La trame
Homme de notre époque, Marc est absorbé, dévoré par son travail, soucieux de performance avant d'humanité.
Homme de notre époque, il sacrifie sa carrière au profit de celle de son épouse.
Homme de notre époque, n'étant plus assez performant, il est jeté après usage, comme un mouchoir en papier usagé.
Homme de notre époque, il finit par ressentir le besoin de retrouver ses racines, ce qui l'amène à prendre du recul sur sa vie, sur ses choix.
Par amour, Marc aura alors un geste inattendu.
Le plus exigeant des lecteurs ne saura rester indifférent à au moins l'un des personnages ni ne pas être interpellé pas au moins l'une des situations évoquées. L'intérêt n'étant pas de retrouver des sensibilités connues face à des événements croisés mais bien de les aborder avec un autre regard.
Le style
Rigoureusement moderne, il prend le parti de déstructurer la syntaxe. Pronoms relatifs placés en tête de phrase et ne reliant donc rien, points placés dans des énumérations créant des expressions nominales, sans oublier nombre de phrases verbales évoquant davantage la prise de notes que le récit.
Ce style n'est cependant pas une constante car l'on trouve des passages beaucoup plus conformes aux règles habituelles.
Paradoxalement, alors que je suis assez réticent au style évoqué en premier, j'ai trouvé que dans cet ouvrage il sert le récit, lui donnant une certaine dynamique et reflétant le tourbillon dans lequel évolue le personnage principal.
Quelques exemples pour illustrer ce propos :
".... découvrir Abbeville. Rouge comme ses façades de briques.Pieuse comme la croix que ses artères dessinent dans le coeur historique."
"Une ampoule au-dessus de la marquise vacillait au vent. L'heure de la marée. La lumière transformait en or les flaques d'eau."
"Béton et bitume rongeaient les terres (...) frôlaient (...) les peupliers coupe-vent. Comme une marée qui n'en finissait pas de monter."
"Grand-mère sortait un torchon propre de son placard. Quand tout va mal, se raccrocher aux petits bonheurs
"On passe sa vie à serrer des mains connues et le jour où tout va mal on la confie à des inconnus."
En conclusion, un livre qui m'a surpris, parfois agacé mais au final séduit et je n'ai pas eu à me contraindre à le lire jusqu'à son terme, d'autant plus que l'issue le mérite. Une fois la quatrième de couverture tournée, on reste avec ce livre et l'on ne peut s'empêcher de garder en tête quelques pistes de réflexion.
Pourquoi pas 5 étoiles alors ? J'aurais aimé en mettre 4.5 car 5 étoiles serait un aboutissement, presque une fin et je pense qu'
Emmanuel Ranson a encore de belles surprises à nous proposer, des surprises qui nous séduiront encore et qui sait, peut être encore plus.
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Après une deuxième lecture
J'ai été amené à lire ce livre pour une deuxième fois.
Alors que j'avais aimé ce livre à sa première lecture, en émettant quelques petites remarques à propos du style employé, je suis cette fois quasi enthousiaste. J'ai réellement beaucoup aimé ce livre où cette fois je me suis totalement glissé dans l'histoire. J'ai beaucoup mieux appréhendé les divers ressorts.
On trouve beaucoup d'humanismes dans ce récit qui aborde plusieurs sujets délicats et sensibles, sans que cela tombe dans le grandiloquent. Tout est exprimé avec réalisme mais avec une pudeur certaine. Au premier abord, on pourrait peut-être dire du personnage principal qu'il accumule beaucoup de problèmes sur ses épaules mais en fait, au départ ils ne sont que deux et le second découle du premier. Sa situation professionnelle ou plutôt celle de son épouse déborde sur la vie du couple en cours de séparation. Il décide donc de revenir se ressourcer sur les lieux de son enfance et se trouve alors confronté à des situations qu'il avait ignoré et dont, petit à petit il se sent responsable. Tout cela est donc tout à fait dans le domaine du plausible.
Peut-être alors peut-on dire que le lien entre Lucie et sa vie de lycéen est un peu poussé mais c'est quand même bien là le privilège du romancier que de donner à ses personnages la vie qu'il souhaite, d'autant plus que cette relation est un des moteurs du récit.
Pour le style qui m'avait parfois heurté voire agacé, je n'ai plus du tout ressenti cela à cette deuxième lecture. J'ai tout simplement rencontré d'autres écrits d'auteurs actuels et me suis familiarisé avec cette forme d'écriture. Ce style heurté par moment s'oppose à d'autres moments beaucoup plus classiques ce qui permet à l'auteur de nous orienter habilement vers son intention.
Je vais pousser mon appréciation à 4.5 car j'ai cet ouvrage a associé le plaisir de la lecture romanesque et a suscité nombre de réflexions.
Je ne mettrai donc pas 5 étoiles car, l'auteur le dit lui-même, "Le meilleur est à venir".
Ne passez à côté de cet ouvrage, il ne pourra vous laisser indifférent.
Là aussi je citerai l'auteur "Avant de plaire ou de déplaire, il convient de déranger, d'interpeler, de faire réfléchir..."