Citations sur Amours (184)
Certes, Céleste a porté l'enfant, et il n'est pas très fier d'avoir trompé Victoire,mais les hommes ont des besoins que les femmes n'ont pas, tout le monde le sait ! Et puis, il l'a trompée avec une bonne, pas avec une autre femme !
p.175 "Ma petite, cette bonne t'a attirée dans le péché. Dieu te pardonnera, mais il faut que tu te reprennes !
- Pourquoi n'aurais-je pas droit au bonheur ?
- C'est le diable qui t'aveugle, Victoire !
...
- Victoire, cette femme t'entraîne dans une luxure infernale. Elève Adrien et rapproche-toi d'Anselme. Dieu vous a punis, il vous guidera vers le bonheur.
- Mon père, je suis perdue...
...
- Ma petite, la vie est faite de tourments. Tu es prise dans l'un d'eux. Je sais que tu as la force de caractère suffisante pour t'en sortir. Ta foi en sera renforcée, ton foyer aussi. Quand tu regarderas en arrière, tu seras heureuse d'avoir vaincu le vice. Tu te demanderas comment il a pu ainsi te dévoyer.
- Vous avez raison, mon père, je vais me ressaisir."
p.88 "Maman, je suis bien heureuse. Je fais partie des femmes maintenant. Avant, j'étais dans l'attente, comme inachevée."
Céleste, plongée dans une multitude d'émotions inconnues jusque-là, réalise qu'elle a un corps. Cette decouverte est purement sensorielle. Aucune idée, aucun concept dans cela. Juste une certitude : ce corps est là, il embrasse la vie, la donne, l'insuffle. Il est d'une puissance vertigineuse. Ce corps toujours nié, uniquement utilisé pour les corvées de la vie courante - souvent celle des autres -, prend une dimension nouvelle.
Une femme libre? Mais, ma chérie, ne l'es-tu pas déjà? Ta liberté tient-elle à une robe?
Dans le vestibule qui le mène à son étude, Anselme croise Céleste, qui baisse aussitôt les yeux. Il ne la salue pas, elle n'existe pas. La bonne ne prend vie que de brefs instants. Tous les trois mois environ, quand une envie irrépressible le pousse à monter quatre à quatre les escaliers jusqu'à la petite chambre, jusqu'au petit lit en fer, pour serrer et tirer le chignon jusqu'à en jouir.
L'amour manquant, la tendresse inexistante, deux corps qui se pénètrent sans que leurs esprits s'attachent.
Sous les tuiles en ardoise de la maison bourgeoise, quatre personnes sont couchées, seul l'enfant dort. Les autres gardent les yeux grands ouverts. Chacun dans sa pièce, chacun dans sa solitude profonde, hanté par des rêves, des désirs, des espoirs qui ne se rencontrent pas, qui se cognent aux murs tapissés, aux taffetas noués d'embarras - métrages de tissu qui absorbent les soupirs pour n'en inspirer qu'un écho ouaté.
Quand on a vécu dans sa chair ce qu'il y a de plus obscur, on comprend bien qu'il faut choyer la lumière, aussi éphémère soit-elle.
Huguette, saisie par la beauté de cette musique, reste sur le pas de la porte avec le plateau. Elle écoute, et, surtout, elle remarque la gravité du visage de Victoire, complètement absorbée par la délicatesse avec laquelle les notes sortent de ses mains. Poser doucement la pulpe de ses doigts sur la touche, appuyer juste ce qu'il faut pour en avoir l'âme blessée. Juste assez pour, en plein jour et à l'intérieur de soi, ouvrir la porte de la chambre de Céleste, assez pour écouter le piano égrener leur histoire, les devancer, assez pour s'émouvoir d'avoir une âme si sensible, une âme qu'elle découvre à peine. Se laisser porter par le flot des triolets. Ces notes enfermées dans une partition depuis de si longues années et qui, aujourd'hui, la révèlent profondément.