Hier, sans plus barguigner, le mariage pour tous a mis fin à l'ignominieuse controverse.
Mais, avant-hier, l'homosexualité, exposée à bien des anathèmes, peinait même à trouver son nom.
Persuadé de vivre un temps de révolution des idées, Paul Reboux, en 1951, se prit à jeter un pavé dans la mare des moralistes dont il jugeait l'esprit fermé comme un casque de combattant des croisades.
"Sens interdits" est un livre atypique, provocateur et sûr de lui, qui est plein de défauts et bourré de qualités.
Derrière un ton badin, un style élégamment très littéraire et un humour fin et courtois, se cache un puissant essai, un plaidoyer sans concession à la tolérance, l'intelligence et la raison.
Et cela même si Paul Reboux ne parvient pas toujours à éviter la caricature, le lieu commun et l'ironie facile.
Ce livre est indispensable.
Il est offert à la réflexion.
C'est un livre introspectif et profond.
"Si l'homosexualité est de l'amour dégénéré ?
Certes non. Nous voilà rassurés !"
Décidément, ce Mr Reboux est un pourfendeur de vieilles morales vermoulues.
Sans s'effrayer, il explique, il décortique.
Il s'interroge.
Il se charge, là où elle est importante, de bien faire la différence entre les mots.
Il attaque les prédicateurs et les confesseurs.
Il accuse durement et fermement le politique et le religieux.
- Affirmant même que le sixième commandement, qui concernait la défense d'adorer les idoles, ayant été modifié pour devenir :
- Luxurieux point ne sera
De corps ni de consentement -
est finalement devenu une imposture ...
- Affirmant même qu'un sénateur, qu'il ne craint pas de nommer, par le ridicule de ses compagnes contre la "pornographie", a pris place, dans la postérité, entre Jocrisse et Tartuffe ...
Pourtant "Sens interdits" n'est pas exempt de tout reproche.
Il parle peu des femmes.
Il s'autorise quelques avis littéraires tranchés à la serpe.
Il contient quelques rares passages pouvant heurter le lecteur d'aujourd'hui, notamment dans l'évocation de "la rencontre entre André Gide et Oscar Wilde autour d'un jeune joueur de flûte d'une extraordinaire beauté".
Décidément, il sera dit que Paul Reboux est un auteur étonnant.
Il parle longuement de l'Antiquité, de son appétence à la philosophie et de la tolérance à la variété de ses moeurs ...
Il décrit le Moyen-âge comme un monde d'hébétude courbé sous l'autorité des moines et des seigneurs ...
Il met en doute la réputation que la postérité a accroché aux mignons d'Henri III ...
L'écrivain, l'essayiste s'attarde, durant quelques édifiants portraits, à découvrir les dessous de l'Histoire, mais aussi durant quelques petites visites libertines, il se distrait de certaines nuits de Paris que fréquentent la politique, le barreau, la noblesse et le clergé ...
"Sens interdits" a pris sur ses tournures la ride de son âge.
Mais il est pourtant moderne car il évoque la raison, la justice, la tolérance et l'indulgence qui sont de toutes époques.
Il est pourtant moderne car il porte de sévères considérations physiologiques, démographiques et morales ... car il est distingué sans être pudibond ...
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L'homosexualité, tout comme l'hétérosexualité, comporte tous les degrés, toutes les nuances : du platonisme à la salacité, de l'abnégation au sadisme, de la santé joyeuse à la morosité, de la simple expansion à tous les raffinements du vice ...
(André Gide - "Corydon")
La morale oscille suivant les ambitions ou les besoins des peuples.
N'étant pas absolue, elle n'est respectable que relativement ...
Il en est des homélies contre la masturbation - puisqu'il faut enfin l'appeler par un nom - comme de toutes le choses sexuelles.
Elles étaient assurément condamnables du temps où il fallait peupler la terre.
Elles ont cessé le l'être dès que le monde a été suffisamment peuplé.
Ne vont-elles pas devenir recommandables, puisque l'on a constaté les dangers de son surpeuplement ?
pages 19/20
Certains sont, par profession, de grands couturiers, d'éminents décorateurs, des musiciens de talent, et aussi des fonctionnaires estimés pour leurs mérites, des industriels qui ont augmenté, année après année, leur chiffre d'affaires. On n'en compte presque pas parmi les politiciens, qui sont le rebut de la société.
pages 45/46
On croit entendre une prédication du moyen-âge, pleine de menaces, de diables d'enfer, de marmites où mijotent les réprouvés touillés à coups de fourches démoniaques ...