Le livre qui parait aujourd'hui, je l'ai commencé, il y a bientôt quinze années, non dans le silence du cabinet, mais dans la libre nature. C'était en Irlande, au sommet d'un tertre qui commande les rapides du Shannon, ses flots tremblant sous la pression des eaux et le noir défilé d'arbres dans lequel le fleuve s'engouffre et disparaît après un brusque détour. Étendu sur l'herbe, à côté d'un débris de muraille qui fut autrefois un château fort et que les humbles plantes ont démoli pierre à pierre, je jouissais doucement de cet immense vie de choses qui se manifestait par le jeu de la lumière et des ombres, par le frémissement des arbres et le murmure de l'eau brisée contre les rocs. C'est là, dans ce site gracieux, que naquit en moi l'idée de raconter les phénomènes de la terre, et sans tarder, je crayonnai le plan de mon ouvrage. Les rayons obliques d'un soleil d'automne doraient ces premières pages en faisaient trembloter sur elles l'ombre bleuâtre d'un arbuste agité.