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EAN : 9782246834793
234 pages
Grasset (16/08/2023)
3.72/5   285 notes
Résumé :
" Le Grand Feu, c'est celui qui m'anime, et me consume, lorsque je joue du violon et lorsque j'écris. " Léonor de Récondo En 1699, Ilaria Tagianotte naît dans une famille de marchands d'étoffes, à Venise. La ville a perdu de sa puissance, mais lui reste ses palais, ses nombreux théâtres, son carnaval qui dure six mois. C'est une période faste pour l'art et la musique, le violon en particulier. A peine âgée de quelques semaines, sa mère place la petite Ilaria à la Pi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (102) Voir plus Ajouter une critique
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Ilaria naît en 1699, dans une Venise à peine remise de la peste où « l'on s'aimait avant de mourir ». Ses parents Francesca et Giacomo Tagianotte, marchands d'étoffes, ont perdu trois de leurs enfants à la naissance. Alors, cette sixième fille qui leur arrive, Francesca l'a tout de suite su, elle la destine à chanter parmi les anges de la Pietà, pour que sa voix s'élève jusqu'au paradis. Ainsi commence le roman d'apprentissage musical et sentimental né de la double passion – le grand feu – de Léonor de Récondo pour le violon et l'écriture.


Financée par la République de Venise, la Pietà accueille des filles abandonnées à la naissance, parmi lesquelles se glissent quelques jeunes filles dont la riche famille peut financer la formation, pour en faire, sous l'égide des plus grands maîtres, des chanteuses et des musiciennes accomplies que l'on accourt écouter lors des concerts qu'elles donnent, cachées et tout de blanc vêtues, derrière les grilles de leur hospice. Lorsqu'Ilaria y grandit, le maître de violon et le compositeur principal de la Pietà est Vivaldi. C'est à son école qu'elle découvre, toute jeune, le grand feu qui ne cessera plus de l'habiter, cet « art qui se façonne dans une addition d'âmes » : la musique. Sa voix d'or à elle, ce sera celle de son violon.


Mais, alors qu'à ses rêves d'évasion, jusqu'ici circonscrits par sa réclusion à leur seule expression musicale, quelques sorties chaperonnées par la riche famille de son amie Prudenzia viennent donner une nouvelle forme, amoureuse cette fois, un autre feu s'allume, qui pourrait aussi bien nourrir le premier que la consumer tout entière. Ilaria a désormais quinze ans. Pour ses semblables sans appui familial, l'avenir est au couvent, sauf pour celles, assez rares, que l'exception de leurs talents permet de se produire à l'extérieur, et parfois, d'être demandées en mariage...


Dans cette Venise d'eau, elle-même enfiévrée six mois par an par la frénésie du carnaval, le roman d'apprentissage se fait incandescent. du feu de la musique à la passion amoureuse, d'une plume qui palpite et cascade en vagues musicales, Léonor de Recondo investit sa propre expérience, émotionnelle et sensorielle, et, jusqu'à son impressionnant bouquet final, nous enchante d'un récit habité, ardemment romanesque, féministe aussi. Quand la musique et l'écriture s'épousent si joliment, l'on ne résiste pas au feu de la lecture.

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* Manque d'étincelles *

Autant le dire tout de suite, ce Grand feu n'est pas celui qui va vous réchauffer et vous tenir éveillé par les longues nuits d'hiver. On a plutôt tendance à le lâcher, et ce n'est pas parce qu'il brûle.

Le grand feu retrace la vie d'Ilaria. Elle est née en 1699 à Venise. sa mère, en remerciement d'un bon accouchement la confie au Pio ospedale della pieta. Bref, à l'orphelinat. Ce n'est pas que sa maman était pauvre ou prostituée, non non, elle et son mari sont marchands de tissus et ont déjà deux autres filles. Ilaria grandira donc comme une recluse en connaissant pourtant ses parents. 1703, Antonio Vivaldi est engagé comme maitre de musique à la Piéta. Ilaria connaitra son premier grand feu dans l'apprentissage du violon.
elle se fait une copine, Prudenza et reçoit de temps à autre l'autorisation de sortir du couvent pour aller chez Prudenza. Là elle rencontre Paolo. Il deviendra un jour le second feu d'Ilaria. Paolo est fou d'elle, mais Paolo est aussi un homme d'armes. Leur amour explose quand ils auront 17 ans.

Ce roman avait tout pour faire un beau feu d'artifice ! Vivaldi à Venise, la délaissée, la recluse qui trouve l'amour, un soupçon d'homosexualité refoulée, et là, ça fait flop. Rien ne s'anime, rien n'éveille, rien ne titille notre intérêt. le grand feu ne fait pas d'étincelles.
C'est beau et très bien écrit, là dessus, rien à redire, la plume de Léonor de Recondo est esthétique à souhait. Mais le trop beau est parfois ennuyant.
Pas un défaut, pas une manie. La musique et Vivaldi sont sous-exploités.

Ce roman est aussi lisse qu'un billard botoxé. Un peu trop pour moi.




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Venise, 1699. La petite Ilaria naît dans une famille aisée de marchands d'étoffes. Quelques semaines après sa naissance, sa mère la confie à la Pietà, une institution publique qui recueille des fillettes abandonnées ou orphelines pour leur éviter la mort ou la prostitution, et qui accueille également, mais plus rarement, des filles issues de bonnes familles, telles Ilaria. La Pietà leur offre, moyennant une vie monacale et cloîtrée, un enseignement de très haut niveau en chant et en musique, qui donne lieu à des concerts très prisés des Vénitiens.
C'est dans ce contexte qu'Ilaria découvre et apprend le violon, auquel elle se donne corps et âme sous la direction d'Antonio Vivaldi, dont elle devient la copiste. Ilaria se consume pour la musique mais, à l'âge de 15 ans, c'est un autre grand feu qui prendra possession d'elle : l'Amour.
En ce qui me concerne, ce roman m'a intéressée par sa description du fonctionnement de la Pietà, dont je ne savais rien. Pour le reste, il s'agit donc d'une histoire d'amour tragique et follement romantique, qui ne m'a pas emballée. Trop de lyrisme dans l'écriture et des personnages trop exaltés (la naïveté et l'immaturité de Paolo frisent le ridicule) ont fait que je n'ai pas cru à cette histoire qui manque de subtilité et d'aspérités.

En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.

#Legrandfeu #NetGalleyFrance
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Francesca a décidé que sa troisième fille, si elle sort vivante de l'accouchement, sera confiée à la Pietà, une institution publique ayant vu le jour en 1345, afin qu'elle échappe au destin tout tracé des femmes, le mariage en particulier. Elle aime entendre chanter les jeunes filles dans le choeur, invisibles aux yeux de tous, lors des célébrations.

Un système de tourniquet permet aux mères de déposer leur bébé ; il s'agit souvent de bébés nés hors mariage, de prostitution ou de misère (la peste est aux portes) … En la confiant ainsi à l'institution, elle pense que Ilaria aura une meilleure vie, car la Pietà est réputée pour l'enseignement de la musique.

On va suivre le parcours de la petite Ilaria, à partir du jour où elle a été déposée à la Piéta, âgée de quelques semaines à peine. Les conditions de vie sont spartiates, la discipline règne en maître dans l'institution : pas de contact avec l'extérieur, à part les rares fois où Ilaria peut se rendre dans sa famille. Elle ne connaîtra que les murs dans lesquels elle est enfermée.

La nuit, elle a peur et se réfugie dans le lit d'une soeur, mais un jour le pot aux roses est découvert, et la sanction tombe : sa longue tresse est coupée, sommairement sous les rires des autres pensionnaires. Elle subit, jusqu'au jour, où Antonio Vivaldi décide de faire fabriquer des violons de plusieurs tailles et c'est une révélation. Ilaria n'a que huit ans et ne peut pas encore chanter mais l'instrument va devenir le centre de sa vie.

Elle vibre pour la musique, elle est le violon, elle est la musique. Peu à peu le Maître lui confira les partitions à recopier. Un jour, tout commence à basculer : Prudenza, qui vit à l'extérieur, vient prendre des cours de chant et l'amitié s'installe. Elle obtient la permission de se rendre chez son amie, et découvre, le monde extérieur, qu'elle ne connaît pas et fait la connaissance de Paolo, le frère de son amie. Ilaria, qui est déjà incandescente, et brûle au son de la musique, va littéralement s'embraser…

Léonor de Récondo nous offre ici un récit sensuel, rythmé par la musique le chant, on vibre avec Vivaldi et Ilaria, tout est volupté lorsque le violon s'élance. On s'exalte avec Ilaria découvrant la vie, l'amitié, l'amour, la liberté dont elle a été privée, mais aussi les déconvenues. Les relations entre Prudenza et ses parents sont très différentes de celles d'Ilaria avec sa propre famille, ses soeurs ainées se moquant d'elle, sa mère ne sachant pas lui prouver qu'elle l'aime ni lui expliquer pourquoi elle l'a confiée à la Pietà.

Elle rend hommage à Venise, dont on parcourt les canaux avec Ilaria pour aller chez son amie, ce qui permet une redécouverte à travers les yeux d'une adolescente, même si la belle cité a perdu de sa superbe d'autrefois. le rythme des mots et des émotions va crescendo, jusqu'à l'apothéose finale comme une partition du maître.

J'ai beaucoup aimé ce roman, c'est presque un coup de coeur, mais pas tout à fait, car j'ai mis du temps à entrer dans l'histoire, j'ai longtemps redouté que le récit devienne trop romanesque, mais en fait je me suis laissée prendre par la musique, découvrant un autre aspect de Vivaldi que j'aime beaucoup.

C'est toujours avec plaisir que je me précipite sur le dernier roman de Léonor de Récondo, depuis que je suis tombée sous le charme de « Pietra viva », j'aime sa manière de rendre hommage à l'Art, sa sensibilité. Elle m'a fait découvrir El Greco que je connaissais peu en racontant sa nuit au musée, il y a quelques temps déjà.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de l'auteure.

#Legrandfeu #NetGalleyFrance !
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Avec grâce et en musique, Leonor de Recondo nous transporte à la Sérénissime au début du XVIIIème siècle.

« C'est au petit matin du 31 mai 1699 qu'Ilaria naît » (incipit).

Elle est le sixième bébé du ménage, Francesca et Giacomo Tagianotte, prospères marchands de tissus. Ils ont déjà perdu trois bébés, il ne leur reste plus que deux filles.

Pour une raison nébuleuse, Francesca abandonne son bébé à La Pietà (hospice, orphelinat et conservatoire de musique de haut niveau). le maître de violon n'est autre qu'Antonio Vivaldi.

Ilaria n'a pas vraiment sa place à La Pietà car elle n'est ni orpheline, ni fille de patriciens. Ce statut ambigu va de pair avec une personnalité et des aptitudes musicales, bonnes mais sans relief. Elle a besoin d'amour, d'être réconfortée. Elle excelle comme copiste de Vivaldi.

Sa vie c'est sa passion dévorante pour Paolo, fils d'une puissante famille vénitienne.

Le grand feu fait feu de tout bois, feu de l'amour, flamme de la passion musicale, buisson ardent…

Leonor de Recondo construit une romance musicale historique très bien documentée où transcende sa passion pour la musique – elle est elle-même violoniste émérite, elle joue du violon depuis l'âge de cinq ans.

Le XVIIIème siècle scelle le déclin de Venise et l'emprise de l'empire ottoman.

Le Grand Feu fait écho avec « Éblouissante Venise », une exposition, sur Venise au XVIIIème siècle qui s'est tenue au Grand Palais de septembre 2018 au 21 janvier 2019, que j'ai adoré ! Je retranscris quelques extraits du dossier pédagogique (je sais que c'est très malhonnête, mais au moins je ne m'en cache pas !).

1703 : Peu de temps après être ordonné prêtre, Antonio Vivaldi (1678-1741), violoniste virtuose et compositeur, devient Maître de violon à l'hospice et conservatoire de musique, le Pio Ospedale della Pietà. 10 ans plus tard, il prend avec son père la direction du théâtre Sant'Angelo et sera Maître de chapelle à la cour du prince Philippe de Hesse-Darmstadt, gouverneur de Mantoue (1719).

1718 : La paix de Passarowitz entérine la perte par Venise de ses territoires en Méditerranée : les Ottomans reprennent le royaume de Morée (Péloponnèse) et les dernières possessions de la Cité des doges en Crète.

1725 : Édition à Amsterdam des Quatre Saisons de Vivaldi, composées quelques années auparavant.

La lecture me permet de m'adonner à l'histoire, ou tout au moins de l'intérioriser, car des leçons d'histoire de mes études secondaires, il ne m'en est rien resté !

Je ne savais rien de la vie de Vivaldi. Je complète mes connaissances avec Google, mon Dieu comment faisait-on avant Google ! Je recopie quelques informations que j'ai glanées.

Vivaldi était très connu de son vivant puis passé aux oubliettes, redécouvert avec Bach (1685-1750) (son contemporain) au début du XIXème siècle. Il connait son heure de gloire à partir de la 1ère moitié du XXème siècle.

Son poste de maître violoniste, à La Pietà, n'était pas à la hauteur de sa notoriété mais présentait l'avantage de lui permettre de disposer d'une main d'oeuvre compétente à faible coût.

On connait peu de choses de sa biographie, mais si qu'il était asthmatique et très nerveux.

« Vivaldi ne faisait rien pour passer inaperçu. Arguant de son handicap physique qui ne l'empêchait ni de mener une vie trépidante d'activité, ni d'entreprendre de longs et pénibles voyages, il ne se déplaçait « qu'en gondole ou en carrosse », accompagné dès cette époque d'une étonnante cohorte féminine. Ces dames, disait-il, connaissaient bien ses infirmités et lui étaient d'un grand secours. Leur présence à ses côtés alimentait aussi les rumeurs… »

« On rapporte sur Vivaldi cette anecdote singulière : disant un jour sa messe quotidienne, il lui vint une idée musicale dont il fut charmé ; dans l'émotion qu'elle lui donnait, il quitta sur-le-champ l'autel et se rendit à la sacristie pour écrire son thème puis il revint achever sa messe. Déféré à l'inquisition, il fut heureusement considéré comme un homme dont la tête n'était pas saine, et l'arrêt prononcé contre lui se borna à lui interdire la célébration de la messe. » (En 1706).

Le grand feu allie habilement histoire et fiction. C'est un roman qui se tient à lui tout seul. le contexte historique est bien intériorisé, il est accessoire mais non indispensable pour apprécier le récit. Je suis reconnaissante à Leonor de Recondo de ne pas abreuver son texte de références (comme par exemple dans "Veiller sur elle"). C'est reposant de pouvoir lire sans avoir constamment besoin de consulter Google !

Le style est de bonne facture XIXème. Leonor de Reconor nous transmet bien sa vibrante passion musicale et nous tient un discours enflammé.

« Ilaria se prend à rêver que ces deux heures pourraient être sa vie tout entière. Elle va prendre feu. Son violon va brûler, les tentures, le palais, tout va brûler. Elle n'est plus qu'une flamme vive, elle avec le ruban, l'habit blanc, ses tresses, une couronne incandescente. » p.66

« Avant de fermer les yeux pour l'écouter, Ilaria regarde ses cheveux couleur braise. Elle se demande si Venise est une ville d'eau parce que justement tout s'y enflamme. L'instant d'après, elle se laisse porter par la phrase suspendue du violon. » p.77

« Elle retourne le violon, regarde la table d'harmonie, approche son visage des cordes et souffle doucement à l'intérieur des ouïes. Son souffle résonne. Elle entend l'air qui s'infiltre comme dans un gros coquillage, comme le bruit du vent s'engouffre dans un escalier et vibre à l'appel de fenêtres ouvertes. Sa respiration parcourt les fibres. La respiration et les notes ne sont que du vent. » p.87

Le lyrisme déborde et les mots peinent à se cristalliser.

« Horde en suspens. Son coeur aux abois.
La nuit entière, les chiens, sur leurs appuis instables, attendront l'aube pour que l'amour du jeune homme se soumette à l'imparfaite loi des mots. Contours malhabiles d'un sentiment qui se transforme sans cesse, qui épouse les failles et les hostilités de son corps. » p. 150

Par-ci par-là, quelques réflexions philosophiques.

« La beauté, certains soirs, désarme la mélancolie. » p.52

L'arrière-grand-père de Paolo raconte son expérience du 21 août 1609 où il a pu, du haut du campanile de San Marco, regarder à travers une lunette astronomique.
« Je regardais à travers la lunette et en tendant le bras, je pouvais toucher Murano. »
[…]
"Si Dieu avait décidé de rendre l'homme à moitié aveugle, quelle vérité tentait-il de cacher ?"

Le thème du tissu est récurrent, en référence aux bouts de tissu bleu que Francesca coud dans les ourlets en guise de talisman, ou au ruban rouge égaré par Ilaria dont Paolo se ceint l'abdomen.

Merci Leonor de Recondo pour cette lecture mélomane et instructive, même si je regrette quelques excès de grandiloquence et de mélodrame.
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critiques presse (6)
LePoint
16 octobre 2023
Musique et passion dans la Sérénissime de Vivaldi : c’est « Le Grand Feu », un roman ardent de Léonor de Récondo, qui est aussi violoniste virtuose.
Lire la critique sur le site : LePoint
Actualitte
02 octobre 2023
Que ce soit dans la musique, dans l’amitié, dans l’amour, c’est une explosion réjouissante de cette passion totale, sans frein, éperdue, mais délicate, profonde, sincère, absolue, comme on n’en raconte plus guère.
Léonor de Réconda dépeint tout cela avec une grâce magique, une langue épurée, ciselée, choisie.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LaLibreBelgique
21 septembre 2023
"Le grand feu", [...] roman de la violoniste et écrivaine française Léonor de Récondo, est traversé par la passion, sans peur du romantisme.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
15 septembre 2023
La romancière évoque pour la première fois sa passion pour la musique à travers l’histoire d’une jeune violoniste dans la Sérénissime baroque.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
05 septembre 2023
Emois chantant avec Vivaldi dans la Sérénissime baroque. L’écrivaine et musicienne allie ses deux talents dans un nouveau roman incandescent.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeMonde
01 septembre 2023
Parti d’une écriture laconique qui convenait à une petite fille intrépide et rebelle, ce roman magnifique se clôt avec l’intensité flamboyante d’un « dramma per musica ».
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
C’est au petit matin du 31 mai 1699 qu’Ilaria naît. La sixième de la fratrie à pointer son minuscule corps, parfaitement formé, doigts, orteils, jambes et bras, ventre et organes, tout y est, chevelure et crâne bombé.
Francesca est assise sur un grand fauteuil, bassine et linges attendent leur heure. Elle connaît la douleur, la patience éprouvée, l’étau qui se serre et se desserre, la soif et le vertige.
Il fait chaud déjà, humide à Venise, après une semaine d’averses inexpliquées. Cette pluie augure d’une naissance heureuse, lui a-t-on dit. Un signe d’eau comme la ville, un signe de flottement. Un doux flottement, elle saura naviguer. Elle attend une fille, le pressent.

Giacomo est allé chercher Bianca. Entre les barreaux de fer, il a frappé au carreau de la grande bâtisse en pierre de la Pietà. Au rez-de-chaussée, Bianca est là, gardienne, portière, vigile des lourds battants de bois et de leur imposant verrou. Elle ne décide pas de qui a le droit de séjourner dans l’institution, mais chaque enfant passe par elle. De ses mains tendres, elle les a toutes touchées, en langes ou robe, c’est elle qui les rassure et les conduit jusqu’à la Prieure.
Giacomo est serein. Il lui dit, viens, c’est pour ce matin. C’est la sixième fois que je serai père. Il pense aux risques d’hémorragie, à tout ce qui pourrait advenir, sans que ça n’entame sa joie.
Depuis une quinzaine de jours, il prie matin et soir. Oui, pour matines et vêpres à San Giovanni in Bragora. Avant chaque naissance, il devient assidu, plein de sa foi, implorant à genoux que le corps ne soit pas malformé ou le cordon enroulé.

La petite porte de la Pietà, découpée dans l’un des immenses battants, s’ouvre. Il entend les gonds grincer, puis le claquement sourd lorsqu’elle se referme. Bianca est devant lui, son fichu en coton blanc de travers. Elle le regarde en souriant.
Mais tu ne t’es pas peignée pour accoucher ta cousine ?
Elle éclate de rire.
Elle pourra s’accrocher à mes cheveux sans avoir peur de me décoiffer ! Et puis, l’enfant à naître, on espère bien qu’il sera coiffé, lui…

La barque attend sur le minuscule canal.
Giacomo l’aide à monter, elle est chargée de son panier. Il rame d’un côté, de l’autre, il est pressé. Sa femme, ses filles, les siens, sa famille, et bientôt, cette autre enfant…
Un court instant, il prend le temps de regarder le ciel. Un beau début de bleu, étroit entre les édifices, un bleu après la pluie qui présage du meilleur. Un début de bleu qui s’échoue dans l’eau, qui se trempe de lagune, se rince de la nuit, se faufile entre briques et marbres, une aube nouvelle, une naissance, dans l’insouciance, dans l’ignorance qu’Ilaria va bientôt pointer le bout de sa chair.
Sans accroc, pleine de son cri à venir, vie immergée depuis neuf mois, au chaud du placenta, cellules patiemment assemblées, se démultipliant, se frottant, s’exerçant à fonder une matière neuve, des bras, un œil, deux yeux, poumons et cœur ; un cœur qui bat, dans cette Venise endormie, indifférente au miracle, un cœur à venir, un cœur pour mourir.
Épidémies, joies, inquisition, secrets, éblouissements d’eau et de feu, le petit cœur vivra son temps, traversé d’appréhensions et gonflé de bonheurs, oublieux, lâche et parfois courageux, mais toujours régulier à battre la mesure de la vie d’Ilaria, dont Giacomo ne sait pas encore le prénom, ne connaît pas encore le fin duvet qui recouvre ses bras, ses yeux écarquillés, ni le long cri qui éveille une vie entière, une ville et sa lagune, nuées de corbeaux et de cormorans, au petit matin.
Giacomo a accosté. Dans l’escalier qui monte de la boutique à la chambre, Bianca sur ses talons, il se presse, on arrive, on est là, tesoro, tiens bon !
Il s’adresse à Francesca qui les attend, son trésor, son joyau, il lui répète, mon joyau, au milieu des montagnes de soie, mon joyau. Et quand, en entrant dans la pièce, il pose le pied sur les tomettes de terre cuite irrégulières, quand Bianca manque de trébucher sur l’une d’elles, entre deux grimaces de souffrance, Francesca leur dit, c’est pour bientôt.
Bianca sort de son panier, cachée au milieu du linge, une petite statuette en bois de la Madone, son porte-bonheur avant chaque naissance. Elle fiche Giacomo dehors, demande à Francesca de s’allonger sur le lit, puis installe les brocs d’eau, une fiole de vinaigre et une de grappa à proximité, laisse la longue pince en fer hors de vue au fond du panier.
Francesca souffle, se raidit, se cambre. Et Bianca, comme elle l’a toujours fait, comme le lui a appris sa propre mère, s’assoit derrière sa cousine sur le lit, jambes repliées contre ses flancs, lui caresse le ventre qui se tend et se détend. Elle chuchote à l’oreille de Francesca en sueur, l’encourage, la guide tout en poussant l’enfant, l’extirpant de la béatitude maternelle, à travers le canal étroit, vers la lumière. Bianca voit ce canal à l’image de la ville d’eau. Elle dit, c’est maintenant, on y est, c’est maintenant.
Et Francesca, dans ses mains incrédules, accueille pour la sixième fois un enfant.
Parfaite, elle est parfaite, avec une magnifique tache de vin sur la cuisse, lui murmure Bianca. Comme la tienne.

Quelques mois plus tôt, Francesca et Giacomo étaient allés écouter une messe chantée à la Pietà. Un office de Pâques. Respirant le parfum mélangé d’encens et de suie des cierges, tandis que s’élevait le chœur des jeunes filles cachées derrière les grilles de fer de la tribune en marbre, Francesca touchait son ventre rebondi. Elle caressait le petit être à venir, tout en lui murmurant : si tu es une fille, tu chanteras avec elles.
Dans une soudaine exaltation, liant concert et liturgie, confondant ces voix célestes avec ses propres désirs, elle avait pris la main de Giacomo. Plus tard, elle lui dirait que leur enfant, leur sixième à venir, chanterait parmi ces anges.
Pénétrée par la musique, elle se revoyait adolescente. Quand sa mère l’avait emmenée à Venise, depuis Padoue. Elles devaient acheter du tissu pour la robe de fiançailles d’une de ses sœurs. On leur avait indiqué la boutique des Tagianotte, près de la Pietà.

En une seule phrase, le destin de Francesca s’était joué.

Sous les longs rayonnages de bois sombre, Giacomo avait déplié et déployé les fastueux métrages, sans jamais cesser de regarder cette jeune fille silencieuse.
Dans l’étroite boutique où les étagères débordaient de couleurs, Giacomo et la mère avaient longuement débattu de la qualité des tissus, hésité entre plusieurs pièces, avant de sortir pour en examiner une à la lumière du jour. Rien de mieux pour juger de la couleur, avait-il dit.
La jeune fille les avait suivis et Giacomo s’était émerveillé du reflet bleu de l’étoffe sur le cou de Francesca. Dans un élan soudain, il lui avait donné une longueur supplémentaire de soie.
C’est pour vous, avait-il dit en la lui tendant. C’est pour vous afin que ce bleu ne vous quitte plus.
Et Francesca, dans son insouciance adolescente, avait commencé de murmurer : la joie la soie, la joie la soie.
Elles étaient revenues le lendemain et quelques semaines plus tard, Giacomo avait fait sa demande, aussitôt acceptée.
Dans l’attente des noces, entre Padoue et Venise, Francesca avait cousu toute la doublure de sa robe de mariée de ce bleu originel. Un bleu plus profond que celui de la lagune sous le soleil, un bleu qui s’imbibe d’orage une nuit de Saint-Jean ; un geste superstitieux qui n’avait rien de frivole, au plus près de son âme, de son corps chaste, la promesse de leur amour, elle en était convaincue.
Depuis, ce bleu l’accompagnait dans chaque moment important de sa vie, à la vue ou à l’insu des autres. À chaque baptême, un peu de cette soie, dans les trois minuscules cercueils de ses enfants mort-nés, un linceul bleu.
Giacomo se moquait de cette manie. Tu ne comprends pas, lui répondait-elle toujours, tu ne vois pas qu’à l’intérieur, je suis de cette couleur.

Peu avant le terme, Francesca était allée voir Bianca pour lui dire, je voudrais que la petite entre à la Pietà.
Bianca l’avait aussitôt interrompue, attends de voir si elle vit, celle-là ! On ne sait jamais… Le destin des enfants est si fragile.
Et le nôtre, Bianca ? Et le nôtre ? avait répondu Francesca soudain furieuse. C’est exactement pour ça qu’elle doit être élevée ici !
Chacun à Venise avait des proches contaminés par la peste. Comment oublier la danse incessante des corps déformés et des cercueils ?
Sur la lagune, les morts et les naissances rivalisaient en nombre. Sur la lagune, on s’aimait avant de mourir, on priait avant de se désoler ; on luttait comme on pouvait contre l’inéluctable.

Francesca était persuadée que sa sixième vivrait et qu’elle chanterait. Je viendrai l’écouter ici, elle sera cachée derrière les grilles de fer, je ne pourrai pas la voir mais elle grandira en apprenant la musique, sans être obligée de couper et découper les métrages d’étoffes, de compter et recompter les sequins. Hors de question. Ilaria vivrait en s’élevant.
Alors, je pourrai bien entrer dans la danse des morts, insista Francesca auprès de sa cousine. Je pourrai mourir pour de bon, puisque la voix de ma fille sera déjà au paradis.
Bianca ne promit rien. Seules les orphelines trouvaient place au sein de la Pietà, ou bien des filles de parents assez riches pour payer les cours de musique.
J’en parlerai à la Prieure, avait-elle seulement répondu.
Et sans attendre l’avis de Giacomo, Francesca jura que la famille s’engagerait à fournir à l’institution les tissus nécessaires aux habits des plus pauvres. Bianca la regarda, interloquée, puis se mit à rire, mais elles sont 867 aujourd’hui !
Dis-lui qu’on donnera ce qu’il faut pour que la petite chante.
L’imparable argument de Francesca avait rapidement convaincu la Prieure.
Si la petite vit, nous l’accueillerons dès son troisième mois.

Et ainsi, soies et lins blancs permirent à Ilaria d’entrer en musique comme elle aurait pu entrer au couvent. À l’Assomption 1699, le nourrisson, un m
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La tragédie n'est pas la mort, mais ce que l'on fait du souvenir.
Il n'y a pas d'absence, il y a la présence de ces femmes autour de lui qui le portent. Et Paolo, illuminé par cette compagnie venue de loin, Paolo, dans un dernier effort, invite Ilaria à entrer.
Ilariamore de tout son long s'allonge sur lui, à la fois linceul et voile nuptial. Il sent sou cœur à elle cogner; du sien elle n'entend rien. Jambes contre jambes, torse contre torse, bouche contre bouche. Chaleur tendre des lèvres qui aspirent le souffle.
Sous les étoiles, aux confins de l'aube, quand tous auront disparu, quand ne restera ni feu, ni présence, seule la douceur d'un corps sur l'autre, quand il ne s'agira plus de regards, ni d'aucune chair, mais de cet infime espace encore vivant, alors d'une bouche à l'autre, Ilaria, allongée sur la fièvre de Paolo, emportera entre ses lèvres, son dernier souffle.
Leur dernier baiser.
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C’est dans le son qu’elle déclare son amour, qu’elle le déclame ; une exaltation du corps qu’elle ne trouve nulle part ailleurs que dans l’archet sur la corde. La vibration ondulante. Point de poèmes, point de mots assez beaux pour exprimer cette intensité-là. Parfois, en répétitions, quand son corps parfaitement aligné avec son âme, sans aucune tension, dans une joie profonde, parvient à jouer, quand l’onde circule lentement, elle se dit, j’y suis. Je deviens la respiration du monde. 
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Quand elle joue avec Antonio et qu'ensemble ils montent dans les aigus du violon, d'une table d'harmonie à l'autre, d'une corde à l'autre, archers synchrones, accords parfaits, demi-cadences, improvisations, elle puise désormais ses forces à la racine d'une ineffable oscillation, puissante et vivante, celle de l'amour qui se méle à celle du son.
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Et ce largo, territoire qu'elle arpente chaque jour, connaissant chaque note, retournement, accord, liaison et soupir, devient un autre lieu, une chapelle, dalles de pierres et marqueterie de marbres colorés ; chapelle perdue sur la colline, beauté inattendue dans la verdure nimbée d'une lumière chatoyante. Quand Ilaria y entre timidement, soudain l'invitée d'un endroit qu'elle croyait connaître, quand après les premières mesures, elle prend de l'assurance, la chapelle devient un lieu-dit de son esprit dans lequel elle pourra revenir à sa guise. Un espace intérieur qu'elle découvre et son imagination grandit d'autant.
Elle ne savait pas que son corps était capable d'émettre une telle sonorité. Avant, son imaginaire la guidait, maintenant, c'est le violon. Elle se souvient alors des mots d'Antonio : un monde qui s'ouvre.

p.88
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