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Critique de caro64


L'an dernier , je découvrais avec grand plaisir un nouvel auteur de polar espagnol, Victor del Arbol, avec La tristesse du samouraï. Et bien, rebelote ! Mais cette fois, c'est une auteure : Dolores Redondo. Un nom à retenir ! Plus encore à lire tant son roman est original , captivant et surprenant. le gardien invisible, premier volet de la trilogie Batzan (le deuxième, déjà écrit, paraîtra en fin d'année en Espagne), est un policier classique qui très vite tourne au roman noir, très noir. Il nous plonge dans le Pays basque espagnol profond, sombre, où la mythologie et les croyances populaires perturbent les relations humaines… La folie et la cruauté ne sont jamais très loin.

" Oublier est un acte involontaire. Plus on essaie de laisser quelque chose derrière soi, plus cette chose vous poursuit ". Quand Amaia Salazar est promue responsable de l'enquête sur les meurtres de jeunes filles à Elizondo (village de Navarre à cinquante kilomètres de Pampelune), tout un équilibre fragile et patiemment élaboré pour échapper à son passé s'écroule. Comment elle, l'inspectrice rompue aux techniques d'investigation les plus modernes, formée aux méthodes du FBI à Quantico pour traquer les tueurs en série, peut-elle être tenue en échec sur ses terres ? Ces meurtres de jeunes filles savamment mis en scène la confrontent à ses propres fantômes. Cerise sur le gâteau, le ou les meurtriers laissent sur le cadavre un petit biscuit, une spécialité de l'entreprise familiale ! La souffrance, la mort, le non-dit, autant de symptômes qui gangrènent sa faculté de jugement. Quelque chose obstrue son champ d'investigation. Sous les dehors de la réussite professionnelle et affective, elle va mal. Angoisses, cauchemars et puis cette infertilité presque inexplicable… Pourquoi a-t-elle quitté la vallée ? Pourquoi vivait-elle, petite, avec sa tante et non pas avec ses parents ? Quelles rancoeurs et quelles rivalités pourrissent les relations des trois soeurs héritières de la fabrique de txatxingorris gérée d'une main de fer par Flora ? Flora, l'archétype de " l'etxeko andreak ", ces femmes de la vallée qui règnent sans partage sur leur maison et leur terre, pendant que les hommes sont trop loin ou trop faibles. Amia, fillette traumatisée, a soigneusement enfoui en elle l'indicible. Presque à son insu. L'enquête va fonctionner comme un révélateur de ses terreurs anciennes.

Le Gardien invisible est un polar de territoire. Et quel terroir ! La Navarre imprègne chaque page, chaque rebondissement, et s'insinue au coeur des motivations psychologiques des personnages. La nature suinte, les odeurs exhalent le long des berges du Baztan, entre mythes locaux et résurgences historiques. Ce pays de rêves et de légendes hante les nuits de Amaia Salazar. Crime humain, dévoration animale ou monstre légendaire ? Certains affirment avoir croisé le basajaun (sorte de yeti) et la mythique Maïa. L'intrigue est donc complexe mais Dolores Redondo mêle habilement le réalisme d'une enquête policière et d'une intrigue familiale à la magie de la mythologie basque. La construction est solide : l'enquête progresse lentement, brisée irrégulièrement par de courtes évocations d'un passé angoissant vécu par une petite Amaia de huit ans. Progressivement, passé et présent se confondent, l'assassin actuel rejoignant le monstre ancien. Envoûté par la poésie singulière de cet auteur, le lecteur s'enfonce dans une intrigue dont la banalité n'est certes pas la signature !

Un roman puissant, passionnant, fascinant, qui résonne longtemps… Et on n'a qu'une hâte, retrouver au plus vite Amaia ! Dommage que l'éditeur se soit égaré dans des erreurs de frappe et de construction particulièrement choquantes !
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