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Citations sur Histoire d'un ruisseau (15)

Semblables au ruisseau qui s'enfuit, nous changeons à chaque instant; notre vie se renouvelle de minute en minute, et si nous croyons rester les mêmes, ce n'est que pure illusion de notre esprit.
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"Après les dix mois de chaîne, voici les heureux jours des vacances ; les enfants reprennent leur liberté ; ils revoient la campagne, les peupliers de la prairie, les grands bois, la source déjà parsemée des feuilles jaunies de l’automne ; ils boivent l’air pur des champs, ils se font un sang nouveau et les ennuis de l’école seront impuissants à faire disparaître de leur cerveau les souvenirs de la libre nature. Que le collégien sorti de la prison, sceptique et blasé, apprenne à suivre le bord des ruisseaux, qu’il contemple les remous, qu’il écarte les feuilles ou soulève les pierres pour voir jaillir l’eau des petites sources, et bientôt il sera redevenu simple de cœur, jovial et candide."
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L’histoire d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini. Ces gouttelettes qui scintillent ont traversé le granit, le calcaire et l’argile ; elles ont été neige sur la froide montagne, molécule de vapeur dans la nuée, blanche écume sur la crête des flots ; le soleil, dans sa course journalière, les a fait resplendir des reflets les plus éclatants ; la pâle lumière de la lune les a vaguement irisées ; la foudre en a fait de l’hydrogène et de l’oxygène, puis d’un nouveau choc a fait ruisseler en eau ces éléments primitifs. Tous les agents de l’atmosphère et de l’espace, toutes les forces cosmiques ont travaillé de concert à modifier incessamment l’aspect et la position de la gouttelette imperceptible ; elle aussi est un monde comme les astres énormes qui roulent dans les cieux, et son orbite se développe de cycle en cycle par un mouvement sans repos. Toutefois notre regard n’est point assez vaste pour embrasser dans son ensemble le circuit de la goutte, et nous nous bornons à la suivre dans ses détours et ses chutes depuis son apparition dans la source jusqu’à son mélange avec l’eau du grand fleuve ou de l’océan.

Chapitre I, La Source
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Descendant, descendant toujours, le ruisseau, qui grossit incessamment, devient aussi plus tapageur : près de la source, il murmurait à peine ; même, en certains endroits, il fallait coller son oreille contre terre pour entendre le frémissement de l’eau contre ses rives et la plainte des brins d’herbe froissés ; mais voici que le petit courant parle d’une voix claire, puis il se fait bruyant, et quand il bondit en rapides, et s’élance en cascatelles, son fracas réveille déjà les échos des roches et de la forêt. Plus bas encore, ses cascades s’écroulent avec un bruit tonnant, et même dans les parties de son cours où son lit est presque horizontal le ruisseau mugit et gronde contre les saillies des berges et du fond. Il ne poussait d’abord que de petits grains de sable ; puis, devenu plus vigoureux, il mettait en mouvement les cailloux ; maintenant il roule dans son lit des blocs de pierre qui s’entrechoquent avec un sourd fracas, il mine à la base les parois de rocher qui le bordent, fait ébouler les terres et les pierrailles, et déracine parfois les arbre qui l’ombragent.

Ainsi, le filet liquide presque imperceptible s’est changé en ruisselet, puis en vrai ruisseau.

Chapitre III, Le Torrent de la montagne
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Le Bain
     
Bien plus agréable, je l’avoue, est le bain froid lorsqu’on le prend en plein été dans une vasque profonde du torrent où coulent les premières eaux du ruisseau, dans la gorge des montagnes. Le flot, qui paraît glacial, même au simple regard, est de la neige à peine fondue qui ne s’est point encore adoucie en absorbant de l’air en abondance ; elle garde toute sa crudité première, et sa couleur d’un bleu dur a je ne sais quoi d’hostile. D’avance on frémit ; toutefois, ce n’est pas seulement de frayeur, c’est aussi de désir, et tout animé par la marche et la fatigue de l’ascension, on se jette avec volupté dans l’eau glacée. Les roches, les sables du fond brillent en jaune pâle à travers l’épaisse couche liquide ; mais en quelques brassées, on se trouve déjà au-dessus de l’abîme ; l’eau transparente ressemble à de l’air condensé, et cependant on ne voit plus de fond ; on se croirait suspendu dans le vide et l’on nage avec précaution comme si tout à coup on devait s’engouffrer. Puis le froid vous saisit, vous étreint de plus en plus et d’un élan vous allez rejoindre la rive pour rappeler en vous la chaleur de la vie et jouir de votre vigueur accrue.
...
C’est en été, pendant les tièdes journées où l’air est immobile, qu’il est agréable de se faire triton. D’ailleurs, il n’est pas indispensable d’avoir douze ou quinze ans pour s’ébattre avec bonheur dans l’eau comme dans son élément ; chacun de nous, si les conventions et les faussetés de la vie ne l’ont pas entièrement corrompu, peut retrouver les joies de sa jeunesse en laissant ses habits sur la berge.
...
Quelle joie de m’asseoir sur une pierre au-dessous de la nappe de la cascade, de sentir les flots ruisseler sur moi comme sur un rocher et de me voir disparaître sous un manteau d’écume !
     
(Chapitre XIII, extraits)
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Chose admirable et qui m’enchante toujours ! ce ruisselet est pauvre et intermittent ; mais son action géologique n’en est pas moins grande ; elle est d’autant plus puissante relativement que l’eau coule en plus faible quantité. C’est le mince filet liquide qui a creusé l’énorme fosse, qui s’est ouvert ces entailles profondes à travers l’argile et la roche dure, qui a sculpté les degrés de ces cascatelles, et, par l’éboulement des terres, a formé ces larges cirques dans les berges. C’est aussi lui qui entretient cette riche végétation de mousses, d’herbes, d’arbustes et de grands arbres. Est-il un Mississippi, un fleuve des Amazones qui proportionnellement à sa masse d’eau, accomplisse à la surface de la terre la millième partie de ce travail ? Si les rivières puissantes étaient les égales en force du ruisselet temporaire, elles raseraient des chaînes de montagnes, se creuseraient des abîmes de plusieurs milliers de mètres de profondeur, nourriraient des forêts dont les cimes iraient se balancer jusque dans les couches supérieures de l’air. C’est précisément dans ses plus petites retraites que la nature montre le mieux sa grandeur. Étendu sur un tapis de mousse, entre deux racines qui me servent d’appui, je contemple avec admiration ces hautes berges, ces défilés, ces cirques, ces gradins et la sombre voûte de feuillage qui me racontent avec tant d’éloquence l’œuvre grandiose de la goutte d’eau.
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L’histoire d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini. Ces gouttelettes qui scintillent ont traversé le granit, le calcaire et l’argile ; elles ont été neige sur la froide montagne, molécule de vapeur dans la nuée, blanche écume sur la crête des flots ; le soleil, dans sa course journalière, les a fait resplendir des reflets les plus éclatants ; la pâle lumière de la lune les a vaguement irisées ; la foudre en a fait de l’hydrogène et de l’oxygène, puis d’un nouveau choc a fait ruisseler en eau des éléments primitifs. Tous les agents de l’atmosphère et de l’espace, toutes les forces cosmiques ont travaillé de concert à modifier incessamment l’aspect et la position de la gouttelette imperceptible ; elle aussi est un monde comme les astres énormes qui roulent dans les cieux, et son orbite se développe de cycle en cycle par un mouvement sans repos.
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Numa Pompilius, nous dit la légende romaine, avait pour conseillère la nymphe Égérie. Seul, il pénétrait dans les profondeurs des bois, sous l’ombrage mystérieux des chênes ; il s’approchait avec confiance de la grotte sacrée, et pour sa vue, l’eau pure de la cascade, à la robe ourlée d’écume, au voile flottant de vapeurs irisées, prenait l’aspect d’une femme belle entre toutes et souriante d’amour. Il lui parlait comme un égal, lui, le chétif mortel, et la nymphe répondait d’une voix cristalline, à laquelle le murmure du feuillage et tous les bruits de la forêt se mêlaient comme un chœur lointain. C’est ainsi que le législateur apprenait la sagesse. Nul vieillard à la barbe blanchie n’eût su prononcer des paroles semblables à celles qui tombaient des lèvres de la nymphe, immortelle et toujours jeune.
Que nous dit cette légende, sinon que la nature seule, et non pas le tumulte des foules, peut nous initier à la vérité ; que pour scruter les mystères de la science il est bon de se retirer dans la solitude et de développer son intelligence par la réflexion ? Numa Pompilius, Égérie ne sont que des noms symboliques, résumant toute une période de l’histoire du peuple romain aussi bien que de chaque société naissante : c’est aux nymphes, ou, pour mieux dire, c’est aux sources, aux forêts, aux montagnes, qu’à l’origine de toute civilisation les hommes ont dû leurs mœurs et leurs lois. Et quand bien même il serait vrai que la discrète nature eût pu ainsi donner des conseils aux législateurs, transformés bientôt en oppresseurs de l’humanité, combien plus n’a-t-elle pas fait en faveur des souffrants de la terre, pour leur rendre le courage, les consoler dans leurs heures d’amertume, leur donner une force nouvelle dans la grande bataille de la vie ! Si les opprimés n’avaient pu retremper leur énergie et se refaire une âme par la contemplation de la terre et de ses grands paysages, depuis longtemps déjà l’initiative et l’audace eussent été complètement étouffées. Toutes les têtes se seraient courbées sous la main de quelques despotes, toutes les intelligences seraient restées prises dans un indestructible réseau de subtilités et de mensonges.
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Aussi bien que l'homme considéré isolément, la société prise dans son ensemble peut être comparée à l'eau qui s'écoule. A toute heure, à tout instant, un corps humain, simple mille millionième de l'humanité, s'affaisse et se dissout, tandis que sur un autre point du globe un enfant sort de l'immensité des choses, ouvre son regard à la lumière et devient un être pensant. De même que dans une plaine tous les grains de sable et tous les globules d'argile ont été roulés par le fleuve et disposés sur ses rives, de même toute la poussière qui recouvre le globe a coulé avec le sang du cœur dans les artères de nos ancêtres. D'âge en âge, les générations se succèdent en se modifiant peu à peu : les barbares à la figure bestiale et luttant pour la prééminence avec les animaux féroces sont remplacés par des êtres plus intelligents, auxquels l'expérience et l'étude de la nature ont enseigné l'art d'élever les animaux et de cultiver la terre ; puis, de progrès en progrès, les hommes arrivent à fonder des villes, à transformer les matières premières, à échanger leurs produits, à se mettre en rapport d'une partie du monde à une autre partie ; ils se civilisent, c'est-à-dire leur type s'ennoblit, leur crâne devient plus vaste, leur pensée plus étendue, et d'un cercle de plus en plus large, les faits viennent se grouper dans leur esprit. Chaque génération qui périt est suivie par une génération différente, qui, à son tour, donne l'impulsion à d'autres multitudes. les peuples se mêlent aux peuples comme les ruisseaux aux ruisseaux, les rivières aux rivières ; tôt ou tard, ils ne formeront qu'une seule nation, de même que les eaux d'un même bassin finissent par se confondre en un seul fleuve. L'époque à laquelle tous ces courants humains se rejoindront n'est point encore venue : races et peuplades diverses, toujours attachées à la glèbe natale, ne se sont point reconnues sœurs ; mais elles se rapprochent de plus en plus ; chaque jour elles s'aiment davantage et, de concert, elles commencent à regarder vers un idéal commun de justice et de liberté. Les peuples, devenus intelligents, apprendront certainement à s'associer en une fédération libre ; l'humanité, jusqu'ici divisée en courants distincts, ne sera plus qu'un même fleuve, et, réunis en un seul flot, nous descendrons ensemble vers la grande mer où toutes les vies vont se perdre et se renouveler.
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L’histoire d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini. Ces gouttelettes qui scintillent ont traversé le granit, le calcaire et l’argile ; elles ont été neige sur la froide montagne, molécule de vapeur dans la nuée, blanche écume sur la crête des flots ; le soleil, dans sa course journalière, les a fait resplendir des reflets les plus éclatants ; la pâle lumière de la lune les a vaguement irisées ; la foudre en a fait de l’hydrogène et de l’oxygène, puis d’un nouveau choc a fait ruisseler en eau des éléments primitifs. Tous les agents de l’atmosphère et de l’espace, toutes les forces cosmiques ont travaillé de concert à modifier incessamment l’aspect et la position de la gouttelette imperceptible ; elle aussi est un monde comme les astres énormes qui roulent dans les cieux, et son orbite se développe de cycle en cycle par un mouvement sans repos.
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