L'oiseau des neiges

Malgré mes vêtements, mon argent et ma façon de parler trompeusement raffinée, je ne suis jamais vraiment à ma place, car les gens veulent savoir d'où l'on vient.

" Nous ne pouvons retenir l'instant. Le temps est comme un fleuve: il nous emmène sur son courant, plus vite que nous ne le souhaiterions, bien souvent."

Ce monde est d’une stupidité absolue, Amy : les conventions, ce qu’elles tolèrent, ce qu’elles interdisent. Un mariage avantageux, par exemple, est respecté, admiré, alors qu’il revient à céder une femme contre de l’argent, comme un cheval ! Quant aux choses que l’on condamne alors qu’elles sont bonnes et naturelles… Tout cela passe l’entendement. Et à quoi me sert d’être consciente de ces contradictions, si flagrantes soient-elles ? Je peux gagner de petites guerres. Je peux apporter des victuailles aux villageois et soutenir les projets charitables de notre cher révérend, je peux témoigner des égards à quelqu’un qui s’est déshonoré, au risque de scandaliser ma mère. Mais rien de tout cela ne change la vie des intéressés, du moins pas de façon permanente.

Ma vie, c'était Hatville. Je l'ai rarement quitté. Or Aurelia avait raison : c'était bel et bien une prison. Nous étions comme deux oiseaux : nous nous tenions compagnie dans une très jolie cage.

Elle avait une nature exquise et, pour moi, le monde était plus beau lorsque j'étais près d'elle.

Malgré mes vêtements, mon argent et ma façon de parler trompeusement raffinée, je ne suis jamais vraiment à ma place, car les gens veulent savoir d'où l'on vient.

Le bon révérend fut d'avis que c'était Dieu qui m'avait amenée à Hatville Court afin que mon âme soit sauvée. En outre, lady Vennaway trouverait là une occasion précieuse de faire son devoir de chrétienne et d'être un exemple pour le village tout entier.

Mieux vaut trouver le moyen de faire la paix avec moi-même. car je ne peux être personne d'autre.

J’ai le souvenir d’avoir été une petite fille entêtée – pensive et calme, mais très volontaire et parfois soupe au lait. Je ne reconnais plus cette petite créature déterminée dans la femme que je suis aujourd’hui. Il semble qu’au fil du temps je me sois mise à croire tout ce que lady Vennaway disait à mon sujet. À force d’être méprisée par ces grands personnages, j’en suis venue à me sentir méprisable. Et à être convaincue – je m’en rends compte soudain avec une horrible clarté – que personne ne voudrait jamais de moi pour femme.

De toute façon, si Dieu voulait que nous sachions tout, Il n’aurait pas créé un monde aussi mystérieux. Je me suis habituée aux blancs qui entourent les débuts de ma vie. Je me suis habituée à vivre avec des questions.