AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782841580606
140 pages
Climats (30/11/-1)
4/5   1 notes
Résumé :
Nous ne savons rien de Spinoza ou si peu de choses, que sa silhouette s’est prêtée, plus que toute autre, à une stylisation exemplaire : celle du philosophe par excellence, de l’athée vertueux, que la connaissance vraie des choses conduit à la joie la plus désincarnée. Il y eut pourtant, peu de temps après sa mort, d’édifiantes biographies, celle de Colerus, celle de Lucas, mais elles-mêmes participent déjà du mythe et les anecdotes qu’elles rapportent sont autant d... >Voir plus
Que lire après Spinoza, le masque de la sagesseVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Les biographes de Spinoza, dans leur noble volonté de rendre hommage à leur philosophe préféré, auraient unanimement témoigné de leur fâcheuse tendance à idéaliser l'homme, insinuant inconsciemment que sa philosophie aurait découlé d'une sagesse innée, ou tout du moins acquise sans effort conséquent. Croyant ainsi porter aux nues leur maître Spinoza, ces biographes idéalistes en apparence ne virent ni ne montrèrent rien de l'influence des événements les plus anti-philosophiques de son existence sur l'élaboration de sa philosophie. Niant l'influence réciproque d'une vie sur l'oeuvre et d'une oeuvre sur une vie, ils réduisirent ainsi l'existence de Spino à zéro : ainsi né philosophe, sage inné, sa vie ne lui aurait servi de rien.


Rödel s'engage dans une direction différente. Il remonte aux sources charnelles, ou viles, ou aléatoires, d'une existence pour en suggérer l'influence dans l'élaboration d'une pensée philosophique. Il parlera bien sûr de son excommunication et de la solitude qui se créa autour de lui ; de son enfance invisible ; de sa santé fragile et des superstitions qu'elle entraîna ; d'une déception amoureuse qui justifie sa froideur intellectuelle vis-à-vis de l'amour ; des distances qu'il sut toujours placer avec autrui pour ne jamais se laisser éloigner par la passion de son travail sans fin ; d'un cauchemar récurrent qui le contraint à déployer tous les efforts de sa rhétorique intellectuelle pour ne pas sombrer dans la folie ; de son emportement dans la passion colérique suite à la conversion de celui qu'il espérait voir devenir son meilleur disciple (Albert Burgh) ; du coup de couteau duquel il réchappa ; et enfin de sa mort des plus ordinaires.


Rödel évite toutefois le danger de réduire une oeuvre philosophique à des événements biographiques. Les propos tenus dans ce livre ne nous aideront peut-être pas à aiguiser notre compréhension de la philosophie de Spinoza mais ils nous soutiendront dans la compréhension de la singularité de cette oeuvre.
Commenter  J’apprécie          140

Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
[…] il reste à trouver un mode de relation avec autrui qui n’entame pas trop la sérénité du philosophe, qui ne trouble pas le calme dont il a besoin pour mener à bien son travail. Spinoza a trouvé la solution : il suffit de renvoyer à son interlocuteur l’image qu’il est capable de recevoir. Ainsi lorsqu’il devise avec ses hôtes, il parle de bagatelles, de petits riens sans importance, du temps qu’il fait, des couches de la femme, du métier de l’homme, du sermon du pasteur – masque ? Ainsi lorsqu’il rencontre Leibniz, qui fera autant d’efforts pour nier qu’il a vu Spinoza qu’il fit de démarches pour l’approcher, il parle politique et raconte quelques anecdotes, il répond aux questions philosophiques que Leibniz lui soumet mais se garde bien de se dévoiler totalement – autre masque ? Pour Casearius, Spinoza se fait serviteur modeste de la pensée cartésienne – encore un masque ? Pour les frères de Witt qui viennent le consulter, il est le conseiller occulte – un masque de plus ?
Il y a de quoi s’y perdre mais Spinoza est passé maître à ce jeu et chacun repart enchanté de lui, persuadé que Spinoza lui a donné le meilleur de lui-même. Jeu de miroirs, jeu de masques, politesse lisse sur laquelle glissent les occasions de conflit mais qui n’offre pas davantage de prise à ces liaisons qui emprisonnent, qui empoisonnent. Spinoza est libre.
Commenter  J’apprécie          50
Spinoza se claquemure dans sa mansarde et en interdit l’entrée à quiconque ne s’est pas annoncé deux ou trois jours auparavant ; il veut être tout entier à ce qu’il fait et s’impose à cet effet l’emploi du temps le plus strict : pendant deux heures, le matin, il taille et polit ses verres ; lorsqu’il a fini, il peut se mettre à lire ou à écrire jusqu’à l’heure où son hôtesse lui apporte un repas léger qu’il mange avec application mais rapidement – il devrait, il le sait, sortir ensuite pour une promenade digestive mais il est d’ordinaire si pressé de renouer le fil de sa réflexion qu’il y renonce aisément ; il lui est arrivé de ne pas quitter sa chambre durant plus semaines. Vers le milieu de l’après-midi, il réserve une heure ou deux aux visiteurs et à la correspondance. Puis il aime, jusqu’au souper toujours frugal, bavarder avec ses logeurs. Après quoi, il reprend son travail jusque tard avant dans la nuit.
Commenter  J’apprécie          61
La communauté juive d’Amsterdam accueillit avec générosité une partie de ses coreligionnaires portugais et espagnols et vit dans leur apport la possibilité d’accroître son poids face aux religions dominantes. Mais la cohabitation ne fut pas facile entre les juifs hollandais qui avaient vécu repliés sur eux-mêmes, dans une observation vétilleuse des prescriptions rabbiniques, et les nouveaux venus qui avaient pris goût, dans les Universités espagnoles, à une liberté intellectuelle plus grande et y avaient appris les exigences des sciences objectives nouvelles. Il y eut des frictions, des incompréhensions réciproques et, pour finir, des drames qui ébranlèrent la cohésion de la communauté.
Je ne m’intéresse pas à l’enfance de Spinoza. Sans doute parce qu’il me semble qu’il n’a pas eu d’enfance, petit garçon sérieux trop vite devenu un adolescent révolté qui ne supporte plus l’enseignement de l’Ecole talmudique ou plutôt qui a hâte d’en appliquer la méthode de lecture à d’autres choses qu’à l’absurdité des Ecritures Saintes, qui refuse tous les compromis, qui n’éprouve plus pour ses vieux parents qu’une affection condescendante et ne s’est jamais entendu avec ses sœurs – quelle rancœur d’ailleurs chez ces dernières lorsqu’à la mort du père elles se sentent autorisées par la loi rabbinique à refuser à Spinoza d’avoir part à son héritage ! Elle ne s’explique que par la jalousie d’avoir vu ce gamin trop précoce être le favori du père.
L’enfance n’a d’autre intérêt que celui que lui accorde l’homme mûr à la recherche de ses racines, de l’origine de ses angoisses et de ses désirs. Elle n’a visiblement aucune valeur aux yeux de Spinoza, comme s’il ne naissait en vérité que lorsqu’il naissait à la vérité et donnait congé aux rêveries, aux songes, aux mensonges qui avaient peuplé les premières années de sa vie.
Commenter  J’apprécie          10
Le Dieu de Spinoza pourrait donc n’être qu’une immense et fabuleuse araignée qui tisse la toile de l’univers dont il est à la fois le centre et la circonférence, infiniment multipliés, ce qui donnerait une dimension bien étrange à la fascination que Spinoza éprouvait pour la gent arachnéenne.
Il y a plus encore. Par une contamination que permettent la langue allemande et le goût nietzschéen pour les calembours, c’est Spinoza lui-même qui devient une araignée (die Spinne) et qui suce le sang du monde réel pour en faire cette coquille vide qu’est l’Ethique sous la solidité apparente de son amure géométrique. Spinoza et Dieu ne font qu’un : « le Dieu occidental est devenu araignée (Spinne) sub specie Spinozae. » L’œuvre de Spinoza qui nous donne l’épure de la totalité se réduit à son tour à une toile d’araignée, et Spinoza rit.
Commenter  J’apprécie          20
Ainsi peut-on imaginer un Spinoza amoureux ? La définition qu’il donne de l’amour dans la troisième partie de l’Ethique (scolie de la proposition 13) : « l’Amour n’est rien d’autre qu’une joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure », laisse peu de place à des envolées lyriques. Elle est belle dans sa simplicité, peut-être même dit-elle l’essentiel, mais sa généralité fait bon marché des affres habituelles de ce qu’il est convenu d’appeler une histoire d’amour et il faudrait avoir une oreille particulièrement exercée pour y percevoir le murmure d’une confidence, la nostalgie d’un souvenir.
Commenter  J’apprécie          30

autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (3) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}