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Critique de oiseaulire


Dans ce court roman, Yves Ravey évoque la condition ouvrière des années 60 à 70 à travers la maladie professionnelle qui frappe le père du narrateur : combien d'hommes ont ainsi sacrifié leur santé et leur vie à leur sens viril du devoir ? rapporter un salaire, ne jamais se plaindre des conditions de travail, ne pas plier devant le mal, ne pas manquer à la parole donnée à l'employeur, ne pas se protéger des substances toxiques afin de montrer son invulnérabilité. Jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Ce livre m'a rappelé le livre d'Edouard Louis "Qui a tué mon père ?". Mais ici pas de réquisitoire, seulement un style descriptif, neutre, une écriture blanche et sans affect, en apparence.
Ce qui est mis en relief avec la même vigueur dans les deux oeuvres, c'est l'exploitation cynique par le capitalisme du sens de l'honneur et des responsabilités qu'entraîne le fait d'être un homme, un homme véritable dans la société patriarcale ouvrière : on attend de lui, et ça arrange bien tout le monde, qu'il serre les dents, ne pose pas de problème au patron et nourrisse sa famille. Fièrement, en silence. C'est son devoir, c'est sa raison d'être. En échange, il aura le droit de plastronner, c'est lui le chef de famille incontesté, on devra lui tolérer quelques mensonges. Déjà gravement atteint et incapable de travailler, le père du narrateur "demande (à son épouse) pourquoi elle cherche du travail, c'est à lui de nourrir la famille, pas à elle, c'est presqu'insultant."
Le personnage de la mère est sublime aussi de dignité. Elle ne gémit pas, ne pleure pas, parle à son mari mourant en repassant et en chantonnant. On la croirait insensible, alors qu'en fait "elle est partie avec lui. Elle est devenue une ombre. Sans parole, sans corps, quelque chose qui pense et qui erre."
Chez les petites gens, on fait face, toujours.
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