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EAN : 9782070771196
128 pages
Gallimard (28/10/2004)
3.83/5   3 notes
Résumé :
Cet ensemble réunit des poèmes écrits (ou qui parfois ont résolu de l'être) durant une période de cinq ans. Il aurait été possible de les regrouper par thèmes, comme autant de clubs où se seraient retrouvés entre eux élégiaques ou spéculatifs, itinérants ou nostalgiques, anecdotiques, frivoles Mais le plus souvent, ces thèmes, les poèmes les mélangent_ et chacun a son quant-à-soi On les a donc laissés à leur désordre, c'est à dire dans l'ordre chronologique où se so... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
poésie prenante et pensante
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Elégie de la petite gare


Extrait 2/2

Oui, c’est là que je veux attendre. Et si tu ne viens pas,
Dans les traces du soir muet j’irai mettre mes pas.
Je l’accompagnerai le long des plates avenues
Qui cherchent le centre et n’y sont encore parvenues
Que par hasard après des virages et des détours
Par les ronds- points fleuris déroutants pour les carrefours
Où l’abribus toujours désert lui-même se résigne.
Un boulevard d’arbres chétifs retrouvera la ligne
Du chemin de fer, et j’aurai manqué le dernier train.
Alors j’attendrai de nouveau : demain, après-demain.
C’est très facile, dans ces lieux qui n’existent qu’à peine.
Pour quelqu’un qui n’existe plus, ou si peu. La semaine,
Les mois puis les ans passeront et, lorsque tu viendras,
Je sais qu’en transparence enfin tu me reconnaîtras.
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Le soir, rue de la Duée


À cinq heures du soir, l’hiver, un dimanche muet
Retenait un peu de lumière aux angles des façades
Et, sous un coup de vent tournant autour des palissades,
Quelque chose ‒ un vieux sac, un journal, un chat – remuait.

Je marchais sans bruit par la rue obscure, sous la chiche
Clarté de carreaux fascinés par l’ombre ou les plafonds,
Vers la lueur encore plus avare d’une friche
Où les arbres avaient massé leurs entrelacs profonds.

Quelques êtres humains passaient, on eût dit en pantoufles,
Parlant mais comme on fait pour soi ‒ des vieilles gens, des Noirs :
On le voyait à la buée hâtive de leurs souffles.
Puis je restai seul un moment entre les deux trottoirs.

Et je perçus alors – mais d’où venu, de quelle branche
Perdue au fond de l’épaisseur – comme un roucoulement
Très faible d’un merle invisible, et déjà s’alarmant
De ma présence dans la nuit de décembre, un dimanche.
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Un poète, le soir, doit_s'il est vigilant_
Déposer sur sa table un peu de papier blanc,
Un crayon bien taillé, de l'encre, un porte-plume,Il se peut en effet qu'un semblable posthume
Vienne rôder ici la nuit, désemparé
De n'avoir pu depuis longtemps persévérer
Dans ce qui fut jadis sa raison d'être même.
Et, sinon composer d'un seul jet un poème,
Au moins, avec cet outillage qu'il connaît,
Un distique, une strophe, un début de sonnet.
Mais comment retrouver la démarche de crabe
Qui nous fait aligner, de syllabe en syllabe,
Sur la page docile un va-et-vient de vers,
Alors que sa main fuit ou mène de travers
L'instrument familier dont il n'a plus l'usage ?
Le miroir du papier vierge le dévisage :
Il se voit transparent et, fantôme recru,
Ne saurait soulever une plume. Il a cru
Pouvoir laisser la trace humble de sa visite.
Or, rien n'a dérangé l'ordre qu'il parasite
À peine de son ombre (une ombre n'en a pas).
Il repart sans entendre où l'entraînent ses pas.
Mais si, le lendemain, le poète se penche
De nouveau sur la feuille et la trouve aussi blanche,
Qu'il ne s'étonne pas de la facilité
Soudaine avec laquelle un poème buté
Dans son mutisme enfin lui donne la réplique
Comme s'il émanait d'une encre sympathique.
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Complainte du vieux poteau ‒ Extrait 2


Aussi gris maintenant qu’un vieux poteau télégraphique
[…]

Qu’ai-je donc entendu, quand j’avais une bonne oreille,
Monter dans mes fibres depuis la terre des talus ;
Quelle monotone chanson mais sincère et pareille
À celle que chuchote l’herbe et qu’on n’écoute plus ?

Arrêtez-vous quand même un peu, cons d’automobilistes
Toujours pressés, posez la main un instant sur mon fût
Et puis une joue à l’endroit où le bois resté lisse
Tremble : voyez, si je suis sourd, je demeure à l’affût

De l’espace où mon fil souple encore qui se balance
Mesure une montagne et pèse un nuage, un oiseau.
Je vais m’enraciner à la longue dans le silence
Mais reverdir peut-être à la prochaine floraison.

p.10
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Complainte du vieux poteau ‒ Extrait 1


Aussi gris maintenant qu’un vieux poteau télégraphique
En bois, je me tords, me fendille et vais devenir sourd.
Je n’entends déjà plus en moi le chant béatifique
Qui fait bourdonner le béton même, comme d’amour.

C’était la musique du vent aux longs accords sévères
Et je vibrais comme son juste et pur diapason ;
N’était-ce pas aussi parfois la musique des sphères,
La nuit sous le plectre lunaire et la démangeaison

Féroce des étoiles ? – Mais, en vérité : musique ?
Alors que tout détone, éclate, improvise son jazz
À travers la supernova, le trou noir aphasique,
L’amas nébuleux où l’amour naît d’un excès des gaz ? …

p.9
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Videos de Jacques Réda (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Réda
Jacques Réda Quel avenir pour la cavalerie ?
Rencontre animée par Alexandre Prieux
La poésie serait-elle une guerre ? le vers, le corps d'élite de la langue ? En retraçant l'histoire de notre prosodie, Jacques Réda dévoile les processus de transformation du français, aussi inéluctables que ceux de la physique. Où les poètes sont les exécutants plus ou moins conscients d'un mouvement naturel. du Roman d'Alexandre à Armen Lubin, en passant par Delille, Hugo, Rimbaud, Claudel, Apollinaire, Cendrars et Dadelsen, Jacques Réda promène son oeil expert sur des oeuvres emblématiques, et parfois méconnues, de notre littérature. Inspirée et alerte, sa plume sait malaxer comme nulle autre la glaise des poèmes pour y dénicher les filons les plus précieux. À la fois leçon de lecture et d'écriture, et essai aux résonances métaphysiques, Quel avenir pour la cavalerie ? constitue la « Lettre à un jeune poète » de Jacques Réda, et le sommet de sa réflexion poétique.

À lire – Jacques Réda, Quel avenir pour la cavalerie ? – Une histoire naturelle du vers français, Buchet/Chastel, 2019.
Le jeudi 28 novembre 2019 à 19h
+ Lire la suite
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