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EAN : 9791095550426
80 pages
Editions Conspiration (08/11/2022)
4.3/5   5 notes
Résumé :
Prix Renée Vivien 2023, Prix Amélie Murat 2023, finaliste du Prix Ganzo espoir, révélation et découverte du Festival Etonnants voyageurs

Extrait de la préface de Jean-Louis Kuffer :

"La poésie de Grégory Rateau, puisque poésie il y a de toute évidence, et plus pure et dure, libre et sauvage, plus que présente dans son errance que toute « poésie poétique » agréée par les poéticiens, est à la fois exorcisme du poids du monde et de l’accab... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Pourquoi ces « Imprécations nocturnes » ? Peut-être parce « [qu]'au réveil/ seuls resteraient des regrets/ et l'éternité à vivre sans illusions » (p. 52). le poète est-il « ce bohémien […] s'accrochant désespérément à une branche d'éternité » (p. 18). Il rêve très certainement d'une postérité grâce à la vérité que lui inspire le réel (toujours conspirant comme dans le précédent recueil) et à son pouvoir de le métamorphoser en mots tranchants. Cependant le verbe n'est pas aussi accessible qu'il y paraît et il arrive que la Muse s'enrobe de boue et se dérobe sous ses allures de Gitane et de fille de la Terre. Qu'à cela ne tienne, il n'a de cesse de trimer avec son oeuvre, « de ranger sa sensibilité par couleur » (p. 20), il « [s'] acharne à donner du sens/ le verbe ratatiné » (p. 19). Ce n'est pas moins un travail solaire que ce labeur de « chercheur d'ombres » comme disait Linda Lê. Et voici un des plus beaux poèmes qui surgit en marge d'elle, l'angoisse (de la page blanche?) :
« sans elle
c'est la sensation d'une faim démoniaque
et ces perceptions glauques
durant cette nuit définitive
mais comment renouer avec la Muse ?
regagner ce territoire solaire
entre ton carnet et ce cendrier plein de poèmes » (p. 50)
Précédemment dans le recueil, le soleil était associé à l'enfance avec son ivresse de songes. C'est magnifique ce que note à ce propos dans la conclusion de sa préface sous le signe de Novalis, Jean-Louis Kuffer : « à la fin seul l'enfant vous dira, derviche conséquent, si le poète l'a fait tourner au chant du monde... ». J'ajouterais à « cette alchimie du rien ».
Je note un grain de malice dans ce paradoxe de Grégory Rateau qui consiste à vouloir se départir de la « poésie poétique » mais de faire rimer, au sens propre, certains vers, et cela plus d'une fois : « à défaut d'un Dieu qui ne répond plus/demain, seul ton silence consacrera/le très haut Verbe disparu » (p. 42).
C'est sous le parrainage littéraire de Pierre Michon que le poète décide de rassembler, dans un corpus unitaire, des poèmes dont certains ont déjà été publiés en revues. le résultat est un bijou scintillant dans un écrin à la hauteur (belle charte graphique de la couverture curious metallics super gold 300g), toujours en clin d'oeil à la puissance solaire de ces imprécations puisées dans les marécages des ombres.
Mais le poète criant la liberté n'est pas, il ne semble pas en tout cas être un mystique (« tous les mots du monde t'ont taillé le costard du mystique », p. 38) mais le gardien « [d'] un verbe sacré qui honnit la sacralité/ à mesure d'un Dieu que tu coudoies à en périr » (p. 38).
Ce volume de poésies est structuré selon une progression au rythme de l'avancement dans l'âge formée par trois parties distinctes. La dernière, qui débute à la page 53, évoque le poète en « vieil homme » père d'un fils entré dans un monde d'anonymat, dans un monde qui fait subir à ses enfants « l'Histoire sans un mot » (p. 59), « cacophonie privée du mot ami » (p. 63). La nuit et la Muse n'inspirent alors plus au poète que le « testament d'un damné » (p. 66). Pourquoi devons-nous « vivre vite » ?
Une lecture éclairante et prenante et un auteur qui nous émerveille avec des fulgurances poétiques remarquées et remarquables.
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Ce petit livre brillant jusque dans sa couverture propose une poésie à la fois âpre et lumineuse dont les enjeux sont très bien exprimés par Jean-Louis Kuffer (cf. sa préface) : « à la fin seul l'enfant vous dira, derviche conséquent, si le poète l'a fait tourner au chant du monde… ».
L'enfant que je suis encore a pleinement goûté aux plaisirs de ces « élégies des temps futurs » et s'est souvent rappelé « au réveil /[que] seuls restaient des regrets/et l'éternité à vivre sans illusion ».
Une très belle expérience poétique, le genre de livre de chevet, qu'on garde pour relire parfois des passages et leur trouver des nouvelles portées. Parfois un brin de rime, donne le rythme pour mieux tourner, pas en rond, mais au gré des surprises nocturnes et d'une réelle volonté de liberté : « laissons se consumer les champs de blé d'Auvers/ oublions Gauguin, Paris et ses galères ».
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Je suis fan, absolument fan ! Ce recueil est (j'ose le dire) un chef-d'oeuvre. Tout y est, le style, les thèmes abordés (l'errance, la souffrance, la difficulté d'être au monde, l'enfance, le crépuscule du temps qui passe...), la concision pour toucher à l'essentiel, la couverture, le titre, le travail incroyable de cet éditeur à suivre, Conspiration Editions. L'oeuvre est en marche, indiscutablement et je comprends mieux pourquoi l'auteur (présent partout dans les revues avec des recensions multiples dont la revue En Attendant Nadeau) dérange. On pense de suite au miracle des premières découvertes face à de très grands poètes. Grégory Rateau est indiscutablement l'un d'entre eux. En seulement deux recueils, il dépoussière la poésie dite "poétique" comme le souligne Jean-Louis Kuffer qui en a écrit la préface. Plutôt que de continuer à me répandre en louanges, je préfère laisser la place au critique Jean-Luc Favre :

Dans son nouveau recueil élégamment intitulé Imprécations Nocturnes, préfacé par Jean-Louis Kuffer, l'auteur poursuit sa quête inlassable ou plutôt sa « hantise insondable », amplement signifiée dès son premier recueil, Conspiration du Réel, dont j'avais dans un article précédent vanté les qualités littéraires. Mais également le contenu singulier, dont les thèmes récurrents qui n'ont rien d'une argumentation passive ou poussive, c'est selon, convoquent une fois de plus les affres de la vie et plus encore ses pernicieux revers.

Certes l'auteur, et on le sait désormais, est un poète tourmenté, et hanté par une sorte de « négativité maîtrisée » qui puise sa force dans les méandres d'un vécu, presque anarchique, à la fois lourdement conscientisé, mais aussi inconsciemment refoulé dont les strates successives et pour le moins acrobatiques, laissent apparaître une énergie réfractaire peu commune.

L'auteur se bat contre lui-même ! A peine à respirer parfois — il ne fait pas semblant de porter incidemment une douleur existentielle qui paraîtrait suspecte, mais il la vit pleinement comme un sacrifice nécessaire à l'inverse d'une hypothétique révélation. Cependant le présent recueil se distingue du précédent par la volonté non dissimulée de sortir de la fosse — tête baissée — en gravitant dehors, vers… Et en répondant à « l'appel brûlant des vivants », comme deux mondes qui s'attirent et se refoulent, « deux mondes pour sceller le même cercueil » ; ce qui revient à affirmer que ces mondes-là radicalement distincts finissent finalement par se télescoper. « Chacun devenant le fantôme de l'autre ».

Affirmation étourdissante, il va sans dire, où le miroir originellement réparateur finit par voler en éclats, et là « où on n'y voit plus rien », « je suis cet imposteur/dont la lucidité vengeresse/lui désigne la blessure du soleil ». Ainsi l'auteur sait qui il est. Il ne s'en cache pas. Il ose même l'avouer crûment ! « Je suis ce bohémien avide de sensations/aveuglé par ses chimères/,mais s'accrochant à une branche d'éternité ». Drôle d'éternité cependant dont la mort est le terme. Ici le vivant n'est qu'une pure contradiction.

Aussi pour bien comprendre la quête, de Gégory Rateau, disons le ouvertement victimaire, il faut obligatoirement inverser les propositions et les lire à reculons, « avec l'envie de repousser les murs », mais « qui donc racontera mon histoire ? » Il faut dire que, dans certains cas, la nuit est généreusement salvatrice dans le sens d'une luminosité conquise à force d'aveuglement ; « sans pouvoir en contrôler la teneur » ou la terreur ? Comme aussi bien « d'en faire de refrains coup de poing » — car nul besoin de pousser le bouchon trop loin quand le mal est déjà fait, « la fièvre entre les jambes », d'ailleurs « on a tous un paysage douloureux en mémoire ». Une formule simple, mais vraie ! Un paysage qui parfois s'échappe de lui-même pour finalement rebondir ailleurs. Une redondance scabreuse, jamais vraiment tout à fait sympathique et qui met en garde contre les caprices du temps.

« On a tous un rapport douloureux au temps ». C'est en cela que toute imposture prend vraiment corps, comme une délimitation sordide de la conscience, « et déjà posée sur l'autre rive », « le soleil fatigué d'attendre lui aussi », avec « cette chose sans âge aux traits aguicheurs/couchée là/sur son lit de ronces » au coeur même d'une féminité ambiguë. Est-elle vengeresse celle-là ? Ou proprement désignée pour n'exister que de rares instants au seuil d'une « religiosité de façade ». Cela va de soi. Une fois de plus l'auteur ne se ment pas, « avec personne pour laver ma dépouille ».

Une dépouille hautement mortifère et pour cause ! « Où la sueur signe sa fatigue », « Depuis l'enfance j'ai appris à dissimuler ». le voilà donc piégé par son propre destin, cependant délesté de toute forme de mensonges « inopérants ». Advienne que pourra donc ! Il faut savoir rester modeste face à la souffrance, ne jamais se déclarer martyr du presque rien. C'est d'ailleurs ce que nous apprend l'auteur : Souffrir en dignité ! Ou plutôt apprendre à souffrir sereinement ! En clair souffrir pour ne rien obtenir ! Vider son âme ; apprendre patiemment à la réinventer — un exercice fastidieux, forcément douloureux, qui n'est pas donné au tout venant.

Grégory Rateau, lui n'a pas besoin de jouer avec les mots. Il témoigne juste de sa fragilité au monde. Impuissance manifeste qui vaut aussi pour un sombre enfermement, ou bien alors et plus justement, une tragédie abêtissante et circulaire, où l'être peine à se mouvoir et à se révéler. Cependant que l'auteur ne sache pas vraiment ce qu'il a convoqué sciemment – Frapper à la porte des Enfers comporte toujours un risque pour celui qui s'y aventure, celui de ne pas en ressortir vivant ! 



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"[...]Avec ses poèmes, Grégory Rateau s'impose sur des thèmes profonds et dans un style vrai. Ses poèmes sont audacieux. Ses poèmes sont sensibles. C'est en partie ce qui touche dans sa poésie. C'est un poète qu'on suit depuis ses débuts qu'on se le dise. Ce n'est pas un secret. Alors le voir publier après Conspiration du réel, ce nouveau titre ça ne pouvait que piquer notre curiosité. Imprécations nocturnes ne fait que confirmer ce qu'on a vu dès le départ : une voix particulière. Une voix qui on le sait ne va faire et ne peut que s'élever. Parce que belle. Parce que forte. Parce que courageuse. Ce recueil possède sa propre ambiance. Une magie. On y passe de l'ombre à la lumière avec une intensité et une profondeur émotionnelles rares. (...)"

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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Quelle incompréhension dès que l’enfant
derrière le rideau s’exprime en nous
une voix meurtrie sommeille
elle revient de loin, profonde mais volatile
trop de vérités nouées en slogans
les martyriser à grands coups de marteau
trouver le frère à l’oreille fertile
tendue aux murmures sentencieux
et qui n’opposera pas son silence affecté
car écrire est superflu
si personne ne vient s’approprier ces quelques mots

(p. 45)
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Tu l’as écrit si souvent
dans des récits minuscules
et aujourd’hui qu’elle se présente enfin à toi
tu feins de ne pas la reconnaître
la coucher là, frivole malgré sa gravité
pour mieux la repousser
terre vaine
l’eau du puits stagne depuis l’enfance
seuls les rocs ruissellent encore
entre deux averses
quand le soleil n’est plus de cire
tu ne veux voir personne
seulement la cendre de tes cigarillos
qui enlumine ton visage de vieux bonze
la littérature te fuit et pourtant
il ne reste qu’elle pour te sourire

(p. 23)
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Qui sont-ils ?
Ceux que nos proches convoquent d’outre-tombe
Pour justifier une ride
Une dépendance de rien
Ou un succès d’estime

Ils ne sont pas grand-chose
Mythes sans fondation
Inconnus sans adresse
Poussière noire balayée au fil du patronyme
Et malmenée par les unions indignes

Leur sang ruissellerait
À profusion dans nos veines
Foutaises !
Ils ne ressemblent plus à rien
Sinon à une poignée de raisins secs

Pourtant aux heures les plus sombres
Je les entends
Leurs imprécations furieuses
Qui vous cueillent au berceau
Et vous collent une poisse d’enfer !
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Nombreux sont ceux qui se tiennent en équilibre
à contempler rigides
le crépuscule du temps venu
l'âge n'aide en rien c'est certain
mais la jeunesse est souvent postures
les mots pour l'exprimer alors
un vaste champ lexical de l'amertume.
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Vivre dans l'attente
en « homme qui penche »
refaire sans cesse le même chemin
jusqu'à inverser l'ordre des jours
et dans un éternel retour
remiser toute espérance
puiser dans l'absence
les élégies des temps futurs

(p.46)
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