L'imagination d'un écrivain peut-elle réellement se traduire en réalité concrète ? On se sent rappelé à l' histoire de Pygmalion et Galatée, où le sculpteur Pygmalion tombe amoureux de sa création, Galatée, une statue rendue vivante grâce à Aphrodite, la déesse de l'amour. Tel comme dans la mythologie grecque, dans les « Voyageuses Temporelles » la réalité se conforme aux voeux de Pygmalion : « De créatures littéraires elles sont devenues femmes vivantes... » (p.102). Mais l'idée de l'écrivain, plus spiritisée, va bien au-delà de ça : « si des êtres spirituels pouvaient influencer des êtres vivants, parfois en leur sauvant la vie, ils pouvaient également influencer des personnes vivant des années plus tard » (p. 106), le temps, en fait, étant « intemporel ». « Un même concept pouvait revenir à travers le temps sans aucun problème car une idée n'appartenait pas forcement à un homme, mais à des forces qui nous étaient infiniment supérieures » (p. 106).
Et « spirituel », pour Denis Ravel, ça veut aussi dire « Dieu », omniprésent à travers des mondes parallèles : « Lydie, Aïda et Madame Xiu, leur création n'était pas forcement la mienne, mais une idée qui m'avait été envoyée car justement ces trois personnes existaient bien réellement » (p. 107). Ainsi, l'écrivain concilie la religion et la science fiction dans son propre univers supra-réel.
Les trois héroïnes du roman, elles, ont toutefois peu à voir avec la Vierge Marie mais tel que pour Pygmalion, il y a un fort aspect érotique dans cette relation créateur–création, et il semble quasi logique que l'écrivain se sente attiré par ces femmes qu'il avait aimées en tant qu'écrivain. Or, séduisamment devenues chair et os les trois héroïnes de ses antérieurs romans possèdent aussi les défauts caractériels imaginés jadis par l'écrivain lui-même : elles sont dominantes, insolentes, jalouses, surtout du fait que l'écrivain n'ait écrit qu'une seule histoire où elles, une par une, étaient la protagoniste, pour ensuite de nouveau les faire tomber dans l'oubli total.
Donc ces rencontres consécutifs, dix ans plus tard, n'ont rien de fortuit, mais les héroïnes de l'écrivain, telles ses muses bien que fictives, reviennent pour lui demander compte. Ou c'est peut-être aussi Denis Ravel lui-même qui revient sur son passé d'écrivain car « Voyageuses Temporelles », bien que fantastique, est aussi une réflexion très personnelle sur l'écriture : l'acte de création, la vie solitaire, les sources d'inspiration et leur vie propre : « ceux qui rêvent éveillés ont connaissance de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent qu'endormis. Dans leurs brumeuses visions, ils attrapent des échappées de l'éternité et frissonnent, en se réveillant, de voir qu'ils ont été un instant sur le bord du grand secret... » (E. A. Poe, Éléonora ; ici p. 155).
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Mon esprit ayant repris le dessus sur mes
sens incontrôlables qui m'avaient poussé vers
Lydie Jenkins, je revins tout naturellement vers
Aïda. Elle semblait m'avoir attendu une éternité
entière, les cheveux défaits, le regard brillant,
la bouche prête à distribuer des baisers, il ne me
fallut que quelques secondes pour retomber sous
son emprise. Je revins vers cette idée d'éternité
qui m'avait traversé l'esprit alors qu'elle m'avait
ouvert la porte. L'éternité avait une dimension
incontrôlable pour l'esprit d'un humain et c'était
cette notion qui lui donnait justement sa valeur dimensionnelle.
Paradoxe, paradoxe, quand tu nous
tiens… pendant que je réfléchissais, elle m'avait
entouré de ses bras en m'accablant de reproches
tous plus sensuels les uns que les autres.
— Aïda, vois-tu un inconvénient à ce que je
reste quelques jours chez toi pour poursuivre ton
roman ?
— Non, au contraire, me dit-elle, alors qu'elle
avait repris un livre qu'elle avait entre les mains
et qu'elle semblait aspirer de la puissance de sa
lecture.
— Tu vas me donner une chambre pour la semaine
et je n'en sortirai que pour les repas, mon
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Imaginez si l'on introduisait l'idée des voyages spatio-temporels ou le concept d'univers parallèles se mêlant à l'existence Divine, la réflexion devenait vraiment complexe mais tout à fait possible. Dans mon esprit, j'avais beau prendre en compte avec beaucoup de sérieux l'existence quasi certaine d'autres mondes, d'autres galaxies et la vie lointaine d'autres peuples, perdus dans l'immensité de la voûte céleste, pour moi, Dieu restait omniprésent et je n'avais aucun doute de son existence, cela m'aidait et rendait plus forte moi foi. [p. 107]
Mais si des êtres spirituels pouvaient influencer des êtres vivants, parfois en leur sauvant la vie, ils pouvaient également influencer des personnes vivant des années plus tard, car la connaissance était éternelle pour les êtres de lumière. Donc un même concept pouvait revenir à travers le temps sans aucun problème car une idée n'appartenait pas forcément à un homme, mais à des forces qui nous étaient infiniment supérieures. Cette réflexion renvoyait les êtres humains à une grande modestie que n'avaient pas la plupart d'entre eux. [p. 106]
ceux qui rêvent éveillés ont connaissance de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent qu’endormis. Dans leurs brumeuses visions, ils attrapent des échappées de l’éternité et frissonnent, en se réveillant, de voir qu’ils ont été un instant sur le bord du grand secret… EDGAR ALLAN POE
Il y a finalement tant de choses qui ont disparu de nos connaissances ou que nous n'avons jamais maîtrisées, que ce que nous vivons dans notre parcours quotidien ne peut être en rien une certitude inébranlable
En marchant d'un pas rapide dans une forêt automnale, je bénéficiais d'un vent violent mais doux.