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Critique de Henri-l-oiseleur


"Cité de la nuit" de John Rechy peut se lire comme un roman à forte dimension autobiographique. Il raconte à la première personne le "voyage" du narrateur jeune à travers les cités américaines, vues par leur face nocturne, à savoir la vie souterraine des homosexuels dans les années 60. Cette société clandestine se divise en catégories séparées par d'étanches barrières : prostitués, clients, travestis et autres affirment, par un code strict, leur appartenance au sous-groupe qui leur donne leur identité. S'il y a bien du libertinage, il n'y a aucune liberté. Ce jeu de masques sociaux trouve son apothéose à la fin du livre, pendant le grand Carnaval de la Nouvelle-Orléans. C'est dire que dans cet univers, personne "n'est soi-même", tout le monde joue un rôle que le narrateur autobiographe s'emploie à décrire et à décrypter dans le récit. Lui-même joue le rôle du prostitué, qui appartient volontairement à ce monde, tout en prétendant y voyager en touriste, comme s'il n'était pas réellement concerné par ce qui s'y passe.

L'ouvrage se répartit en deux sortes de chapitres : ceux que l'auteur intitule "cité de la nuit", choses vues et scènes de groupe de la vie quotidienne à New-York, Chicago, Los Angeles, San Francisco ou la Nouvelle-Orléans. D'autres chapitres s'intercalent, portant le nom du personnage qui y est plus particulièrement décrit : Mr King, Le Professeur, Chuck, Skipper, etc ... Ces personnages semblent jouer une comédie plus élaborée, et font de leur vie entière une espèce de roman mythologique, ou mythomaniaque. Une chose en tous cas les réunit tous, narrateur compris : l'absolue solitude, le total manque d'amour de vies passées à proclamer, à jouer, à mimer le contraire. Quand le narrateur s'approche de la pénible vérité, que certains dans le livre lui révèlent (Dave, Pete, Jeremy) il s'enfuit pour préserver la pureté de sa solitude narcissique, de sa détresse.

C'est un donc un roman frappant par la lucidité de ses analyses et auto-analyses. On y voit une galerie de personnages flamboyants, excentriques, drôles ou non, malades de solitude et terrifiés à l'idée d'aimer et d'être aimés. En compensation, une ambiance de fête perpétuelle, de libertinage apparent, laisse voir à quel point l'adjectif "gay" ou gai, a été donné par antiphrase... le style rappelle parfois, quand John Rechy le polit et le travaille, composant soigneusement ses pages, les moments les plus fatigants des romans de W.S. Burroughs (mais sans la Science-fiction et le cut-up). D'autre part, l'auteur n'a pas peur des pires clichés de langage, de style et de pensée, à certains moments. C'est donc un livre "à tunnels", à très bons et à très mauvais endroits, inférieur dans sa facture et son esthétique à Numbers, écrit quatre ans plus tard, en 1967.
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