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EAN : 9782234054615
276 pages
Stock (09/01/2002)
3.66/5   85 notes
Résumé :
Dans la première partie de "Mort à crédit", Louis-Ferdinand Céline retraçait son enfance, entre une mère résignée et courageuse et un père raté, veule, humilié dans son travail et par ses voisins.

C'est un peu sur le même modèle tragi-comique qu'Eric Reinhardt bâtit son deuxième roman (après "Demi-sommeil"), dont la structure familiale est le personnage principal. Manuel Carsen est chanteur, pathétique et minable. Il écrit aussi.

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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Manuel Carsen est un « auteur compositeur interprète » raté. Ses albums élitistes n'ont reçu qu'un maigre succès d'estime. Dans le milieu musical, personne n'a retenu son nom. Cette absence de reconnaissance réveille son angoisse, celle de la mort sociale, la peur de n'être rien, de n'être ni remarqué, ni regardé. Il se sent miné par une « fatalité de l'échec » dont il fait porter la responsabilité à son milieu d'origine, la « middle class » . Il est conscient qu'il n'est pas parvenu à s'en extraire. le roman va être un réquisitoire intransigeant contre sa famille et sa classe sociale, un enchaînement de souvenirs acerbes et d'élucubrations d'une grande violence, un long monologue où toutes les interlocutrices se mêlent.

Son père est sa première cible. Il symbolise l'échec. Il a sacrifié sa passion du pilotage pour une carrière médiocre ; c'est un commercial raté, qui accumule les déconvenues, humilié par ses collègues et ses supérieurs. Et pourtant sa seule culture, c'est celle de l'entreprise et du giscardisme.
Vient ensuite le tour de sa mère, c'est la caricature de la ménagère : mère au foyer, économe à l'extrême, pour qui l'avenir ne peut apporter que le pire. Son fils estime que l'« ascèse économique » des ménagères de son type est responsable de la crise.
Il s'attaque également à la banlieue pavillonnaire où sa famille s'est installée, « protégée de l'univers par des hectares de mer de boue », avec ses codes, ses valeurs ; ces voisins qui se terrent derrière leur écran de télévision, se jugent, se jaugent et se jalousent.
Le narrateur évoque aussi son adolescence avec son lot de frustrations qu'elles soient amoureuses (les filles ne le remarquent pas) ou sexuelles (onanisme forcené). Pour fuir ses tourments, il n'a d'autre refuge que la solitude et la lecture de Lautréamont.
Sa dernière cible, ça sera sa propre fille. Il citera ses propos, sa critique dévastatrice du monde artistique en toc de son père, de son égoïsme et de son absence totale de valeurs, à laquelle elle opposera celles de ses grands-parents.

L'auteur décrit parfaitement les classes moyennes des années 70. Les traits d'humour ou de rage, les fulgurances, les digressions, se succèdent à un rythme effréné. L'homme qui se décrit d'emblée comme un monstre suscite parfois la sympathie, quand il fait part de ses souffrances, et plus souvent le rejet, quand éclatent sa hargne, ses colères et que sa névrose se met à nu. C'est le portrait d'un homme sans identité sociale ou géographique, un homme égocentrique qui, centré sur ses ressentis, ses pulsions sexuelles, est incapable d'exprimer de l'amour pour ses proches ou de s'engager pour une cause.

J'ai découvert Eric Reinhardt lors de la sortie de son dernier roman « l'amour et les forêts », roman que j'ai également apprécié. J'ai adoré son style, recherché et incisif. Ses livres me ‘parlent', autant par les questions abordées que par la description très réaliste de notre société. Avec toujours, dans un monde de frustration et de violence, cette quête de l'épiphanie, de l'instant de grâce.
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Mais où est donc passée la famille le Quesnois? Résolument pas dans "Le moral des ménages", non non. Si vous cherchez la famille le Quesnois (souvenez-vous, celle de la vie est un long fleuve tranquille, pas les truculents Groseille, les autres), famille teintée de rose, d'amour et de jus d'orange ("oooh ouiiiii"), vous ne la trouverez pas ici.

Parce qu'on ne peut pas dire que Manu (Manu Carsen, narrateur de son état, et artiste musicien qui fait des disques, en passant) baigne dans le bonheur familial. Ça a commencé tout petit, quand il est tombé dedans. Dans la classe moyenne, je veux dire. du type "résidence de banlieue" option "looser" par descendance paternelle. Toute sa vie, ses parents auront tenté de faire entrer le fiston dans leur moule middle class, qui s'empresse de devenir artiste pour se démarquer de ses parents, de leur situation. Un point commun quand même? Peut-être bien qu'il est aussi looser que son père... Un autre point commun? Lui qui a tant voulu sortir de cette classe moyenne, le voilà affublé d'une progéniture aussi belliqueuse que lui lorsqu'il s'agit de la condition de son père. Ah, faites des enfants!

Parce que l'harmonie n'est jamais aussi bien représentée que lorsqu'elle est dépeinte par les protagonistes eux-même, voici quelques morceaux choisis, qui montrent bien l'importance de la communication dans cette osmose familiale...

La mère, à propos du fils (Manu):
"Il faut savoir protéger ses enfants. Il faut les empêcher d'échafauder des rêves, comment dit-on.
Utopistes. Voilà. C'est ça. Vous avez du vocabulaire, vous. Utopistes. À notre époque, il faut être réaliste. On peut plus se permettre comme avant d'avoir des utopies. Car après, la chute est dure. Ça fait très mal. Voyez, je pense qu'il faut savoir rester à sa place. Les enfants d'ouvriers, je dis pas, après tout, ils n'ont rien à perdre. Mais nous, c'est pas pareil. Tous ces efforts que mon mari et moi on a faits pour grimper sur l'échelle sociale, c'est pas pour redégringoler tout en bas à la génération d'après, il faut savoir conserver les acquis sans prendre de risque."

Le fils (Manu), à propos du père:
"Mon père s'est fait baiser la gueule. (...) Il a été anéanti par le système qu'il prônait. Il s'est fait prendre au piège des valeurs qu'il défendait. (...) Ce qui m'empêche de l'aimer tout à fait, ce n'est pas qu'il ait raté sa vie, ni qu'il soit un homme qu'on a passé la vie à piétiner. S'il avait vécu ces humiliations avec l'héroïsme et la fierté d'un opprimé, j'aurais pour lui une grande tendresse. C'est que, ayant raté sa vie, (...) il ait les mêmes conceptions que s'il vivait dans un huit pièces en lisière du bois de Boulogne, roulait en Mercedes 480 SEL et possédait une marina à Palma et un yacht. C'est son identité. Cet attachement viscéral aux valeurs, au mode de vie et à l'arrogance des puissants, c'est sa seule identité."

La belle-fille (Juliette), à propos des beaux-parents, ne comprenant pas la force du rejet du fils (Manu):
"C'est couleur locale. Exotique. la télé allumée en permanence. Claire Chazal pendant qu'on mange des gaufres. Les ragots sur le voisinage. le cancer du sein de madame Rouzic pendant qu'on saupoudre le sucre glace. Ta mère qui se lève de table pour regarder les robes de la présentatrice météo. Ils sont exotiques. J'ai pour eux une grande tendresse."

La fille de Manu, décidément en phase avec son père:
"Et monsieur, il voudrait que sa fille soit comme lui. Sous prétexte que j'avais de bonnes notes en dessin au lycée, il voulait que je fasse les Beaux-Arts. (...) le BTS en commerce international, ça t'est resté en travers de la gorge."
"Moi, contrairement à toi, je revendique d'appartenir à la classe moyenne. Toi, tu entretiens l'illusion, avec tes disques, depuis quinze ans, que tu t'es désincrusté de la classe moyenne. Eh ben moi, ta désincrustation, je te la carre où je pense, je refuse d'appartenir au milieu d'imposteurs que tu m'imposes. Moi, l'héritage de papy et mamy, il est OK, je le revendique (...). Car enfin, mes grands-parents, ils t'ont rien fait, tu leur reproches simplement d'être comme ils sont, de vivre comme ils vivent, comme si chacun avait pas le droit de vivre comme il veut (...)"


Et comme il le dit finalement:
"La vie familiale est la chose la plus sordide et la plus destructrice qui soit."

Ah ben, c'est sûr que vu sous cet angle-là...
Lien : http://www.critiqueslibres.c..
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Je viens de refermer le livre, il est terrible. Dans tous les sens du mot. Grosso modo, c'est l'histoire d'un type qui méprise ses parents, du moins leur vie étroite, ordinaire et soumise de petits soldats pathétiques de la "classe moyenne", qui tente de s'en échapper en prenant le chemin opposé (il faut devenir artiste !) et 20 ans plus tard s'en prend à son tour plein la poire face à sa fille, qui le... méprise. Bref, je ne suis pas très costaud pour les résumés, mais croyez-moi, c'est un roman du tonnerre de Brest. (Je vous jure.)
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le texte me semble plat, répétitif, pauvre. Ca parle de la misère au quotidien et de l'absence d'horizon, au ras de pâquerettes. Mais je suis passé à côté. Est-ce le même discours (ou registre) que celui de Houellebecq ?
Extrait p101: « […] Mme Bonnemaire est allée chez eux porter la pétition pour qu'ils débarrassent leur montée de garage, la bétonneuse est là depuis trois ans, toute rouillée, c'est affreux, un si joli village, madame Bonnemaire était horrifiée par le désordre, la mère Rouzic ne passe l'aspirateur qu'une fois par mois, du coup c'est vraiment crasseux, ça m'étonne pas, des gauchistes, il parait qu'elle a voté communiste aux dernières municipales, madame Felix l'a vue distribuer des tracts sur la place du marché, tarvrac, des irresponsables qui veulent nous faire la morale, qu'elle s'occupe déjà d'élever ses gosses et d'entretenir son jardin. »

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Eric Reinhardt livre une critique féroce de la "middle class" en traçant le portrait d'un musicien raté qui tente à tout prix de s'extraire d'un milieu familial qu'il hait. Une violence dans les propos très jubilatoire. Comme un précédent lecteur, je regrette néanmoins les scènes de sexe très longues souvent déconnectées du récit. Des pages et des pages de masturbation, c'est un peu lassant !
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
(…) il est sans doute impossible d’envisager son père comme un être humain. Ceux qui s’y risquent, ils s’y perdent. La seule manière de construire son identité est d’occulter la dimension, la profondeur humaine du père – pour n’y voir à la place qu’un paramètre d’autorité, une loi à respecter ou à détruire. Comprendre que ton père n’est pas seulement un rouage fixe et immuable auquel son seul statut légal donne sens, mais qu’il est un être humain au même titre que toi, qu’il possède une vie intérieure dont la nature et les exigences sont comparables aux tiennes, c’est accepter l’expérience des gouffres, ne plus s’appréhender soi-même comme un absolu mais comme une donnée relative. Par exemple, c’est affronter l’idée que ton père n’aime plus sa femme et que c’est légitime. (…) C’est affronter l’idée qu’il puisse se dire que s’il n’avait pas eu d’enfant il n’aurait pas gâché sa vie. Envisager ton père comme un homme libre dont la vie a la même valeur que la tienne, c’est accepter l’idée qu’il puisse te sacrifier à son bonheur. Ces confrontations, la plupart des enfants n’y résisteraient pas. De la même manière qu’instinctivement on ne regarde pas fixement le soleil, on ne regarde pas à l’intérieur de ses parents.
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J’écoutais les albums du Velvet allongé sur mon lit. Je regardais couler la Seine, assis sur un quai. Je guettais, ému, l’ouverture des bourgeons. J’exaltais les souffrances, les extases de mon moi. Je ne lisais aucun journal, aucun essai, mais uniquement des romans et des recueils de poésie. De la même manière que mes parents n’accordaient d’importance qu’à leurs intérêts matériels, concevant cette attitude comme un contre-pied subversif à leurs valeurs, je ne m’intéressais qu’à ma vie intérieure et à mes sensations. L’actualité me semblait d’un prosaïsme indique. Les splendeurs de l’automne me paraissaient plus essentielles que le conflit israélo-palestinien. J’ai compris assez tard que c’était l’envers exact de la même approche du réel, réductrice et centrée sur soi : j’étais narcissique comme mes parents étaient matérialistes.
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En ces temps de libéralisme effréné où le partage de la population ne relève plus d’un déterminisme ancestral (les seigneurs et les serfs), mais d’une lutte acharnée qui peut faire de n’importe qui un nanti (et tous les coups sont bons), d’un combat à la vie à la mort qui plonge les perdants dans la misère et hisse les vainqueurs au plus haut niveau (quitte à les faire redescendre brutalement), toute médiocre qu’elle semble être, cette angoisse tristement prosaïque de ma mère (comparée à la Grande Angoisse Noble de la Mort) est peut-être en réalité la seule métaphysique qui vaille : celle de l’homme pour qui tout se joue ici et maintenant, sans autre salut possible que celui de la réussite matérielle. Je vois mal comment cette société, comment les principes qui la constituent, pourraient donner naissance à autre chose qu’à cette angoisse hégémonique du décès social – et comment celui-ci pourrait ne pas être pire que la mort. Le seul horizon désirable, c’est celui avec lequel se consolent les étudiants, lorsqu’ils planchent sur une épreuve d’examen difficile.
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Vivre avec un type comme moi, c'est quelque chose de terrible. (...)Le genre d'homme que je suis s'assemble comme tel peu à peu, au fil des ans, au fil des circonstances, comme un tirage photographique plongé dans un révélateur - ou plutôt comme une construction in progress. C'est la somme des privations qu'il inflige à ses proches, ses diktats qu'il édicte sous son toit, des promenades qu'il leur impose d'effectuer à sa suite, les entraînant durant des heures du côté des tourments qu'il endure, des doutes qui l'affaiblissent, des impasses qui l'enferment, qui finit de compléter la figure, un beau matin, dans l'esprit des intimes, d'un monstre intolérable.
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J’ai toujours senti en moi la fatalité de l’échec, le caractère inexorable de la débâcle, petite douleur mentale aigüe, aussi fine et insistante que si la pointe d’une épingle était plantée dans mon cerveau. J’ai eu beau vouloir vivre autre chose que mon père, vouloir jouir du prestige des artistes, m’extraire du marécage où vivaient mes parents, j’ia toujours su que je resterais l’élément moyen, la fougère middle class que mon éducation et mon milieu m’ont programmé à être jusqu’à la fin de mes jours – un spécimen endémique transplanté dans un milieu qui n’est pas le sien. J’ai pourtant tout fait pour échapper à ma classe.
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