Quand on a aimé profondément un roman, on recherche forcément lors d'une autre lecture du même auteur cette flamme originelle, même si on sait bien que chaque livre a sa propre vie, sa propre petite musique. J'ai profondément aimé, j'aime profondément
Un Pied au paradis qui m'a fait découvrir la plume sensible de
Ron Rash. Et avec
Un Silence brutal, je ne l'ai trouvé cette vibration, cette émotion dont j'aurais tant voulu qu'elle m'emplisse pour toujours.
Bien sûr, ce livre m'a plu.
L'auteur sait comme personne créer de beaux personnages, humains, complexes, troués de failles qui apparaissent au fil des pages. Surtout Becky qui permet de découvrir le
Ron Rash poète célébrant la nature ( le titre original, Above the waterfall, « au-delà de la cascade » ) ; sa voix ouvre et aère de façon nécessaire la narration du shérif Les entre traque des trafiquants de meth' et enquête pour déterminer qui a empoisonné les truites d'un lac. Il excelle à sonder, l'air de rien, notre société contemporaine, entre désespoir et douceur, sans jamais sombrer dans le manichéisme, même alors que son roman est enveloppé d'une nostalgie mélancolique pour un temps où la nature était respecté et ne servait pas l'avidité d'investisseurs.
Mais je n'ai pas vibré. Ou plutôt, si, à un seul moment, sublime et bouleversant, lorsque le taiseux Gerald crie sa rage d'être accusé d'avoir versé le kérosène fatal, son âme à nu.
A propos d'une tortue, toute la délicatesse du
Ron Rash poète :
« Sortie du filet de bave moribond d'une mare de ferme
où au plus profond les pieds de l'appontement sont secs,
qu'elle avance lourdement à travers champ et pâturage
pour trouver l'eau pérenne de la rivière, qu'elle fasse palpiter
le coeur boueux du bassin,
puis remonte, un lent avenir,
comme une meurtrissure révélant
son âpre beauté
et survive »