Citations sur Histoires incertaines (22)
Dans le monde chimérique où je vivais, l’amour existait, mais il ne s’était incarné pour moi dans aucun visage et dans aucun corps vivant
N'appartenions-nous pas, l'un et l'autre, à la même race d'êtres ? Ne serait-il pas, comme je l'avais été, un de ceux-là qui aiment d'un obscur amour les belles ombres du passé en leurs cadres de secret et de lointain, de ceux qu'attire au fond des parcs abandonnés, au bout des eaux mortes, le mystère des pavillons fermés, même s'ils ne contiennent, derrière leurs murs délabrés et leurs vitres verdies, que la désillusion taciturne de la solitude et du silence ?
J’emmènerais Marceline en Italie ! L’Italie n’est-ce pas la terre merveilleuse de la rêverie ? Là, Marceline vivrait au milieu d’influences favorables, qui dissoudraient en elle ce qu’il y avait de médiocre et de desséché. Elle ne résisterait pas à la poésie éparse sous le beau ciel d’Italie. Rome, Florence, Naples et la divine Venise auraient raison de son terre à terre, et après cette expérience à laquelle j’aurais dû songer plus tôt, je ramènerais à la Troublerie une Marceline régénérée, convertie, une Marceline exorcisée de ses préjugés de bourgeoise et ensorcelée par le magique prestige de l’art, du songe et de la beauté !
Ne vaut-il pas cent fois mieux rester chez soi à ne rien faire que de perdre son temps à s’occuper des affaires d’autrui !
Quand on a mis le pied à Venise, on appartient de droit à Prentinaglia, et il n’y a pas à s’en plaindre, car il est d’une ressource infinie, prêt à vous servir de guide et d’introducteur, à vous faire visiter la ville ou à vous faire connaître la société, à régler les promenades comme à organiser les rencontres, à vous donner tous les renseignements dont vous pouvez avoir besoin.
Oui, je tiens à le bien établir, mon amour pour Venise fut toujours un amour sain et simple, un amour familier, exempt de snobisme et d'esthétisme, exempt aussi de romantisme, réaliste si l'on peut dire et fait de convenances à la fois spontanées et réfléchies.
La pensée de l’amour se mêlait bien parfois à mes rêveries et les colorait parfois de nuances romanesques, mais cette pensée s’y dissipait aisément, faute d’objet sur quoi se fixer. Elle demeurait errante et vague et n’avait jamais pris aucune forme précise.
C’est pourquoi je ne saurais prétendre à passer pour un homme raisonnable. L’est-on, en effet, quand on se laisse aller à la fâcheuse inclination de ne voir en toute chose que ce qu’elle peut comporter de plaisir et de beauté sans se soucier autrement de l’utilité qu’elle peut avoir ?
Il faut toujours conserver ses vieux agendas. Ce sont des témoignages inestimables de notre vie, des machines à remonter le temps. J'aime rouvrir de temps en temps les miens ; j'examine mes occupations de jadis, je revois les belles journées, je me transporte dans le passé. [Extrait de la préface de Bernard Quiriny]
Ma rêverie n’avait pas besoin d’expédients et d’interlocuteurs et se suffisait à elle-même.