Des circonstances nées de la guerre m’ont amené à vivre à la campagne depuis 1920 et à m’intéresser à la vie locale de la bourgade que j’habite, puis, de proche en proche, à me demander comment pourraient être appliquées nos idées d’initiative individuelle et de liberté à la satisfaction des besoins de chacun dans une petite communauté. Étant admis que, de pays à pays, de région à région, les groupes humains ont des besoins différents, résultats de leurs activités différentes et liées elles-mêmes aux différences géographiques, il me semble pourtant possible d’esquisser à grands traits une organisation communale libertaire.
Devenir puissant, c'est exposer ses tares et les rendres incorrigibles; elles n'eussent pas porté à conséquence dans le monde des petites gens.
Devenir savant. C'est déjà beaucoup mieux, à condition que ce soit pas pour "se faire un nom", que l'on soit guidé par l'amour désintéressé de la recherche et des résultats scientifiques.
Devenir artiste. Dans ce domaine, la poursuite d'une individualité est généralement sans arrière-pensée. Et il est rare que l'artiste suscite les mauvais sentiments autour de lui, à moins qu'il ne soit parvenu dans les sphères académiques.
En résumé, l'égoïsme individuel est indispensable à quiconque possède un cerveau, mais il ne sera exaucé et de jouissance durable que s'il ne blesse pas les égoïsmes des alentours.