Citations sur Par le vent pleuré (57)
"Je me suis glissé dans cette bouteille de whiskey et j'y suis resté". Des années auparavant, un vendredi soir, j'avais entendu ces paroles au sous-sol de l'église méthodiste de Sylva. Je n'avais encore jamais pensé ainsi au whiskey, mais c'est bien ce qu'on recherche – être suspendu dans cet éclat ambré. Ce qu'on recherche sans toujours y parvenir.
Un peu de mystère, ça rend toujours une nana plus intéressante, non ?
La plupart des gens choisissent généralement l'identité qui sera la leur pendant leur vie entre l'adolescence et leurs 25-30 ans. Là, durant cette période, ils expérimentent différents styles, différents modes de vie, de pensée. Ils pourront être punks, hippies, dandys ou métalleux, gauchistes ou réactionnaires. Mais à partir de 30 ans, tout se fige. Ils font un choix, et ne s'en éloignent jamais vraiment beaucoup.
Je me souviens de longues soirées d'été, heures de méditation et de contemplation, seul sur la plage, comme une chose échouée, quelque part entre Mingan et Longue-Pointe-de-Mingan. J'écoutais la tranquillité du monde, assis sur le sable fin.
- Allez, Eugene, a-t-il repris avec un petit rire. Ne me dis pas que tu n'as jamais bu quelques bières en cachette.
- Non, jamais.
- Même pas une ?
- Non.
- Mais alors, qu'est-ce que tu fous toute la journée ? s'est-il enquis, incrédule. Tu ne peux pas passer ton temps à lire et à écrire ! Tu ne joues pas au base-ball, tu ne sors pas avec des filles, et tu ne vas pas au ciné. Au moins, je me disais que tu devais picoler. A-t-on jamais vu un écrivain qui ne picole pas ?
Ma petite amie, voilà comment je pensais à elle. Parfois, devant la glace, je le disais tout haut, et quand j'écoutais la radio les chansons d'amour me laissaient penser que j'étais peut-être amoureux. "C'est gentil" disait-elle chaque fois, mais à part le collier elle n'a jamais rien porté de ce que je lui ai offert. Elle disait qu'elle cachait mes petits présents dans sa valise pour que son oncle et sa tante ne se demandent pas d'où ils venaient.
Á San Francisco, le Summer of Love, l’été de l’amour, a eu lieu en 1967, mais il a fallu deux ans pour qu’il atteigne le petit monde provincial des Appalaches. Sur l’autoroute en février, on a aperçu un hippie au volant d’un minibus bariolé, un évènement dument signalé dans le Sylva Herald. Sinon, la contre-culture était quelque chose qu’on ne voyait qu’à la télévision, tout aussi exotique qu’un pingouin ou un palmier nain.
Nos salaires étaient équivalents à ceux que nous aurions touchés pour des emplois plus pénibles si nous avions bossé dans une équipe municipale d’entretien des espaces verts ou à la scierie locale. Que Grand-père nous ait engagés, Bill et moi, semblait une façon de réaffirmer ce qu’il avait déclaré à notre mère quand l’accident de chasse l’avait laissée veuve – qu’il prendrait soin d’elle et de nous deux. Grand-père était propriétaire de la maison où nous vivions, qu’il nous autorisait à habiter sans acquitter de loyer, toutes taxes et charges payées. Nos études supérieures, appareils dentaires, vêtements, et autres besoins quels qu’ils soient, seraient financés.
Quand ce mot a été prononcé, tout, jusqu'à la rivière a paru s'arrêter quelques secondes.
J'éprouverais une sensation identique la nuit de l'accident, le même effet de suspension qui a dilaté le temps entre l'instant où la voiture quittait le bitume et celui où l'arbre se ruait droit sur mes phares.
Puis, de nouveau, j'ai entendu la rivière et, lentement, comme un manège qui démarre, le temps a repris son rythme normal.
- Mais alors, qu'est-ce que tu fous toute la journée ? S'est-il enquis, incrédule. Tu ne peux pas passer ton temps à lire et à écrire ! Tu ne joues pas au base-ball, tu ne sors pas avec des filles, et tu ne vas pas au ciné. Au moins, je me disais que tu devais picoler. A-t-on jamais vu un écrivain qui ne picole pas ?