre le récit d'une société totalitaire où un collectivisme absolu règne. Toute la philosophie du livre repose sur l'affrontement moral d'un homme torturé entre servir l'intérêt général en se coupant de toute liberté individuelle et la quête d'un épanouissement personnel au détriment de la société. Ayn Rand propose aux lecteurs un cheminement, démontrant que l'homme ne peut se résigner à perdre ses propres libertés, même lorsqu'il est conditionné pour les abandonner dans un monde oppressif.