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EAN : 9782924652350
108 pages
Oie de Cravan (21/01/2022)
4.46/5   53 notes
Résumé :
"Quand je ne dis rien je pense encore" explore en poésie ces moments où la conversation s’interrompt et où les choses à dire restent en nous, parce qu’elles nous apparaissent trop incertaines ou trop particulières pour être partagées. Ces instants où ce qu’on pense se sépare de ce qu’on dit, où parfois notre visage dit des choses que nous préférerions garder pour nous, où il nous arrive de parler en retard. Entre ce qui se manifeste en nous-mêmes, ce que nous montro... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique


Certains livres marquent comme seules savent le faire certaines rencontres, on ne les referme jamais tout à fait. Ils intègrent ce que Patrick Chamoiseau avait joliment nommé notre « sentimenthèque ». On pourra les relire en y trouvant toujours des mots nouveaux. Quand je ne dis rien je pense encore se lit comme une longue adresse, infiniment tendue vers l'autre avec un petit a car toutes les majuscules ont disparu. Entre prose et vers, Camille Readman Prud'homme sonde la parole et l'état qui la précède, les conditions qui la font advenir ou échouer. Que dit-on de soi dans ce jeu si peu léger de la conversation, dans cet espace si fragile qui isole ou unit deux interlocuteurs ? L'autrice canadienne, née en 1989, décline les états de parole dans une langue extrêmement maîtrisée, battue par une mesure entièrement envoûtante.
« Si je pouvais choisir qui je suis je serais une voix de téléphone », annonce une voix féminine qui rêve de pouvoir « parler à tout le monde sans que personne ne me voie ». Pour perdre son visage, il y a aussi la nuit qui « apaise » : « parce qu'elle offre un grand congé qui est aussi un droit de ne plus répondre. (…) la nuit il n'y a pas de rendez-vous il y a des rencontres ». le premier recueil poétique de Camille Readman Prud'homme dessine un itinéraire entre la pensée et la parole libérée de toute contrainte : « tu vois dans les contours des enfermements. ta peau te clôture. quand tu te brûles ou te coupes tu crois t'échapper un peu ».
Vivante, en perpétuel mouvement, la parole serait une traversée, un « seuil » entre soi et le monde. Face à l'immobilité, à la pétrification et à l'aliénation d'un regard, les stratégies de contournement ne manquent pas : « parfois j'ai menti, j'ai raconté des histoires pour qu'on m'accorde une paix ou pour ne pas décevoir, j'ai dit des phrases qui m'ont emmenée là où la lumière tombait mieux ».
Et il y a celles et ceux avec qui « parler est un lieu sans image, vous discutez comme on alimente un feu, à perte ». Ce sont les mêmes que la poète appelle des « ouvreurs » (comme on en imagine au théâtre pour donner place) : « des gens qui savaient voir le pâle, le tombé, le défait ou le pas encore accompli, et qui par le simple fait d'en parler ébranlaient les cloisons qui chaque jour nous coupent des autres ». D'autres fois, on apprend que prononcer des mots ne porte aucune autre intention que de ne pas délaisser son interlocuteur : « tu parles pour ne pas gêner l'autre, tu parles comme pour lui faire une place ».
Camille Readman Prud'homme manie les contre-pieds, les décalages infimes avec une dextérité parfois comique : « tu manges des toasts le matin et des sandwichs le midi / quand tu manges des toasts / ou des sandwichs / le soir / tu te sens / misérable ». Certaines listes rappellent Autoportrait d'Édouard Levé (un j'aime / je n'aime pas décliné sous toutes ses nuances). le regard est perçant, l'économie de mots redoutable : « j'ai connu des gens qui parlaient de ce qu'ils aimaient comme une partie d'eux-mêmes ».
Quand je ne dis rien je pense encore fait des liens drôles, caustiques, doux et métaphysiques comme seule la poésie le permet : « j'ai perdu le moment où j'ai cessé de voir certaines personnes, j'ai perdu l'ordre des étés. j'ai perdu l'étanchéité des soirées qui se déversent désormais les unes avec les autres et quand je raconte une histoire à plus de trois personnes je ne sais plus à qui je l'ai dite, je perds toujours le sens du mot herméneutique je perds les anniversaires et j'ai un sentiment du mois mais le jour souvent m'échappe ».


Flora Moricet
Le Matricule des Anges
https://lmda.net/2022-02-mat23045-quand_je_ne_dis_rien_je_pense_encore
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C'est une lecture obligatoire au Cégep. Je me suis donnée un coup de pied dans le derrière pour la commencer. On m'avait indiqué que c'était un recueil de poésie, et je ne suis pas friande du tout.
Mais on m'avait mal renseignée.
J'ai trouvé la lecture rafraîchissante, éclairante. Elle a un peu mise à nu les sentiments, pensées, souvenirs et émotions, qu'on vit tous en vivant en société mais qu'on ignore. Elle a mis des mots sur les inconforts et les tracas de la vie, sur nos réflexions, qui sont souvent loin dans nos pensées mais toujours présentes, en arrière plan.

Je ne m'étais pas vraiment attardée à l'ensemble de choses que mon cerveau traite au niveau de la pensée avant de faire cette lecture.

Elle me laisse surtout un sentiment, difficile à identifier, mais qui fait en sorte que ça en valait la peine.

En plus, c'est une petite lecture, 45 minutes à 1h maximum.

Ne pas hésiter!
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Entre autobiographie et essai philosophique, cet ouvrage regroupe tout ce que j'aime : une poésie moderne et des mots qui se font à la fois murmures et tremblements de terre.

Une lecture sur l'intime qui se dilue dans une société trop bruyante.

C'est profond et ultra touchant.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
ces écrivaines dont les textes m'ont fait croire qu'elle devinaient mon coeur
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on croit que ceux qui ne parlent pas
ne pensent rien
que ceux qui sourient sont heureux

on croit aussi que ceux qui sont convaincus ont raison
que ceux qui écoutent obéissent
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vous ne savez plus si vous avez réfléchi en silence ou à voix haute et vous prend la crainte d'avoir été l'une de ces personnes qui parlent seules.
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Tu vois dans les contours des enfermements. ta peau te clôture. quand tu te brûles ou te coupes tu crois t'échapper un peu.
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j'ai vu des gens qui portaient des uniformes humiliants et d'autres à qui on criait des bêtises, j'ai vu des gens qui venaient de perdre un amour et d'autres leur candeur et bien que ces drames n'étaient pas les miens, ils m'ont renversée, le reste de l'année ce que je croise ne m'assaille pas toujours, mais au printemps on croirait qu'il n'y a plus de seuil entre ce que je suis et ce qui m'entoure.
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