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Critique de Myrtle


"De quoi a-t-on le plus peur ? de ses fantômes ou de ses fantasmes ?"

Le gothique n'a aucun secret pour Emmanuel Régniez. Après L'ABC du gothique, mystérieux recueil de fiches paru aux éditions le Quartanier, Emmanuel Régniez nous offre son premier roman, Notre château. Avec ce court texte agrémenté de photographies anciennes, l'auteur sublime un genre qu'il connaît sur le bout des doigts et nous entraîne dans une rêverie étrange et sanglante...



L'angoisse du personnage devient celle du lecteur.

Octave et Véra sont frère et soeur. Depuis la mort de leurs parents, il y a vingt ans, ils vivent reclus dans une magnifique maison, qu'ils appellent leur « château ». La seule sortie a lieu le jeudi, jour où notre héros va dévaliser le libraire pour apporter à sa soeur tout ce qu'elle souhaite « ardemment » - le mot est important – lire. le 31 mars à 14 h 32, le monde d'Octave bascule. Il aperçoit Véra dans un bus. Elle ne sort pourtant jamais et elle abhorre les transports en commun. La tranquillité du « couple » est brisée et Octave commence à avoir des visions. le cauchemar, aussi bien pour le lecteur que pour les personnages, ne fait que commencer.

Comme dans tout bon roman gothique, le lieu est un personnage à part entière de l'histoire. le château est un véritable cocon où nos héros passent leurs journées à lire et à rêver. La bibliothèque, immense, regorge de trésors de lectures. Octave y flâne et se souvient avec bonheur de ses jeux d'enfance. On se perd avec lui dans ses rêveries et l'on croit être dans un conte... Mais un conte cruel alors, car la noirceur n'est jamais loin. Leurs parents sont morts dans un dramatique accident de voiture. Octave sait que Véra et lui ne sont pas « normaux » et que les gens parlent dans leur dos. Puis, d'étranges événements surviennent au château. Chaque objet ou geste du quotidien devient un motif d'angoisse. Dans la magnifique bibliothèque, un cendrier apparaît. Une cigarette se consume, et pourtant, Octave a cessé de fumer depuis des années. Pire encore, pourquoi se met-il à faire du café alors que personne n'en boit ? Et surtout, Véra ment-elle lorsqu'elle nie avoir pris le bus ? La bulle d'Octave et Véra se fissure, leur relation devient trouble... Bientôt, Octave compare sa maison chérie à un « cercueil ». Comme Octave, nous voyons un drame se profiler, sans arriver à savoir quand et comment il va survenir. Enfin, est-ce que notre héros devient fou ? Ou est-ce cette maison qui le possède ?



Une langue ciselée et poétique

En plus de maîtriser parfaitement les codes du genre, l'écriture d'Emmanuel Régniez est précise et poétique. Utilisant de petites phrases courtes qu'il aime à répéter, l'auteur crée une petite musique, un refrain, qui ajoute de l'étrangeté à son récit. Souvent, sa langue révèle, comme lorsqu'Octave scande « Il y a un autre monde où nos parents ne sont pas morts. Il y a un autre monde où je suis mort. Il y a un autre monde où je fume encore... » L'insistance montre que tout ça devient trop lourd à porter pour notre héros, qui pourtant, ne l'avoue jamais.

Il y a des passages sanglants dans Notre château. Encore une fois, tout est dans la maîtrise : la violence est crue, mais jamais écoeurante. L'image des rideaux qui saignent est belle, et dérangeante.

Chaque terme est extrêmement bien choisi et l'effet n'en est que plus saisissant. Lorsque le retournement final survient, on se laisse complètement avoir. L'horreur s'abat comme un couperet, et même si elle était annoncée, nous n'avons rien deviné... Preuve que le roman est réussi ! le lecteur frissonne jusqu'au bout : les trois petites phrases de la dernière page sont glaçantes.

Histoire de prolonger le cauchemar, le roman est accompagné d'un « générique de fin » composé de reproductions de photographies de Thomas Eakins, un peintre anglais du XIXe. Des mots, des images, il ne manquait que la musique pour que l'immersion soit totale. Ça tombe bien, une lecture musicale est organisée à la Maison de la Poésie, à Paris, le 31 mars 2016. Si vous avez le malheur de la louper, l'ouvrage, au début et à la fin, comporte deux extraits de partitions. Bravo à ceux et celles qui auront le courage de jouer ces quelques notes !
Lien : http://www.actusf.com/spip/N..
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