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Isabelle Reinharez (Traducteur)
EAN : 9782226215215
496 pages
Albin Michel (18/08/2010)
3.66/5   227 notes
Résumé :
« L'homme répara le fusil et la balle glissa en douceur dans la Chambre. Il l'essaya plusieurs fois, puis se leva et se tint au-dessus du berceau... L'homme épaula le fusil. Autour de lui, dans la pièce close, l'odeur du Sang frais montait de toute part. »


Considérée comme l'une des grandes voix de la littérature américaine contemporaine, Louise Erdrich bâtit, livre après livre, une œuvre polyphonique à nulle autre pareille. Dans ce roman rich... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (57) Voir plus Ajouter une critique
3,66

sur 227 notes
La Malédiction des colombes est le second roman que je lis de Louise Erdrich, mais c'est le premier du cycle comprenant Dans le silence du vent et LaRose.
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Dans ces trois livres, l'auteure explore le poids du passé, l'héritage culturel, et la notion de justice.
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Dans le silence du vent m'a tellement enthousiasmée que je m'attendais à retrouver les mêmes ingrédients et le même procédé narratif dans celui-ci.
Mais bien au contraire, j'ai eu entre les mains un récit exigeant et éprouvant pour le lecteur.
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Ce n'est pas vraiment un roman choral, puisqu'en fait ce sont des personnes aux histoires très distinctes qui interviennent, et avec la multitude de protagonistes, j'ai eu bien du mal à suivre.
Le récit est très décousu et peut d'ailleurs se lire de la même manière, en piochant de temps en temps quand le coeur nous en dit.
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Je n'ai pas vraiment cerné de liens entre chaque histoire, hormis quelques noms qui m'ont interpellée par-ci, par-là, mais il faut vraiment être très attentif.
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Seul élément récurrent : Un violon.
Autre lien entre les habitants : le massacre d'une famille de colons dont seul un bébé à réchappé. Des Indiens ont sauvé le bébé, mais ils ont été vus comme coupables... Parmi ceux qui veulent les faire payer, des noms familiers reviennent au cours des récits.
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Pluto, petite ville du Dakota du Nord, construite par des colons au XIX° siècle en plein territoire indien, dont les habitants sont blancs, Indiens, ou sang-mêlé.
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Quant aux colombes, elles envahissent les cultures et les hommes s'évertuent à les chasser par tous les moyens. Un véritable fléau, on se croirait dans Les oiseaux.
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Le personnage (et narratrice) que j'ai préféré, Evelina, passionnée par les histoires que lui raconte son grand-père, seul Indien ayant échappé au lynchage.
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Un roman très bien écrit. Les mots de Louise Erdrich n'ont pas perdu de leur pouvoir envoûtant.
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Je dirais cependant que c'est un livre qu'il faut lire à plusieurs reprises pour réussir à s'immerger complètement (et à s'y retrouver).
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Mëme si j'ai eu envie de l'envoyer valser à plusieurs reprises, je ne regrette pas de m'être accrochée et nul doute que j'y reviendrai.
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Rencontrée depuis peu avec son magnifique roman, « Dans le silence du vent », véritable coup de coeur, coup au coeur, un roman d'une puissance émotionnelle rare, je suis repartie dans le Dakota du Nord avec mon amie NicolaK, pour remonter à la source du roman de Louise Erdrich qui m'avait tant plu et retrouver les personnages qui m'avaient profondément touchée.

En effet, l'autrice a composé un ensemble de trois romans totalement indépendants qui peuvent donc se lire dans le désordre, au gré des envies du lecteur.
"La malédiction des colombes", le premier de la trilogie, a été finaliste du prix Pulitzer en 2009.

Comme dans tous ses romans, Louise Erdrich s'inspire de faits réels. En 1897, un jeune indien de treize ans, Paul Holy Track, fut pendu par des citoyens en colère.

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Le roman "La malédiction des colombes" de Louise Erdrich m'a impressionnée en s'ouvrant sur le meurtre d'une famille de fermiers blancs au début du XXe siècle. Seul un bébé, dont nous ne connaîtrons l'identité qu'à la toute fin du roman, est épargné lorsque l'arme du tueur s'enraye.
L'homme, exaspéré par les cris de l'enfant, met en marche un gramophone présent dans la chambre de l'enfant pour mieux se concentrer sur la réparation de son arme et l'achever ensuite.
Le frémissement des cordes du violon emplisse la pièce et apaise le bébé qui se rendort dans son berceau, inconscient du danger qui le menace.
Contre toute attente, l'homme, après avoir rechargé son arme, lui laissera la vie sauve.

Quatre indiens, passant près de la propriété, vont découvrir les premiers la scène de carnage. Voulant porter secours à cette famille, ils vont malheureusement subir la justice sommaire de quelques hommes blancs et finir pendus.

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Je pensais retrouver dans ce roman-ci une forme sensiblement identique au roman lu précédemment, entre légendes indiennes, roman policier et quête initiatique.

J'ai donc été très surprise par la structure du roman constitué d'un ensemble de novellas, reliées entre elles par les acteurs du drame ainsi que leur famille. L'histoire raconte, avec une certaine distance, comment cette tragédie va affecter la petite ville de Pluto sur des décennies entières.

En définitive, l'intrigue est insolite, prenant le lecteur totalement de court. L'enquête est présente, mais peu conventionnelle : elle se dessine en filigrane, d'une encre presque invisible.
Je me suis demandée où Louise Erdrich voulait m'emmener, devinant des liens mais sans les comprendre vraiment. Et puis, j'ai lâché prise, me laissant porter par la voix envoûtante de l'autrice, ne cherchant plus à relier ces instants de vie à l'incipit dont voici un extrait.

« L'homme répara le fusil et la balle glissa en douceur dans la chambre. Il l'essaya plusieurs fois, puis se leva et se tint au-dessus du berceau. le violon atteignit un crescendo d'une étrange douceur. L'homme épaula le fusil. Autour de lui, dans la pièce close, l'odeur de sang frais montait de toutes parts. »

Finalement, toutes les pièces que composent ces courts récits trouvent leur place pour révéler, dans les toutes dernières pages du roman, la sombre vérité sur cet horrible massacre. Mais si le puzzle s'assemble correctement, je regrette toutefois un dénouement trop précipité qui ne m'a pas permis de comprendre précisément les motivations du tueur.

*
Une autre particularité étonnante est la présence de trois narrateurs : à tour de rôle, ils vont prendre la parole à la première personne, enrichir d'anecdotes le fil narratif du récit, tout en apportant des regards différents sur toutes ces vies qui se croisent.
L'autrice joue sur le rythme, sur la personnalité de chaque narrateur, leurs sentiments, leurs émotions. Leurs voix, très distinctes, s'entrelacent, se chevauchent, se complètent, se ramifient subtilement pour tisser plusieurs générations de familles et celle de toute une communauté.

Mais, autant l'avouer, j'ai trouvé leur histoire familiale particulièrement complexe. Il n'est pas facile de s'y retrouver dans cet arbre généalogique qui se déploie sur plusieurs générations et qui s'imbrique de manière non linéaire, dans d'autres histoires de familles.

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Pour moi, la plus grande réussite de l'autrice est sans aucun doute son talent indéniable à nous immerger dans tous ces récits de vie, à nous attacher aux personnages de l'histoire, à les rendre vivants, profondément humains et émouvants.
Louise Erdrich compose toute une galerie de personnages authentiques et truculents, terriblement ancrés dans une réalité sombre. Qu'ils soient sympathiques ou odieux, burlesques ou pathétiques, l'autrice les dessine avec délicatesse et tendresse.

Rien ne dure, le carrousel de la vie suit son cours, entraînant le lecteur dans des moments de rire, de peine, de laideur.
Les histoires de chacun sont tour à tour glaçantes, tragiques, tristes, drôles, cocasses, surprenantes, émouvantes, mélancoliques ou touchantes. En même temps, se mêlent de nombreuses émotions, et le lecteur devine dans l'implicite des silences, les douleurs cachées des adultes, leur chagrin, leur solitude, leurs douleurs. On devine aussi l'incompréhension des enfants qui n'ont pas encore la maturité des adultes pour comprendre ce qui est tu.

« Maintenant que je suis vieux et sais comment agit le chagrin, je comprends qu'elle ressentait trop, nous aimait trop fort, et craignait de nous perdre comme elle avait perdu mon frère. »

J'ai ressenti un soin particulier apporté à certains d'entre eux, Mooshum, Shamengwa, en particulier. Ces deux patriarches sont d'une beauté exceptionnelle, ils se dégagent d'eux, une sorte de noblesse et de charisme. Et en même temps, ils ont un côté enfantin, capables des pires espiègleries, comme s'ils étaient retombés en enfance.

« Peu d'hommes savent comment devenir vieux… »

On les sent entourés, aimés, cajolés, et à mon tour, je les ai aimés. « Dans le silence du vent », j'avais déjà perçu que la notion de famille revêtait une signification profonde. C'est également le cas dans ce roman.

*
L'écriture de Louise Erdrich est toujours là, magnifique, poétique, se drapant de nombreuses sonorités : drôle, onirique, sensible, émouvante, elle est aussi un cri silencieux face aux injustices du monde.
Mais je dois reconnaître que « la malédiction des colombes » est un cran en dessous : il m'a beaucoup plu, mais il n'a pas la profondeur, la douleur et l'intimité émotionnelles de son autre roman « Dans le silence du vent ».

Il y règne tout de même une douce sensation de sagesse, l'autrice nous invitant à pénétrer dans la culture et le spiritisme de la culture amérindienne, à appréhender les problèmes auxquels ils sont confrontés.
Elle explore les thèmes des relations familiales et de l'identité culturelle, de la violence et du racisme, de la justice et des préjugés, des traumatismes intergénérationnels et de la résilience.

Et puis, au tout début du roman, il y a cette deuxième scène incroyablement saisissante, qui plane comme une menace, d'où sera tiré le titre de ce roman : celle de milliers de colombes, qui comme une nuée de sauterelles, s'abattent en masse dans les champs cultivés, ravageant les récoltes sans défense.
A la fois symbole de paix, d'espoir et d'amour, les colombes portent une connotation tragique dans ce récit, symbolisant le meurtre injustifié de ces quatre hommes innocents, et plus globalement, la violence subie par les communautés autochtones à travers l'histoire des Etats-Unis.

« Mooshum vit dans les cieux du Dakota du Nord un nombre infini de colombes obstruant les airs et remplissant le ciel d'une éternité de cris graves. Il s'imaginait que la couverture de colombes s'était simplement élevée dans la stratosphère et n'avait pas été étouffée ici sur la terre. »

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Pour conclure, Louise Erdrich m'a transportée dans son monde teinté de réalisme magique. J'ai écouté, captivée, ces histoires fascinantes de famille, avec leurs secrets, leurs barbaries, leurs douleurs, leurs silences et leurs mesquineries.

"La malédiction des colombes" est un beau roman, marquant grâce à quelques figures inoubliables, une écriture poétique, touchante et un univers particulièrement fascinant qui donne à l'histoire une dimension profonde et mystique.
Mais c'est aussi un roman complexe par ses nombreux personnages, ses nombreux retours en arrière, ses histoires décousues dont les liens apparaissent tardivement dans l'intrigue, et un dénouement trop rapide.
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Pluto est une petite ville imaginaire située près d'une réserve indienne, dans le Dakota du Nord. Louise Erdrich, avec son très grand talent, va nous immerger complètement dans cet environnement. de la fin du 19ème siècle et jusqu'au années 1970, nous devrons démêler l'écheveau de ces vies où le « le passé n'est jamais mort, il n'est même pas passé », pour reprendre une citation de Faulkner dans « le bruit et la fureur ».

Il y aurait effectivement un parallèle à faire avec le Yoknapatawpha de ce dernier tant l'autrice parvient à nous intéresser à ces histoires, parfois embrouillées, qui entraîneront des conséquences sur plus d'un siècle. Les chapitres de ce roman sont menés chacun par un narrateur unique. La première voix, qu'on retrouvera dans d'autres chapitres, est celle d'Evelina, une toute jeune fille encore proche de son grand-père maternel Mooshum et de son frère Shamengwa. Nous sommes dans les années 1960. Nous suivrons son parcours difficile de jeune femme qui se cherche. Ce sera aussi le cas pour le juge Coutts. Deux autres voix se feront aussi entendre, celles de Marn Wolde et de Cordelia Lochren, femmes fortes et sans pitié.

J'ai été surpris de lire que ce roman avait en partie été formé à partir de nouvelles publiées préalablement dans des magazines. le « montage » est invisible. Toutes ces histoires forment un tout cohérent. C'est le second livre de Louise Erdrich que je lis et ce ne sera pas le dernier.
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Un roman échevelé, qui va dans tous les sens. Il est souvent difficile de suivre les échos de ses multiples voix.

Un livre qui se passe au Dakota du Nord, centré sur l'histoire et les conditions de vie des Autochtones. Des épisodes douloureux comme le lynchage de quatre hommes, des personnages parfois fantasques, des fils qui s'enroulent et s'embrouillent, des générations et des sauts dans le temps, rien de linéaire.

Un roman qui donne aussi à penser. C'est vraiment particulier cette structure utilisée par les Britanniques et les Américains : les « réserves ». Surtout qu'en pratique un traité ne tenait que jusqu'à ce que le gouvernement décide de le modifier unilatéralement.

Et rappelle que le racisme aux États-Unis n'est pas uniquement envers les Noirs…
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Voici un livre au style exigeant et précis qui sous prétexte de raconter des destins singuliers se révèle être un miroir de la condition des Amérindiens, dans une Amérique alors amnésique sur son histoire et sélective dans sa composition humaine.

En toile de fond ici, le lynchage de quatre personnes, coupables d'être Indiens. Des décennies plus tard, des descendants ou témoins reviennent sur le fil des évènements avec leurs mots et leurs impressions.
Ceux de la jeune Evelina m'ont le plus happée car son histoire remonte à ses origines, notamment la rencontre de ses parents et leurs parcours de vie. Une mise en perspective qui renvoie au processus de déculturation progressive de ses ascendants face à un christianisme conquérant et peu soucieux des traditions locales.

Un ouvrage riche et percutant dont le propos s'étiole malheureusement à travers la multiplicité des protagonistes.
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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Quand les oiseaux arrivèrent en masse, Indiens et Blancs allumèrent de grands feux et s’efforcèrent de les rabattre dans des filets. Les colombes picorèrent les semis de blé, le seigle, et commencèrent à s’attaquer au maïs. Elles dévorèrent les pousses des fleurs nouvelles, les bourgeons des pommiers, les feuilles rudes des chênes et même la balle de l’année passée. Les colombes étaient dodues, et délicieuses fumées, mais on pouvait tordre le cou à des centaines ou des milliers d’entre elles sans obtenir de diminution visible de leur nombre. Les maisons de perches et de torchis des Metis et les cabanes en écorce des Indiens s’affaissaient sous le poids des oiseaux. Qui étaient rôtis, brûlés vifs, apprêtés en tourtes, en ragoûts, mis au sel dans des tonneaux, ou assommés à coups de bâtons et laissés là à pourrir. Mais ceux qui étaient morts ne faisaient rien d’autre que nourrir les vivants, et chaque matin quand les gens s’éveillaient c’était au bruit des grattements et des battements d’ailes, des susurrations murmurantes, de l’affreux babil roucoulant, et à la vue, pour ceux dont les carreaux étaient encore intacts, des douces et curieuses têtes de ces animaux.
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Quand les oiseaux arrivèrent en masse, Indiens et Blancs allumèrent de grands feux et s'efforcèrent de les rabattre dans des filets. Les colombes picorèrent les semis de blé, le seigle, et commencèrent à s'attaquer au maïs. Elles dévorèrent les pousses des fleurs nouvelles, les bourgeons des pommiers, les feuilles rudes des chênes et même la balle de l'année passée. Les colombes étaient dodues, et délicieuses fumées, mais on pouvait tordre le cou à des centaines ou des milliers d'entre elles sans obtenir de diminution visible de leur nombre. Les maisons de perches et de torchis des Metis et les cabanes en écorce des Indiens s'affaissaient sous le poids des oiseaux. Qui étaient rôtis, brûlés vifs, apprêtés en tourtes, en ragoûts, mis au sel dans des tonneaux, ou assommés à coups de bâtons et laissés là à pourrir. Mais ceux qui étaient morts ne faisaient rien d'autre que nourrir les vivants, et chaque matin quand les gens s'éveillaient c'était au bruit des grattements et des battements d'ailes, des susurrations murmurantes, de l'affreux babil roucoulant, et à la vue, pour ceux dont les carreaux étaient encore intacts, des douces et curieuses têtes de ces animaux.

Mon grand-oncle avait hâtivement fabriqué des treillis de branchages pour protéger les vitres de ce qu'on appelait, pompeusement, le presbytère. Dans un coin de cette cabane d'une seule pièce, son frère cadet, qu'il avait sauvé d'une vie de liberté excessive, dormait sur un grabat de branches de sapin et un matelas bourré d'herbe. C'était le lit le plus moelleux dans lequel il ait jamais couché, et le jeune garçon ne voulait pas le quitter, mais mon grand-oncle lui jeta des habits d'enfant de chœur et lui dit de briquer le chandelier qu'il porterait dans la procession.
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Le fusil s'enraya après le dernier coup de feu et le bébé resta debout, cramponné aux bords du berceau, les yeux fous, hurlant à pleins poumons. L'homme s'assit dans un fauteuil capitonné et se mit à démonter son arme pour voir pourquoi elle ne tirait pas. Les cris du bébé lui mettaient les nerfs en boule. Il posa le fusil et des yeux chercha un marteau, mais aperçut le gramophone. Il s'en approcha. Il y avait déjà un disque sur le plateau, alors il tourna la manivelle et abaissa l'aiguille. Il se rassit dans le fauteuil et reprit son travail tandis que la musique inondait la pièce. Le bébé se calma. Un mystérieux solo de violon, au milieu du disque, força l'homme à s'arrêter, les pièces du fusil en main. Il se leva quand la musique s'arrêta, remonta le gramophone et remit l'enregistrement. Et cela, par trois fois. Le bébé s'endormit. L'homme répara le fusil et la balle glissa en douceur dans la chambre. Il l'essaya plusieurs fois, puis se leva et se tint au-dessus du berceau. Le violon atteignit un crescendo d'une étrange douceur. L'homme épaula le fusil. Autour de lui, dans la pièce close, l'odeur de sang frais montait de toutes parts.
En 1896, mon grand-oncle, l'un des premiers prêtres catholiques de sang indien, lança un appel à ses paroissiens pour qu'ils se retrouvent à l'église St. Joseph le cou ceint d'un scapulaire et munis de leur missel. De là, ils iraient parcourir les champs en un long rang ondoyant, et à chaque pas chasseraient les colombes à coups de bruyantes prières. Ses ouailles s'étaient mises à la charrue et cultivaient la terre aux côtés des pionniers allemands et norvégiens. Ces gens-là, contrairement aux Français qui se mêlaient à mes ancêtres, montraient très peu d'intérêt pour les femmes indiennes et ne se mariaient pas avec elles. À vrai dire, les Norvégiens ignoraient tout le monde sauf les leurs, et entretenaient un véritable esprit de clan. Mais les colombes dévoraient leurs récoltes tout autant.
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Notre baiser fut brutal, passionné, étrangement adulte. Ensuite je rentrai seule à pied à la maison. En marchant très lentement. A mi-chemin, je m'arrêtai et contemplai un bout de trottoir que j'avais enjambé un millier de fois et connaissais intimement. Il y avait une fente dedans - profonde, longue, en dents de scie, et obscure. C'était le jour où les immenses et vieux peupliers de Virginie perdaient leur bourre cotonneuse. L'air était empli de duvet qui tombait, et l'herbe des fossés et les caniveaux étaient rembourrés d'une neige de lumière. J'avais cru que je me sentirais joyeuse, mais j'éprouvais une peine confuse, ou peut-être de la peur, car ma vie me paraissait une histoire vorace dont j'étais la source, et avec ce baiser j'avais maintenant commencé à me livrer tout entière aux mots.
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Quand je regarde la ville à présent, qui s'amenuise sans grâce, je pense qu'il est bien étrange que des vies aient été perdues pour qu'elle soit créée. Il en va de même pour toutes les entreprises désespérées auxquelles sont mêlées les limites que nous posons sur cette terre. En traçant une ligne et en la défendant, nous semblons penser que nous avons dominé quelque chose. Quoi ? La terre engloutit et absorbe même ceux qui réussissent à bâtir un pays, une réserve.
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Vidéo de Louise Erdrich
C'est par la poésie que Gaëlle Josse est entrée en littérature. Elle a publié plusieurs recueils, jusqu'à ce jour où elle découvre un tableau d'un peintre flamand qui la happe littéralement. Sur cette toile, une femme, de dos, dont il devient urgent pour Gaëlle Josse de raconter l'histoire. Son premier personnage est là et le roman naît. Les Heures silencieuses paraît en 2011. En treize ans, treize autres livres suivront : des romans, des essais, un recueil de microfictions. Tous nous embarquent dans des univers différents, font exister des personnages -réels ou fictionnels-, disent la force de l'art -pictural, photographique ou musical-, et mettent des mots sur nos émotions avec une grande justesse.
Au cours de ce deuxième épisode de notre podcast avec Gaëlle Josse, nous continuons d'explorer son atelier d'écrivain : ses obsessions, son processus d'écriture, la façon dont le désir d'écrire naît et grandit. un conversation émaillée de conseils de lecture et d'extraits.
Voici la liste des livres évoqués dans cet épisode :
- Et recoudre le soleil, de Gaëlle Josse (éd. Noir sur blanc) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/20108563-et-recoudre-le-soleil-gaelle-josse-les-editions-noir-sur-blanc ;
- À quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ?, de Gaëlle Josse (éd. Noir sur blanc) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23044434-a-quoi-songent-ils-ceux-que-le-sommeil-fuit--gaelle-josse-les-editions-noir-sur-blanc ;
- La Nuit des pères, de Gaëlle Josse (éd. Noir sur blanc/J'ai lu) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22564206-la-nuit-des-peres-gaelle-josse-j-ai-lu ;
- Ce matin-là, de Gaëlle Josse (éd. Noir sur blanc/J'ai lu) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/20840891-ce-matin-la-gaelle-josse-j-ai-lu ;
- L'Amour, de François Bégaudeau (éd. Verticales) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22446116-l-amour-francois-begaudeau-verticales ;
- La Sentence, de Louise Erdrich (éd. Albin Michel) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22512129-la-sentence-louise-erdrich-albin-michel.
Invitée : Gaëlle Josse
Conseils de lectures de : Anthony Cerveaux, bibliothécaire à la médiathèque des Capucins, à Brest, et Rozenn le Tonquer, libraire à la librairie Dialogues, à Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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