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EAN : 9782825100714
L'Age d'Homme (01/01/1984)
4/5   4 notes
Résumé :
Rares sont les romans qui, comme Vis et n'oublie pas, atteignent à l'universel, en racontant une histoire aussi dépouillée de tout artifice.
Nous sommes au début de l'année 1945, dans un hameau de Sibérie, sur les bords de l'Angara. Sans permission de retour, un soldat rôde autour de son village. Il ne peut y entrer : comme enfermé à l'extérieur, observateur impuissant de la vie qui se poursuit et dont il est exclu.
La tragédie implacable du déserteur ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"Si le juge était juste, peut-être le criminel ne serait pas coupable."
(F. Dostoïevski, "Les frères Karamazov")

Si vous avez déjà lu quelque chose de Raspoutine (à ne pas confondre avec son légendaire homonyme !), vous serez peut-être surpris par "Vis et n'oublie pas" (ou plutôt "Vis et souviens-toi", en VO). On quitte le domaine de prédilection de l'auteur - les petites gens face à la modernisation de la campagne russe - pour revivre les derniers mois de la Seconde guerre mondiale.
A sa sortie en 1974, le livre a choqué la critique russe comme aucun autre. Raspoutine a osé voir la guerre avec les yeux d'un sale traître, un gars qui a perdu patience et toutes ses illusions sur la gloire militaire vers la fin de 1944, et a honteusement déserté. Nous sommes alors bien loin du point de vue d'un héros traditionnel (dont l'image a déjà été quelque peu ternie par le prisonnier A. Sokolov de Mikhail Cholokhov), et le déserteur Andreï Gousskov achève la destruction de l'image glorieuse du héros de guerre, pour qui on construisait en grande pompe des monuments en béton.

Blessé, et après un long séjour à l'hôpital, Andreï estime avoir déjà suffisamment fait pour la patrie; c'est désormais au tour des autres. Bien sûr, ses supérieurs se fichent complètement de ses opinions, et le renvoient prestement au front. C'est à ce moment là qu'il décide que ce n'est pas lui qui va gagner cette guerre, et qu'il est plus que temps de rentrer à la maison, où l'attend Nastiona et ses parents Mikhéïtch et Sémionovna. Tant pis si on ne veut pas le laisser partir, il s'en ira tout de même !
Plus de six mois, il se cache dans les forêts autour d'Atamanovka, son village sibérien, et personne ne se doute de rien. Excepté Nastiona, qui s'en occupe et qui vole pour lui de la nourriture. Avec Nastiona, Raspoutine a créé une héroïne à l'image de la tragédie de la femme russe. Elle sait aimer comme nulle autre, et souffrir de la même façon.
Sa souffrance se transforme en désespoir quand elle tombe enceinte... de son propre mari. Quoi qu'elle dise au village, chaque mot pourrait signifier une erreur, déshonneur, et un grand danger pour l'un ou pour l'autre.
Entre-temps, la guerre est finie, les hommes reviennent, et Nastiona sait qu'Andreï ne sera pas parmi eux. Quand sa grossesse devient visible et qu'au village commencent à courir des rumeurs que son mari est un déserteur, il ne lui reste qu'une seule solution...

"Vis et n'oublie pas" est un mémento que Raspoutine veut nous léguer. Il veut qu'on se souvienne des gens comme Andreï et Nastiona, que leur mémoire reste pour rappeler les horreurs de toutes les guerres, de la souffrance des soldats, et de la même souffrance, forte et profonde, de leurs femmes.
L'auteur ne juge pas le "crime" d'Andreï, il parle d'un souhait légitime de quitter l'enfer pour continuer à vivre avec ses proches. Seulement vivre.

Un livre inhabituel pour l'auteur, intemporel, et étrangement beau malgré l'horreur qu'il raconte. 5 étoiles.
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Vis et n'oublie pas' est un roman publié en 1974 par Valentin Raspoutine et primé en 1977 par un prix littéraire russe. Il a également été adapté au théâtre (1979), à l'opéra (1987) et au cinéma (2008).

L'histoire se passe dans un village Sibérien. Nastiona y vit avec ses beaux-parents pendant que son mari est parti se battre sur le Front russe (1941-1945).

Blessé à plusieurs reprises, André attend avec impatience une permission ou une démobilisation. Déçu d'être renvoyé au front, il va vouloir passer chez lui avant d'y retourner mais bien vite il va se rendre compte qu'il a franchi la ligne : il est un déserteur. Il ne peut plus aller nulle part.

« Il y avait des milliers, voire des dizaines de milliers de déserteurs en Union soviétique pendant la guerre, et ceux qui se sont assis à l'abri du premier au dernier jour de la guerre, que notre histoire a réussi à taire, ne connaissaient que le code pénal et l'amnistie du 7 juillet 1945. Mais dans la joyeuse littérature soviétique, il était impensable de prononcer ne serait-ce qu'un demi-mot de compréhension, et plus encore de sympathie pour le déserteur. Raspoutine - a franchi cette interdiction. » (A. Soljenitsyne)

En secret son épouse va l'aider à survivre et ce sera l'occasion pour eux de faire le point sur leur vie. Nastiona va prendre de plus en plus de risques.

Nastiona est un personnage que j'ai beaucoup aimé, elle ne compte pas moins qu'André. Raspoutine a façonné un personnage fort avec ses peurs, ses espoirs, ses tourments. Son histoire est tragique.

L'écriture de l'auteur est magnifique, je vous laisse sur cette citation qui m'a marquée :

« Qu'il est bon, qu'il est facile de vivre les jours heureux, qu'il est amer, qu'il est écoeurant de vivre en temps de malheur ! Pourquoi l'homme n'a-t-il pas la capacité de faire des réserves aux bons moments pour adoucir les mauvais jours ? Pourquoi y a-t-il toujours un abîme entre les uns et les autres ? L'homme, où était-il quand on décidait de son destin? Pourquoi l'a-t-il accepté ? Pourquoi s'est-il laissé rogner les ailes, sans réfléchir, au moment où il en avait le plus besoin, au moment où il fallait fuir le malheur à tire d'ailes et non en rampant ? »





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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Mais en novembre, quand vint le moment de quitter l'hôpital, ce moment attendu avec une telle impatience qu'il aurait aussi bien léché ses blessures pour le hâter, ce fut le coup de massue : rejoindre l'unité. Pas de permission, rejoindre l'unité. Il avait été tellement certain de rentrer chez lui que pendant longtemps il n'arriva pas à réaliser la chose, il crut qu'il s'agissait d'une erreur, il courut trouver les médecins, se mit à expliquer, à s'énerver, à crier. Personne ne voulait l'entendre : "apte à combattre". Un point c'est tout. On le mit à la porte de l'hôpital, revêtu d'un uniforme, un livret de soldat et un carte de rationnement à la main.
"Vas-y, Andreï Gousskov, rattrape ta batterie. La guerre n'est pas finie."
La guerre se poursuivait.
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Lourd, brumeux était le coeur de Nastiona et vaste et vide en même temps, comme une maison dont on aurait sorti les meubles.
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— Alors quoi, moi-même et Catherine que voilà, et Véra et Capitoline, toutes nous devons nous donner la mort ? C'est ça que tu veux dire ? Tu crois peut-être que toi, tu l'aimes plus que les autres, que tu l'as attendu plus que nous ? Tu crois que c'est nous qui les avons perdus ? Tu n'as pas été dans notre peau, Lisa, tu n'as rien à dire. Tu sais, moi, me tuer, ça n'aurait pas été long. Et les gosses, qu'est-ce que tu en fais ? C'est tout ce qui reste de lui, les gosses. Et il faudrait les laisser crever ? Tu ne sais pas comme tout a cramé là-dedans, tellement cramé que même ça en fait plus mal, et ça s'en va, ça s'en va par morceaux… Tu vas vivre maintenant, vivre en vraie femme, vous allez vous embrasser, vous cajoler. Moi pas. J'ne suis que de la main-d'œuvre, un bouche-trou, juste bonne à donner à manger. Pour moi-même, c'est fini. Si seulement on avait su d'avance que ça allait tourner comme ça, j'me serais donné du bon temps, pour me faire des souvenirs. On remettait toujours à plus tard, à plus tard, on comptait vivre longtemps, une bonne vie. Et voilà ! Et maintenant j'ai pas d'autres souvenirs que la guerre et ceux-là, rien à faire pour s'en débarrasser. Le reste est lessivé ou desséché. Plus rien.

Chapitre IX.
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Les souvenirs étaient encore là devant elle, dans toute leur force vive, ils tremblotaient devant ses yeux, de joie et d'inquiétude, la suppliant de ne pas les abandonner, de continuer.
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A la guerre un homme n'a pas le droit de disposer de lui-même et lui l'avait fait. Il faudrait payer.
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