Ce livre évoque les aspects de l'oeuvre de
Tsaï Ming-Liang , de ses quatre premiers films : "Les Rebelles du Dieu Néon" (1992), "Vive l'Amour" (1994), "La Rivière" (1997), "The Hole" (1998). le cinéaste y met en scène un personnage récurrent, qu'on retrouvera aussi plus tard, interprété par Lee Kang-Sheng, un acteur non professionnel rencontré dans une salle de jeux vidéos d'un quartier de Taipei. Né en Malaisie d'une famille issue de la diaspora chinoise,
Tsaï Ming-Liang étudia d'abord le théâtre à Taïwan. Il écrivit ensuite des scénarios et travailla d'abord pour la télévision puis le cinéma. Comme il l'explique dans un long entretien qui clôt ce livre, le cinéaste, bien que souvent primé à l'étranger, s'est heurté à Taïwan à une forte hostilité. le style de
Tsaï Ming-Liang est unique et sans concessions. le cinéaste a une façon très personnelle de raconter une histoire, très éloignée des codes hollywoodiens. En cours de tournage il suit davantage ses intuitions qu'un scénario et ne tient pas non plus beaucoup compte du confort du spectateur. Les dialogues sont parfois inexistants ainsi que les repères narratifs. Les séquences fonctionnent de façon autonome avec une très grande intensité visuelle. C'est donc au spectateur d'établir peu à peu les liens entre les personnages et les situations , en partie du moins; car, dans les films de
Tsaï Ming-Liang, il y a toujours des éléments qui restent inexpliqués ou qui entrent dans le domaine du symbolique ou de la fantasmagorie. Les personnages confrontés à une grande solitude déambulent dans les rues de Taipei, avec leurs troubles et leurs obsessions.
Tsaï Ming-Liang touche le plus souvent à l'intime. La sexualité, dans une moiteur toute tropicale, y est donc omniprésente; mais rarement épanouie elle révèle surtout les difficultés qu'ont les personnages à aimer et communiquer dans une société qui les aliènent. le cinéaste n'hésite pas à évoquer l'onanisme ou l'homosexualité. Dans " La Rivière" un père et son fils fréquentent sans le savoir le même sauna gay. Une scène où ils se rencontrent dans le noir a profondément choqué le public à Taïwan, plus habitué à un cinéma conformiste et mercantile. Il y a souvent des aspects glauques et dérangeants dans les films du cinéaste, mais il les aborde sans " a priori " , qu'ils soient moraux ou esthétiques. Pour ma part je considère
Tsaï Ming-Liang comme l'un des cinéastes les plus innovants et attachants de ces dernières années.