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EAN : 9782363390882
128 pages
Finitude (19/10/2017)
4.07/5   45 notes
Résumé :
La peau dure, c’est un roman à trois voix. Celles de trois sœurs : Clara, Jacquotte et Louison. Trois femmes fragiles, ballottées dans un monde trop grand pour elles, trop cruel aussi, un monde régi par les hommes.
La peau dure, c’est un roman extrêmement social, voire même ouvertement féministe. En cela, près de soixante-dix ans après sa première publication, il conserve une grande modernité, une résonance certaine avec notre société contemporaine.
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Maurice Guérin est un des 53 Désemparés du livre de Patrice Delbourg  dont je vous parle depuis le début de ce confinement.

D'origine modeste, il donne dans La peau dure ,  la parole  à trois femmes du peuple:  une employée de maison, une culottière en usine et une troisième sans profession déterminée, un peu cocotte, un peu pocharde, un peu rebelle. 

Trois victimes des hommes:  leur père, leurs amants, leurs maris, leurs patrons.
Trois victimes d'une société cruelle aux faibles , surtout quand  ce sont des femmes.

Clara, Jacquotte et Louison. Trois soeurs .

On est très loin de Tchekhov et de ses subtils émois sentimentaux.
Les états d'âme sont un luxe, quand on manque du nécessaire - un toit, un repas, une paye-  , quand on ne peut se faire soigner, faire valoir son innocence, défendre son bon droit, garder l' enfant qu'on  a élevé ou choisir de ne pas mettre au monde celui qu'on ne pourra élever.
 
Trois soeurs à la Peau dure et mises très jeunes à rude école: dénoncées et inscrites au STO par leur propre père, un veuf pressé de refaire sa vie en se débarrassant de ses trois grandes,  elles sont jetées dans la vie deux ans après la fin de la guerre sans protection,  sans formation, sans filet.

Clara,  la soumise, se laisse porter par les événements,  fait abusivement de la prison et ne doit son salut qu'à une patronne un peu plus compatissante que les autres. Jacquotte, sage et douce,  a deux atouts: une formation de culottière  et un mari. Mais  sa mauvaise santé la fragilise et elle perd tout.  Seule Louison a la lucidité,  la niaque et la révolte qui pourraient l'aider à balayer d'un revers de main ces cartes biseautées et ces dés pipés qui lui ont été distribués à  la naissance. Mais le sexe et le vin vont la perdre.

Écrit à l'os, dans un parler populaire et parfois cru, sans s'embarrasser d'analyse ni de commentaire La peau dure s'en tient au factuel.

Sans épiloguer, sans conclure, avec une modernité très brutale dans l'écriture et dans la composition qui, d'une soeur à  l'autre, voit chaque récit s'étrécir comme une peau de chagrin.

Et c'est bien dans le chagrin que nous plonge cet âpre constat, dans un chagrin social, dans un chagrin de femmes, comme il y a un parfum de femmes, un chagrin qu'on aurait bien vu chez Zola ou Mirbeau, mais qui se situe en 1947, en France.

Et qui doit encore être le lot de bien des obscures, des petites , des sans-grade de cette armée des ombres dont la révolte commence enfin , du moins sous nos latitudes, à faire entendre ses soubresauts...
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Ce livre m'a d'abord permis de faire connaissance avec l'auteur, Raymond Guérin, fils du peuple qui accéda aux lettres – et donc soutenu par Camus. C'est en lisant les mésaventures des soeurs Clara, Jacquotte et Louison, qu'on mesure le progrès social et l'amélioration de la condition des femmes qui, après-guerre, constituaient la masse silencieuse et résignée du prolétariat. Elles trimaient dans les ateliers, les blanchisseries ou les tavernes (voir p 81). Pour plus de confort (mais aussi de servitude), elles choisissaient de travailler dans une famille aisée, ce qui leur garantissait le gîte et le couvert. L'ascenseur social n'avait qu'un bouton : le mariage avec un homme plus fortuné. Mais on découvre qu'un beau minois ne tire pas forcément d'affaire, entre entourloupes et grossesses non désirées. Les hommes, toujours en position d'abuser de leur pouvoir (la force ou l'argent) ont la main leste et la morale oublieuse. Toutes ces femmes, qui semblent sorties d'un Downton Abbey à la française, subissent la loi de l'argent devant lequel se plient la justice, la santé et la réputation. Louison témoigne, désabusée : « Tous ces gens-là, les médecins, les avocats, les curés et les juges c'est tout plus charlatan l'un que l'autre. Ça vous régale de belles paroles. Mais avec eux, il faut toujours finir par passer à la caisse ». Je ne sais pas si ce livre est un plaidoyer pour les laissés-pour-compte (accroche de la quatrième de couverture) mais c'est une bouleversante reconstitution de la dure vie de labeur des femmes dans les années quarante. En le lisant, je me suis dit qu'en 2019, l'existence de beaucoup de femmes hors d'Europe (Inde, Chine, Pakistan, Thaïlande) devait ressembler à celle des protagonistes de « La peau dure » : trouver un mari, se placer, éviter trop d'enfants, manger à sa faim, se réjouir de petits riens.
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C'est mon club de lecture du mois de novembre qui m'a présenté cette réédition récente d'un livre sorti en 1948, La peau dure de Raymond Guérin. On était deux sur le coup, mais avec mon amie du Club de lecture (elle se reconnaîtra!), on s'est arrangé pour que je le lise rapidement et que je le lui passe après. J'ai beaucoup pensé aussi à Dixie39, durant ma lecture et si je ne me trompe pas, ce livre devrait lui plaire! (Comment ça, je suis une tentatrice? Meeeeuh non, pas du tout!).

La peau dure est le récit de trois jeunes soeurs dans la France des années 40 : Clara, Jacquotte et Louison. Malheureusement, elle n'ont pas eu la vie facile : encore adolescentes pendant la Guerre, leur mère meurt de maladie. Leur père qui s'est remis en concubinage avec une autre femme peu de temps après, estime alors qu'il a trop de bouches à nourrir. Il décide d'envoyer ses trois filles aînées, en Allemagne pour participer aux STO (Service du Travail Obligatoire), sans leur demander leur avis. A la Libération et de retour en France, les trois soeurs décident de reprendre leur vie en main, chacune à leur manière…

Le livre est divisé en trois parties dont chacune se fait l'écho des trois soeurs. le point de vue adopté est interne, ce qui permet au lecteur de se sentir proche d'elles, voire d'être leur confident. A la lecture du style, on sent que ce sont des femmes issues d'un milieu modeste et qui n'ont pas eu la chance de bénéficier d'une éducation : elles usent d'un vocabulaire argotique, font des phrases courtes et peu élaborées, ne comprennent pas certains termes utilisés par leur employeur (comme Clara avec le mot « coma »), etc… Mais ce sont des femmes courageuses qui se battent contre les mauvaises fortunes de leur condition et les carcans imposés par la société.

En cela, La peau dure est ouvertement féministe et dénonce les affronts faits aux femmes :
– L'avortement ou le droit refusé aus femmes de disposer de leur propre corps : Clara se fait ainsi arrêter par la police car elle a été dénoncée pour s'être faite avortée quelques années auparavant. En effet, en 1942, le gouvernement de Vichy avait fait de l'interruption de grossesse, un crime et la peine encourue était la condamnation à mort. (Pour rappel, l'avortement ne sera dépénalisé qu'en 1975 grâce à la Loi Veil).
– le divorce : Jacquotte a toujours eu une santé fragile et lorsque son mari Henri se rend compte que les soins coûtent trop chers, il demande le divorce ainsi que la garde de leur fille, Marie-Ange. le juge se prononce en faveur du mari, laissant Jacquotte sans ressources.
– Les violences faites aux femmes : Jacquotte, après son divorce s'est trouvé un nouveau protecteur en la personne de François, son employeur. Or, il s'avère que ce dernier n'a pas la main leste…
– L'émancipation sexuelle : au contraire de Clara qui a choisi le travail pour s'émanciper ou Jacquotte, le mariage, Louison quant à elle, préfère la voie de l'illégalité. En effet, son amant Jo l'entraîne alors dans ses combines du marché noir. Et la jeune femme, follement amoureuse, ne tarde pas à tomber dans les affres de l'alcool, puis de la violence…

En conclusion, trois soeurs et trois choix de vies. La société de la France des années 40 demeure encore défavorable aux femmes et les place de fait dans un statut inférieure aux hommes. Pourtant, Clara, Jacquotte et Louison essayeront toutes de prendre leur vie en main et de se battre. La peau dure est un roman implacable, âpre mais ô combien moderne dans son discours féministe! Bref, un petit coup de coeur!
Lien : https://labibliothequedaelin..
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Je ne connaissais pas du tout ni cet auteur, ni ce roman, jamais entendu parler…Mais comme c'est une amie avec qui je suis sur la même longueur d'inde « littéraire » qui me l'a prêté, je n'ai pas hésité et l'ai lu « les yeux fermés », façon de parler bien sûr !

C'est un roman court mais percutant. C'est un roman social qui date de 1947, qui décrit la fracture sociale entre bourgeoisie et petites gens, et aussi entre hommes et femmes à tous les étages de la société.
Trois soeurs, trois narratrices, trois personnalités bien différentes, racontent leur quotidien, leurs préoccupations, leurs pensées, dans leur langage populaire qui rend le texte si vivant.
Elles se trouvent livrées à elles-mêmes, rejetées par leur père et leur belle-mère à la mort de leur mère, devant subvenir seule à leurs besoins. Clara, bonne à tout faire dévouée à ses patrons, est accusée à tort d'avortement clandestin et se retrouve en prison sans pouvoir ni se défendre ni s'expliquer, victime d'un système sourd et aveugle régi par des hommes qui n'accordent aucune valeur à la parole des femmes, et encore moins à celle de femmes jeunes, pauvres et célibataires. Jacquotte, la plus jeune est la plus « raisonnable, mais de santé fragile, son mari se désintéresse d'elle dès qu'elle ne peut plus travailler et « coûte » pour ses soins. Divorcée, elle se retrouve au ban de la société, dépendante d'un homme plus âgée qui l'a engagée comme bonne et abuse de son pouvoir sur elle. Quant à la plus délurée, indépendante et révoltée, l'indomptable Louise, elle va payer très cher ses choix de vie trop peu conventionnels et son refus de rentrer dans le rang !
A travers ce roman, l'auteur dénonce les conditions de vie des femmes à cette époque où étaient communément admis les faits de battre sa femme ou ses enfants, de tout décider pour elle sans lui accorder d'importance. Les femmes croulent sous les devoirs et obligations sans avoir aucun droit si ce n'est celui de se taire et d'obéir, au père, au mari, au patron.. Il dénonce également les conditions de travail, d'exploitation plutôt des femmes, qu'elles soient au service d'une famille ou embauchées dans une usine ou un atelier. Il montre également une image de la famille loin de celle d'aujourd'hui : pas de place pour le sentimentalisme à une époque où les enfants arrivent sans être désirés et représentent plus une charge, une bouche à nourrir, qu'une promesse de bonheur.
A la lecture de ce livre, on ne peut que saluer et mesurer les progrès sociaux énormes que notre société a connus en quelques décennies !
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Raymond Guerin était pour moi un auteur inconnu et @leslecturesderudy m'ont donné envie de le découvrir.

Ce roman est un manifeste féministe. Par la voix de se trois héroïnes, i dénonce la condition des femmes dans cette France de l'après guerre, où règne encore le patriarcat. Il pose toutes les questions : le droit à l'avortement , les violences conjugales, le désir et le plaisir féminin.

Une excellente découverte






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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Les filles, aujourd'hui, elles ne veulent plus se placer. Pourtant, c'est encore le meilleur moyen de faire des économies, si on veut en faire. On est logé, chauffé, blanchi, éclairé, nourri. Tous les gages qu'on touche sont nets. À supposer qu'on en dépense un peu pour ses sorties et pour se nipper, il en reste encore pas mal pour soi. Tandis que si on travaille en atelier ou en magasin, on gagne bien plus, c'est sûr, mais tout s'en va à payer la chambre et la nourriture et à la fin du mois on n'a pas seulement cent francs pour faire la jeune fille.
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Mais je pouvais pas dire que j'avais fait un seul pantalon. J'en étais tout abrutie. Je finissais par coudre machinalement, sans aucun goût pour ce que je faisais. Et pourtant c'était un métier que j'avais aimé quand on m'apprenait à faire un pantalon du début à la fin, à le tailler, à l'ajuster, à le coudre et à le finir. Mais d'être condamnée ainsi à ne plus faire que des pattes , non ! il y avait de quoi devenir folle.
Je veux bien croire que le système avait du bon pour le patron et qu'il devait s'y retrouver à la fin de la journée. Mais pour nous, les ouvrières, c'était vraiment la fin de tout.
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Quand nous étions petites, notre père, il passait son temps à nous flanquer des raclées pour un oui ou pour un non malgré maman qui faisait son possible pour le calmer. C'est vrai, la pauvre, elle pouvait pas nous voir chialer. Mais lui, il ne s'émotionnait pas pour si peu. Laisse donc, bobonne, qu'il disait en clignant de l'oeil, ça les dressera, elles ont la peau dure!
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Henri, lui aussi, il se mettait en colère, amis lui, il me frappait jamais. Heureusement que François se calme vite. Aussi, le mieux, avec lui, c’est encore de ne pas insister. Quand il s’est laissé aller à me cogner comme ça, je me tais et je m’en vais dans ma chambre en attendant que ça lui passe.
Il a bien trop mauvais caractère pour revenir et il s’en voudrait de me dire un petit mot d’excuses pour se faire pardonner. Mais je sens bien qu’il n’est pas fier de lui et qu’il a honte de ce qu’’il fait. Ce qui ne l’empêche pas de recommencer à la première occasion. Autrefois, quand j’étais gamine, je ne voulais pas croire que ça pouvait exister un homme qui battait sa femme. Et puis, j’ai bien dû me rendre à l’évidence. Il fait ça, d’ailleurs, sans aucune méchanceté, comme si ça allait de soi, comme on flanque une fessée à un gosse qui n’a pas été sage et sans que cela porte à conséquence. Et moi, c’est le comble, eh bien, je finis par trouver aussi que c’est naturel. Je n’ai jamais osé en parler à personne mais je me dis, comme ça, que ça doit être le sort de toutes les femmes d’être battues quand elles ont fait quelque chose qui a déplu à leur homme.
Je ne sais même pas si je ne préfère pas parfois le voir ainsi. Ça prouve au moins qu’il tient un peu à moi. Et le fait est qu’i n’est pas coureur. De ce côté, je n’ai pas à me plaindre. Tout de même, il m’esquinte, quand il tape. Il me donne de tels coups que ça me résonne dans la tête et dans la poitrine et que ça me fait tousser encore plus.
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On est repassé par la cuisine. Madame m’a encore préparé des sandouiches. Elle se doutait bien que personne ne penserait à me donner à manger en prison. Monsieur est descendu lui aussi. Il a pris le gendarme à partie. Il l’a même engueulé, dans un sens. Et sans se gêner ! J’aurais jamais cru qu’on pouvait parler à un gendarme sur ce ton. Mais pour ça, il n’a pas peur, Monsieur. Il est plutôt doux de caractère. Seulement, quand il a envie de dire quelque chose à quelqu’un, ce serait-y le président de la République, eh bien, rien ne pourrait l’en empêcher. Vous n’avez pas honte d’arrêter cette pauvre fille, qu’il a dit, sans se fâcher. Qu’est-ce qu’elle vous a fait ? Elle s’est fait avorter ? Et puis après ? Vous pouvez me dire ce qu’elle en aurait fait, de son gosse, si elle l’avait gardé ? Ce qu’il serait devenu ? Comment elle l’airait élevé ? Et pendant ce temps-là, le type qui l’a engrossée court encore. Lui, vous vous en désintéressez, vous le laissez tranquille, il n’est pas dans le coup. Quant au père, ça c’est le bouquet, vous ne lui demandez même pas de comptes. Pourtant, le père, hein, le père, est-ce qu’il n’a pas sa petite responsabilité dans tout ça ? Vous voulez que je vous dise, eh bien, avec le respect que je vous dois, vous faites un bien triste métier en ce moment !
Moi, j’écoutais tout ça et je trouvais qu’il parlait bien. Il raisonnait juste. J’aurais pas su arranger ça si bien mais c’était tout à fait ce que j’aurais voulu pouvoir dire.
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