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EAN : 9782283033494
250 pages
Buchet-Chastel (17/10/2019)
4.4/5   5 notes
Résumé :
La poésie serait-elle une guerre ? Le vers, le corps d’élite de la langue ? En retraçant l’histoire de notre prosodie, Jacques Réda dévoile les processus de transformation du français aussi inéluctables que ceux de la physique. Où les poètes sont les exécutants plus ou moins conscients d’un mouvement naturel.Du Roman d’Alexandre à Armen Lubin, en passant par Delille, Hugo, Rimbaud, Claudel, Apollinaire, Cendrars et Dadelsen, Jacques Réda promène son œil expert sur d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Quand Jacques Réda évoque la langue française, c'est une merveille d'intelligence et d'écriture.
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Une somptueuse histoire personnelle de l'usage du vers dans la poésie française, sous le signe de la fonction, du sens et du rythme.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/05/04/note-de-lecture-quel-avenir-pour-la-cavalerie-jacques-reda/
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Or, à quelque moment que l’on décide de la « grandeur » d’un poète, la cause déterminante de cette élévation est due à l’émetteur, soit en la circonstance une émettrice : la langue qui, sans répit évoluant, adopte en quelque sorte ceux qu’elle juge les plus aptes à traduire, dans leurs vers, les décisions qu’elle a été amenée à prendre pour assurer sa continuité, sa prospérité, son confort, sa gloire, son plaisir. En échange, elle leur accorde le privilège d’attacher leur nom à ses initiatives, si bien que l’histoire de la poésie, française ou autre, se présente comme une constellation de plus en plus fourmillante et dont chaque nouvel astre, engendré par l’ensemble de ceux qui le précèdent, marque une étape, certains des plus anciens n’émettant souvent plus qu’une lumière fossile et imperceptible à l’œil nu.
On pourrait ainsi regarder le bazar hétéroclite du Roman d’Alexandre, enrichi tout au long de trois siècles par divers auteurs dont on ne connaît pas beaucoup plus que le nom (sans compter ceux qui sont restés dans l’ombre), comme une image et une préfiguration du roman de la poésie française écrit par la multitude de personnages qu’elle a inventés au fur et à mesure pour en signer les péripéties.
Quelques-unes semblent pourtant correspondre à des temps morts où peut-être elle se reposait, où son activité en tout cas paraît avoir tourné à vide. Et ce fut le malheur de notre XVIIIe siècle, aussi surabondant en vers que tous les précédents, mais réputé le plus chiche en substance spécifiquement poétique. Ce propos est-il solidement fondé ?
On peut s’en assurer en consultant l’ouvrage que Jean Roudaut a publié voici près de cinquante ans et qui, sans doute à cause du discrédit dont pâtissent ces auteurs depuis deux siècles, n’a pas été réimprimé. Poètes et grammairiens au XVIIIe siècle (Gallimard, 1971) est en effet une anthologie sobrement et pertinemment commentée, et dont les deux parties se complètent, la première dégageant un des traits les plus particuliers de cette poésie en vérité « maudite ». Soit ce en quoi elle renoue avec la floraison profuse, à la Renaissance, d’une poésie (bien sûr en vers) que, plutôt que « scientifique », il conviendrait d’appeler « du savoir » ou « didactique », la notion de science s’appliquant aujourd’hui à des domaines fort éloignés de celle qui se consacre à l’étude des états divers de la matière palpable. En ce sens, les passages du Roman d’Alexandre qui rapportent la biographie de cet empereur ou qui décrivent des flores et des faunes exotiques relèvent déjà, en dépit de leur extravagance, de la science de l’histoire ou des sciences naturelles. Le poème de Lucrèce demeure à cet égard fondateur.
Mais, comme je l’ai déjà indiqué, plus la science envisagée repose sur des calculs et des expériences précis, plus le langage peine à trouver d’autre issue que celle d’une paraphrase redondante ou d’un commentaire qui en considère les résultats sous un angle philosophique où, assez rapidement, l’ombre du « poétique » projette son flottement dans la zone de ce qui ne saurait être mesuré. Ces investigations aventureuses intéressent moins les esprits scientifiques que leurs propres conjectures qui s’appuient avec précaution sur un savoir acquis et en tous points exactement mesuré.
On en tire le sentiment que la « poésie » n’a aucune espèce d’utilité dans le seul champ qui reste ouvert au déchiffrement qu’a longtemps pu opérer le langage, sinon en tant que retour critique sur elle-même. Et c’est une part de ce que les poètes du XXe siècle ont entrepris après Rimbaud et Mallarmé. Et le vers ne pouvait s’y affecter sans se transformer ou disparaître.
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Ce n’est pas de but en blanc comme un deus ex machina que l’alexandrin entre en scène au début du XVIe siècle, ni tout à fait triomphalement. Rare encore chez Marot qui prend soin de le désigner comme une nouveauté dans le sizain Graces pour un enfant, il émerge presque avec timidité, comme un acteur qui, n’ayant pas même d’abord excellé dans des seconds rôles ni laissé quelque trace dans la foule des figurants, va se trouver en assez peu de temps promu au rang de vedette et, d’abord en rivalité avec le décasyllabe riche de ses états de service et sûr de son métier, l’aura supplanté dès avant l’arrivée de Malherbe, né dix ans après la mort de Marot.
Mais ce n’est pas sans motif qu’il s’impose ainsi dans la plupart des emplois que son rival avait assumés : il répond à l’attente diffuse que l’on ressentait, et vient combler le manque qui en avait été la cause. On le découvre alors comme Christophe Colomb vient de découvrir l’Amérique. Elle existait donc déjà et, relativement à l’histoire du vers français, de date immémoriale.
Dans cette mémorable étude qu’a été La Vieillesse d’Alexandre, Jacques Roubaud, d’autre part défricheur émérite de divers chemins où le vers, n’eût été sa répugnance et surtout sa fatigue, aurait pu s’engager, Jacques Roubaud a largement contribué à dissiper l’ombre qui enveloppait encore, pour beaucoup, la discrète, longue mais patiente carrière de l’alexandrin.
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Il s’en faut toutefois que le vers soit une formulation purement rythmique. On peut le considérer ainsi. Mais à mesure que le sens signifiant qu’il portait perdit de son importance et de son utilité pratiques, et définitivement au cours du XIXe siècle, on se montra de plus en plus attentif à cet aspect en effet essentiel, Mallarmé déclarant en fin de compte qu’une tâche primordiale de la poésie (encore alors identifiée à l’emploi du vers) était de reprendre son bien à la musique.
Mais très longtemps la part musicale, rythmique du vers avait paru presque accessoire, ornementale en regard du caractère utilitaire qu’il présentait, et qui avait amené son perfectionnement, en parallèle avec celui du langage articulé. Des modes d’échange qui le précédèrent, on ne peut que les supposer fondés sur une gestuelle que son extension à une communauté amena à se codifier rythmiquement pour faciliter l’exécution des travaux par des cadences dont le taylorisme moderne se souviendrait. Mais aussi avec des danses imitant certains rythmes de la nature dans un dessein propitiatoire, ou du pure jubilation allant parfois jusqu’à la transe où le possédé communique avec les puissances énigmatiques. Cette forme de connaissance a dû voisiner avec les savoirs effectifs et se traduire en formules magiques fixées par le vers qui leur offrait l’avantage d’une mémorisation et d’une transmission plus commodes.
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Jacques Réda Quel avenir pour la cavalerie ?
Rencontre animée par Alexandre Prieux
La poésie serait-elle une guerre ? le vers, le corps d'élite de la langue ? En retraçant l'histoire de notre prosodie, Jacques Réda dévoile les processus de transformation du français, aussi inéluctables que ceux de la physique. Où les poètes sont les exécutants plus ou moins conscients d'un mouvement naturel. du Roman d'Alexandre à Armen Lubin, en passant par Delille, Hugo, Rimbaud, Claudel, Apollinaire, Cendrars et Dadelsen, Jacques Réda promène son oeil expert sur des oeuvres emblématiques, et parfois méconnues, de notre littérature. Inspirée et alerte, sa plume sait malaxer comme nulle autre la glaise des poèmes pour y dénicher les filons les plus précieux. À la fois leçon de lecture et d'écriture, et essai aux résonances métaphysiques, Quel avenir pour la cavalerie ? constitue la « Lettre à un jeune poète » de Jacques Réda, et le sommet de sa réflexion poétique.

À lire – Jacques Réda, Quel avenir pour la cavalerie ? – Une histoire naturelle du vers français, Buchet/Chastel, 2019.
Le jeudi 28 novembre 2019 à 19h
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