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Conan le Cimmérien tome 4 sur 14
EAN : 9782344018477
72 pages
Glénat (07/11/2018)
4.05/5   50 notes
Résumé :
Unique survivant d'une bataille, Conan trône au milieu d’une neige maculée de sang. Le combat terminé, le Cimmérien se retrouve soudain envahi d’une lassitude profonde et d’un profond dégoût. Jusqu’au moment où il rencontre une femme à la beauté surnaturelle, aveuglante comme l’éclat du soleil sur la neige. Mû par un ardent désir, Conan décide de la suivre mais se retrouve pris dans un piège, attaqué par deux titans. Dans sa fougue, il ne s’est pas méfié. Il n’imagi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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Avec l'adaptation en bande dessinée de la nouvelle de R.E. Howard intitulée "La Fille du géant du gel", une fois de plus les frenchies parviennent à sublimer et transfigurer le matériel d'origine tout en gardant le message d'origine... Je suis complètement bluffé, je suis complètement bouleversé, et je suis obligé de citer Michael Moorcock :
"L'esprit cultivé français aide à révéler ce qui fait la nature de l'oeuvre américaine ou anglo-saxonne (souvent à la grande surprise de leurs propres auteurs d'ailleurs, et sans nécessairement en recevoir de reconnaissance)".
Quand j'avais parlé de l'adaptation en BD de la saga d'Elric de Melniboné j'avais dit que ne n'arrivais pas à distinguer la frontière séparant le travail de Robin Recht de celui de ses collaborateurs, avec cet album auquel il a consacré une année (et vu le résultat on comprend pourquoi car ici il est seul maître à bord en signant l'adaptation du scénario, les dessins et les couleurs) c'est désormais chose faire et je peux écrire que l'élève a égalé ses maîtres à savoir Alex Alice et Mathieu Lauffray (excusez du peu) ! Robin Recht est un grand artiste mais d'abord et surtout un auteur populares, qui n'a jamais renié ce qu'il a aimé contrairement à nombre de ses collègues qui ont retourné leurs vestes pour lécher le cul des optimates : lui a refusé de cracher dans la soupe avec les petits cercles intellos prout prout qui se masturbent collectivement du haut de leurs tours d'ivoire en méprisant toutes les petites gens...
Dans la nouvelle d'origine, c'est entre poésie et folklore que l'auteur texan de Cross Plains inversait le mythe de Daphné et Apollon en reprenant le schéma du mythe d'Atalante : seul survivant d'un champ de bataille nordique, le mercenaire Conan le Cimmérien poursuivait la déesse Atali fille d'Ymir le géant du gel qui après l'avoir aguiché jouait au chat et à la souris avec le lui. Ce n'était plus un dieu queutard qui poursuivait une belle-gosse galbée, mais un beau-gosse musclé qui était manipulé par une déesse du froid en chaleur… Dans cette adaptation BD on aborde frontalement le côté primordial des choses, en montrant crûment sexe et violence (aucune mention avertissant les moins de 18 ans, sérieusement ?), et on va beaucoup plus loin dans l'aspect mythologique du récit. C'est très freudien (et c'est un peu la marque de fabrique de Robin Recht), avec cette valse constante entre le rouge et le noir, entre l'éros et le thanatos : les pulsions de vie et de mort s'entremêlent avec les instinct violents du prolo et les fantasmes malsain de l'aristo. Car Atali est ici un valkyrie qui trie le bon grain de l'ivraie parmi les guerriers du nord et qui est chargée d'amener de véritables héros au banquet des dieux. On est très clair sur fait qu'elle compte bien jouir de son rôle de psychopompe, et elle joue avec Conan en lieu et place du dénommé Heimdul qu'elle avait choisi et qu'elle attendait depuis 15 ans, mais l'aventurier cimmérien est un rebelle sans dieu ni maître qui va poser problème !

Je peux parler graphismes en toute sérénité, car je ne prend guère de risque de spoiler : les dessins de Robin Recht sont du bonbon pour les yeux, mais ceux qui ont suivi sa carrière ne pouvait en douter… le récit est raconté du point de vue d'Atali et non de Conan comme dans la nouvelle d'origine, Atali n'est pas une top model marmoréenne ou sculpturale car ici elle plus proche des femmes dessinée par Régis Loisel comme Pelisse ou pyrénées. Ensuite on est obligé de mentionner qu'on abolit les frontières entre bandes dessinées et romans graphiques (s'il tant est qu'elles aient jamais existé !) car les doubles planches sont nombreuses, la narration horizontale récurrente donc les textes s'étendent tout naturellement de planches en planches… La fin du tome n'est pas sans rappeler la fin de la série "Le Troisième Testament", mais bon sang ne saurait mentir quand on connaît le parcours artistique de Robin Recht. Je ne lui attribue pas l'illustration de couverture tape-à-l'oeil qui n'est pas sans rappeler l'affiche du film "Pathfinder", mais je peux lui reprocher l'utilisation des onomatopées qui à un moment remplissent totalement les planches. OK sur le fond car les battements de coeur de Conan symboles de ses pulsions de vie prennent le pas sur tout le reste, mais on reste dans la tradition occidentale et force est de constater que j'ai déjà vu beaucoup mieux dans la tradition orientale largement en avance sur ce plan là (je pense par exemple à Hirohiko Araki qui faisait serpenter les idéogrammes du mot peur le long du corps de ses personnages)...


PS: j'ai souvent écrit que les auteurs de BD devaient s'affranchir du sacro-saint carcan du format 48 pages, et c'est plus vrai que jamais car il s'agit désormais d'un problème d'ambition et/ou de flemmardise artistique... Comment expliquer que Robin Recht arrive à étendre à la perfection une nouvelle de quelques pages en 70 planches alors que ces collègues ont effectués des coupes pour faire tenir en 46 planches des récits de 70 pages ???
Lien : https://www.portesdumultiver..
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"Ton visage n'est pas celle d'une mortelle et ta voix n'a pas un timbre humain. Déesse sans doute?" Virgile.
TÔM TÔM TÔM TÔM
C'est un coeur qui bat, et c'est celui de Conan le cimmérien!

Chaque premier soleil après l'hiver, Aesirs et Vanirs s'affrontent sur le lac gelé.
De grands yeux bleus les observent du haut de la montagne.
C'est une femme plantureuse, une jolie rousse, elle est nue dans la neige... Mais, elle ne souffre pas du froid.

Rage, hurlements, cris...
Une épée tranche,
Une hache découpe,
Des hommes tombent,
Le sang gicle,
Têtes tranchées,
Chairs en lambeaux,
Chaque coup fait trembler la jeune femme, à la chevelure flamboyante. Elle sourit...

"Juste des mortels qui se haïssent et s'entretuent, j'aime ça!"
La femme n'est pas descendue des hauteurs, depuis si longtemps, afin de choisir un héros. le dernier combattant qui restera debout...

Il ne reste que le jarl Heimdul... Non, un guerrier s'avance...
C'est Conan!
Il a le dessous, à cause du soleil et de la traîtrise de son adversaire... Il tombe!
Mais sa soif de vivre est la plus forte!

Apparaît alors la jeune femme. Elle est si belle.
Elle provoque Conan, en exhibant ses seins fermes et ses fesses rebondies... Un voile de lin diaphane, cache le bas ventre, un peu. Si peu...
Une boule de neige éclate dans la figure de Conan. Il poursuit la femme qui rit...
Elle emmène le guerrier au sommet de la montagne, au trône glacé de son père.

La femme attise le désir de l'homme, se laisse attraper, puis s'échappe. Elle se joue de lui, alors qu'il la surplombe. Elle est si frêle et si gracile, par rapport à lui...
C'est une déesse ! C'est Atali!

Elle jette Conan dans un gouffre glacé, et se caresse, alors qu'il se débat au milieu des damnés, des morts qui veulent l'entraîner au fond de l'eau...
Elle a du plaisir, courbée en deux...

Mais, Conan remonte, nu et couvert de sang, avec sa fureur intacte, obstinée, pure.
Il est tendu vers la déesse !
Il est rouge, dégoulinant de sang, les muscles bandés (Euh, pas seulement que les muscles! )...


Elle veut offrir Conan, à Ymir son père. Deux immenses ours polaires, qui servent Atali, surgissent...
Conan se relève encore!
Ses battements de coeur débordent des cases.
TÔM TÔM TÔM TÔM TÔM TÔM

Les dessins sont magnifiques... Cette nouvelle n'avait pas été retenue, par Fansworth Wright, le rédacteur de "Weird Tales".
C'est le texte original, débarrassé des ajouts de Sprague de Camp. L'histoire a été inspirée par l'ouvrage de Thomas Bullfinch, sur les contes et légendes du monde entier...
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Depuis toujours, les Vanir et les Aesir se prêtent au jeu de la guerre. Chaque année, les guerriers s'affrontent jusqu'à la mort dans l'espoir de plaire aux dieux et peut-être, si l'un d'entre eux se montre assez digne, de rencontrer la fille d'Ymir, le géant du gel.

---

Hype au maximum pour ce tome, alors à peine sorti je me suis jeté dessus. Et si j'ai été surpris, je n'ai pas été déçu, au contraire.

La fille du géant du gel c'est tout d'abord une très courte nouvelle de R. E. Howard qui place Conan au pays des hommes du Nord et lui fait rencontrer une créature des glaces aux formes divines qui, tentatrice et moqueuse, consciente de sa supériorité et habituée à jouer avec les mortels, séduit le guerrier pour le mener à ses frères, géants du gel, afin d'offrir son coeur à Ymir, leur père. Mais la force du désir de Conan est plus forte que tout, et dans son aveuglement bestial le Cimmérien réussira là où les hommes du Nord échouent depuis toujours. Toutefois, une suspicion s'installe et Conan finira par douter de ses sens et de son expérience mystique...
Dans cette adaptation, Robin Recht a su donner une dimension supplémentaire au récit d'Howard, en ajoutant ce qui pouvait manquer à cette nouvelle de quelques pages. Avec une dimension épique largement plus grisante, une facette mythologique plus développée, et surtout un fil rouge érotique des plus osés mais bien tourné, couplé à un revirement du récit où la proie devient le chasseur et la divinité tentatrice trop sûre d'elle entrevoit son erreur, le tout avec un crescendo superbement bien mené où l'ambiance "joviale" de la traque devient vite grave, nous avons un récit fort en prenant où les dieux et les mortels se défient et s'affrontent.

Côté dessins, jai été époustouflé par les nombreuses double-pages de paysages ou d'actions héroïques, agréablement surpris de retrouver un Conan aux traits classiques (avec ce clin d'oeil au Death dealer de Frazetta), deux bémols toutefois à cause de certaines cases peu claires (le revirement dans le combat contre le Jarl vanir par exemple) et la superposition des battements de coeur de Conan aux dessins sur la fin du tome. Mais ce n'est rien comparé à la qualité graphique du tout.

Petit bémol concernant cette adaptation, j'aurais tout de même apprécié plus de clarté sur l'absence de viol, hein, car là c'est un peu flou flou alors que dans la nouvelle il très clair que Conan ne fait finalement rien, empêché par Ymir...
Il se peut que ce tome fasse débat car on pourrait penser qu'il s'agit de vanter un Conan qui ne cherche finalement qu'à violer la fille du géant du gel, mais il ne faut pas oublier qu'Atali n'est pas humaine, c'est une "sorcière" ou plutôt une déesse, une créature de glace à la peau "plus claire que la neige" (et ça, malheureusement, ça ne transparaît pas dans l'adaptation), qui ensorcelle les guerriers depuis l'aube de temps pour nourrir son père... elle manipule le Cimmérien et lui fait perdre l'esprit. Pour défendre Conan, disons finalement qu'il prendra conscient d'avoir été le jouet des dieux.

Finalement, un très bon tome, peut-être à ne pas mettre entre toutes les mains, ou en tout cas à relativiser. Qui est la proie, qui manipule ou domine qui, qui est le mortel et qui est le divin ... ? ;)
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Ce tome est le quatrième dans une série d'adaptation des romans de Robert Erwin Howard mettant en scène le personnage de Conan. La première édition date de 2018. Elle compte 68 pages de bande dessinée. L'adaptation a été faite par Robin Recht qui a réalisé l'adaptation du texte, les dessins et la mise en couleurs. Il s'ouvre par une page d'introduction rédigée par Michael Moorcock, créateur du concept de champion éternel et auteur de romans comme par exemple la série Elric. Il se termine avec un texte de 2 pages rédigé par Patrice Louinet, revenant sur la genèse du texte de Robert E. Howard et son contexte de publication, ainsi que par 4 illustrations pleine page de Recht, et une de Mathieu Laufray.

Dans des montagnes enneigées, sur un sommet, une jeune femme a perçu l'approche des guerriers, une troupe d'hommes du Nordheim. Elle pense à cet affrontement rituel qui se déroule au premier soleil après l'hiver, entre les Aesirs et les Vanirs, une lutte sans trêve, ni merci, sans vainqueurs n vaincus. La troupe menée par Jarl Niord arrive devant un groupe de guerriers morts sur la neige ensanglantée. Ils interrogent le dernier survivant qui indique que Heimdul (seigneur des Vanirs) est déjà en train de combattre sur le lac gelé. Les guerriers Aesirs se moquent du prisonniers, se soulagent sur lui et le laissent attaché pour qu'il soit dévoré par les loups.

La troupe de guerriers Aesirs poursuit son chemin vers le lac gelé, sous les flocons de neige. Gorm et un autre se disputent pour savoir quel guerrier sera le plus valeureux et lequel la fille du géant du gel (une déesse) va choisir. Grom affirme que c'est sans doute Heimdul, un Vanir, qui sera le plus fort, ce qui irrite fortement son interlocuteur. Sur le mont Odroerir, une jeune femme rousse, uniquement vêtue d'un pagne, une sorte de voile transparent, observe de très loin l'affrontement sur le lac gelé, avec 2 ours blancs énormes à ses côtés, ses frères. Sur le lac, l'affrontement est d'une violence inouïe, la glace devenant rouge de sang, les guerriers mourant les uns après les autres dans un carnage terrible. La déesse à la chevelure rouge se repaît de ce spectacle, convaincue que Heimdul sortira vainqueur, par sa haine ancestrale des Aesirs, par sa fureur dans la mêlée. Elle sent le désir monter en elle, alors qu'elle s'imagine déjà le conduire sur l'Odroeir. Mais parmi la pulsation des battements de coeur, elle en distingue un nouveau qu'elle ne connaît pas, un ours parmi les loups, un seigneur de la guerre.

Suite à l'arrivée d'une partie des droits dans le domaine public, l'éditeur Glénat a mis en chantier une série d'adaptation des aventures de Conan par différentes équipes de créateurs. Robin Recht s'est fait remarquer peu de temps auparavant pour sa participation à l'adaptation en BD de Elric avec Julien Blondel, Didier Poli et Jean Bastide. Ici, il a choisi d'adapter un texte assez court de 1953, celui écrit par Robert E. Howard où Conan est le plus jeune. Ce n'est pas la première fois que ce texte est adapté en bande dessinée, le lecteur ayant déjà pu lire la version réalisée par Barry Windsor Smith & Roy Thomas, et publiée par Marvel en 1971. L'horizon d'attente du lecteur réside dans une adaptation par Recht, et pas une simple mise en images. Il est donc légitime que l'auteur ne reprenne pas tous les éléments de la nouvelle originelle (par exemple le nom de la fille du géant du gel n'est pas mentionné) et qu'il en donne son interprétation, en accentuant un point de vue, qu'il en fasse une lecture orientée. D'emblée, le lecteur retrouve bien les conventions de genre qu'il est venu chercher : des barbares qui s'affrontent à l'épée dans une époque mythologique, en faisant assaut de puissance virile. Il se rend vite compte que l'auteur transcrit avec respect les caractéristiques de Conan : il retrouve bien Conan tel qu'il le connaît, l'apprécie, le personnage qu'il est venu chercher.

Robin Recht ne réduit effectivement pas son adaptation à une mise en images servile. Il décide de développer son interprétation personnelle suivant 3 axes : la dimension sexuelle du comportement d'Atali (la fille du géant du gel), la violence des affrontements physiques, et de manière sous-jacente la personnalité de Conan. La première fois que le lecteur aperçoit Atali, il s'agit d'un dessin en double page, un très gros plan centré sur son regard, avec des mèches de cheveux volant devant. En page 13, il découvre une jeune femme svelte et rousse, dépourvue de corsage (bodice dans la nouvelle) avec uniquement un fin voile transparent retenu par une fragile ceinture. Robin Recht embrasse la dimension sexuelle du récit en la rendant explicite. La jeune femme est quasiment nue. Elle adopte des poses lascives pour exciter le désir de Conan, jusqu'à se pencher en avant en lui tournant le dos pour qu'il est une vue dégagée sur sa croupe. Recht ne masque pas la nudité d'Atila, et représente ses seins, ses fesses et sa toison pubienne, sans verser dans la pornographie, sans gros plan ou jambes écartées. Il la représente également en train de se caresser, jouissant littéralement de la souffrance et de la mort des combattants. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut trouver que cette explicitation visuelle du désir sexuel est superflue ou de mauvais goût, ou alors que Recht refuse l'hypocrisie pudibonde pour transcrire la force de cette pulsion sexuelle. Atila passe alors du stade d'allumeuse de talent à l'incarnation de ce désir. Conan est soumis à la brutalité vicieuse de cette pulsion sexuelle capable de faire perdre la raison par son intensité irrépressible.

L'une des conventions du genre Heroic Fantasy réside dans les affrontements physiques à l'épée, ou avec toute autre arme tranchante, entre des hommes puissamment musclés, tranchant dans le vif sans arrière-pensée. C'est l'une des caractéristiques qui en fait une littérature d'évasion cathartique. de fait la violence fait son apparition dès la page 8, avec la lame d'une épée ensanglantée. En page 9, le lecteur voit un individu attaché à un arbre, son corps ensanglanté, des cadavres dans la neige elle-même maculée de rouge. Les dessins ne sont pas extrêmement descriptifs dans le gore, ils se cantonnent plus sur une impression générale. Cette approche visuelle est confirmée par les 2 cases s'étalant sur la largeur de la double page 14 et 15, avec des silhouettes représentées en ombre chinoise s'affrontant brutalement, maculées de tâches rouge sang pour figurer les blessures. La composition est époustouflante et transcrit avec force le carnage. En page 18, la silhouette en ombre chinoise de Conan se détache sur le fond rouge pour une impression massive, faisant comprendre son triomphe sur le champ de bataille au milieu de la boucherie. le combat au corps à corps qui s'en suit entre lui et Heimdul est tout aussi sauvage et sanglant, toujours sans recourir à des descriptions gore. le lecteur prend conscience que Robin Recht joue avec les onomatopées, augmentant la taille de leur police. Il va jusqu'à réaliser une case en camaïeu à base de rouge Bordeaux et de rouge Sang de boeuf, avec 5 énormes Tchak ! comme uniques éléments sur cette case. L'artiste joue ainsi avec les bruitages, du râle de jouissance d'Atali en page 43, aux battements de coeur envahissant peu à peu les planches de la page 48 à la page 58. S'il est coutumier de ce type d'utilisation des onomatopées, le lecteur se dit que l'auteur aurait travailler plus son lettrage pour des effets visuels encore plus saisissants, à l'instar de ceux que peuvent créer des lettreurs comme Ken Bruzenak ou Dave Sim.

Ainsi Robin Recht donne une dimension mythologique aux affrontements physiques en tirant ses dessins vers le conceptuel, entre art abstrait (des cases prenant leur sens dans le rapport qui les lie à leur voisine) et impressionnisme sauvage. En insistant visuellement sur le comportement sexué d'Atila et sur la sauvagerie des combats, l'auteur met en parallèle le plaisir sexuel et la mort, entremêlant Éros & Thanatos, sans avoir à utiliser de mots. le lecteur suit les rebondissements sans surprise de l'intrigue (surtout s'il en a déjà lu une autre version, l'originale ou une adaptation en BD), tout en se laissant subjuguer par la force graphique des pages. Il éprouve la sensation de lire un conte adulte, jusqu'à venir à en oublier le personnage principal. Pourtant, Conan est bien au coeur du récit, à la fois la proie de la fille du géant du gel, à la fois un homme refusant de se soumettre à la volonté de cette femme, ne succombant pas à son appétit sexuel. En effet l'auteur brosse un portrait un creux du cimmérien. Il n'insiste pas sur le fait qu'il soit un étranger parmi les Aesirs et les Vanirs, ou qu'il se retrouve sur un territoire plus au Nord que la Cimmérie, ou encore qu'il n'ait probablement pas 20 ans. Il laisse le lecteur se faire une idée par lui-même du caractère d'un individu qui se comporte comme Conan, qui réagit de cette manière. Conan se bat aux côtés des Aesirs, et Atali indique qu'il est un ours parmi les loups. Il est donc à sa place sur ce champ de bataille, au coeur de ce massacre.

Par la suite, Conan déclare à Heimdul qu'il va le tuer, une phrase simple et concise. Il ressent pleinement les avances explicites d'Atali et y répond en la pourchassant dans les bois enneigés, mais sans pour autant passer à l'acte. Il dispose d'une maîtrise de soi qui lui permet de se contenir et de ne pas se comporter comme l'attend Atali. Dans une séquence terrifiante dans l'eau glaciale, il s'extirpe des victimes d'Atali, refusant de se soumettre, de partager leur sort. Il s'agit d'une nouvelle preuve de sa force de caractère, de sa volonté inflexible. Il en est encore de même dans le dernier affrontement, refusant toute forme de soumission, d'atteinte à l'intégrité de sa personnalité. Conan refuse toute compromission de ses valeurs, toute tentative de se voir imposer une volonté à laquelle il n'aurait pas consentie, de mettre en péril son esprit, même s'il doit le payer de sa vie. le lecteur peut y voir l'expression jusqu'auboutiste d'une indépendance absolue, d'un besoin vital d'autonomie qui passe avant la satisfaction de tout autre besoin, à commencer par les pulsions qu'elles soient vitale ou sexuelle.

Le lecteur ressort de cette interprétation de la nouvelle de la fille du géant du gel, sous le charme d'une narration visuelle personnelle et ambitieuse, n'hésitant pas à faire de la place aux dessins, à commencer par 5 dessins en double page, et 1 en pleine page. Il éprouve à la fois la sensation d'avoir lu une vraie histoire de Conan, à la fois d'avoir une interprétation du personnage. Il a apprécié la démarche crue de l'auteur refusant le tiède, en phase avec Conan. Il est aussi possible qu'il ressente comme un petit manque, comme si les pages révélaient toutes leurs saveurs au premier coup d'oeil, sans receler rien d'autre. À l'évidence, Robin Recht a profité de l'occasion qui lui est donné pour interpréter l'histoire de Robert E. Howard en fonction de sa propre sensibilité, pour en donner sa vision à la fois par des images et une narration visuelle fortes, à la fois en développant les thématiques qui lui importent. En cela, ce tome est une réussite, tenant le pari d'une version personnelle d'un personnage ayant pourtant déjà été maintes fois adapté, y compris par des artistes de talent, 5 étoiles. Il reste possible que le lecteur trouve l'exercice virtuose sans qu'il n'enrichisse le récit originel de Robert E. Howard, 4 étoiles.
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Je n'irai pas par quatre chemins... Cette bd est tout simplement époustouflante.
Lorsque le premier tome de cette série est sorti, je me souviens m'être dit qu'il m'était inutile de me la procurer pensant fermement qu'il s'agitait ni plus ni moins qu'une énième adaptation du personnage, sans réel originalité, sans apports nouveaux, et sans réelle justification. Je me trompais largement et la curiosité m'a fait changé d'avis dans le bon sens.
Le travail de Robin Recht est exemplaire à tous les points de vue. Graphiquement déjà tu prends une grosse claque. Chaque planche respire l'épique, le sauvage, le divin. L'essentiel. Chaque planche élève le texte d'Howard à son plus haut niveau et même le magnifie. À un point tel que la bd sert de la nouvelle d'origine pour trouver son propre souffle et sans doute même s'élever au delà de l'original.
Textuellement, on a là un Conan dont on ne sait d'où il sort, mais qui est là, et qui se trouve sous l'emprise ( les charmes) d'une sorcière, d'une déesse, la fille du géant du gel ( traduisez la fille d'Ymir, le géant primitif de ma mythologie scandinave). Conan est il sous l'influence de ses charmes, ou bien sous l'emprise de ses propres pulsions...? Un texte simple, dénué de toute complexité, de toute lourdeur, un récit qui n'en est pas un. Il n'y a pas d'histoire. Il s'agit juste de Conan qui lutte contre les dieux. Ou contre lui même...
Dans l'annexe de fin, Patrice Louinet explique que la nouvelle a été ré écrite, et sans doute même qu'elle constituait un essai de la part d'Howard, dans ses tentatives pour forger le personnage de Conan. Force est de constater qu'à travers cette bd, la quintessence du personnage était déjà établie. Et Robin Recht a réussi, selon moi, à retranscrire parfaitement, en le sublimant même, le personnage du Cimmérien.
Bravo monsieur...
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critiques presse (6)
BDGest
29 mars 2019
Violent, oppressant, épique, grandiose, les adjectifs manquent pour qualifier cet album. [...] Rares sont les albums qui procurent une telle sensation de mouvement, une telle fluidité dans leur narration !
Lire la critique sur le site : BDGest
Bedeo
17 janvier 2019
Sublimé par le trait de Robin Recht, La fille du géant du gel est une très belle adaptation de la nouvelle de Howard . Cet album donne un nouveau relief à la très bonne collection Conan de Glénat.
Lire la critique sur le site : Bedeo
ActuaBD
28 décembre 2018
Sans dénaturer l’imaginaire créé autour du personnage, et même si l’histoire pourrait facilement être résumée dans sa version la plus simple et la plus brutale, poésie et sensibilité émanent autant du texte que de ces magnifiques planches.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
BoDoi
28 décembre 2018
Pour raconter ce face à face vertigineux, sur un fil entre eros et thanatos, Robin Recht se fait plaisir et nous en met plein les yeux, donnant à Conan une facette subtile, entre humain naïf et quasi demi-dieu barbare. On ne demandait rien d’autre.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Sceneario
17 décembre 2018
Une magnifique adaptation de l'oeuvre de Robert E.Howard. Une aventure que je vous invite à lire. Une œuvre à posséder dans vos bibliothèques, sans hésiter un instant.
Lire la critique sur le site : Sceneario
SciFiUniverse
11 décembre 2018
Ce conte d'hiver mettant Conan face à sa passion et sa faiblesse pour cette déesse rousse montre une nouvelle facette du Cimmérien qui est magistralement mis en scène et dessiné par Robin Recht. Laissant le lecteur aux prises avec les démons intérieurs de Conan, il ne pourra pas lâcher cette BD avant la fin.
Lire la critique sur le site : SciFiUniverse
Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Chaque premier soleil, après l'hiver, les Aesirs et les Vanirs vont s'affronter sur le lac gelé.
D'aussi loin qu'ils se souviennent, les ancêtres de leurs ancêtres y sont toujours allés.
Une lutte sans trêve ni merci.
Sans vainqueurs.
Ni vaincus.
Peu importe, les hommes du Nordheim vivent pour combattre.
Et moi, pour les regarder combattre.
Pour trouver parmi eux un vrai héros.
Celui-là, une fois encore, je l'amènerai devant vous, Père.
Car telle est la loi du Nordheim.
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Depuis la nuit des temps, je scrute les champs de bataille du Nordheim, pour y chercher le nectar qui apaisera sa soif immense.
L'eau vive qui coule en chaque être humain.
Le désir de vivre.
Un frêle ruisseau pour le commun des mortels.
Mon père, lui, ne s'abreuve qu'aux torrents qui jaillissent des héros bénis par les victoires.
Ceux nés pour tuer.
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Le Cimmérien, à mon sens, rencontre l'un de ses plus grands interprètes visuels en la personne de Robin Recht, dont les dessins magnifiques capturent à merveille l'essence de Conan, le sauvage éternel, prêt à restituer un empire en or pour regagner son innocence perdue !
- Michael Moorcock
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Pour moi, Recht est l'un des meilleurs artistes de bande dessiné français, et l'un des plus intelligents.sa superbe interprétation de ce qui est la plus simple et la plus pure des histoires de Conan, résiste à ce qui est ironiquement la tentation américaine d'embellir et d'ajouter au personnage jusqu'à ce qu'il en perde sa signification originale. - Michael Moorcock
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Meurent nos ennemis et nous mourrons de même, mais il est une chose qui ne meurt jamais : le jugement porté sur chaque mort
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