Les poux des vêtements et ceux du corps n’envahissaient jamais le cuir chevelu, vieille loi naturelle que les soldats connaissaient bien. Les poux respectaient leurs territoires respectifs ; ils ignoraient la guerre.
La nuit, on est ce qu'on a toujours été; le jour on est ce qu'on est devenu.
Elle attendait calmement devant la fosse. Elle était jeune et robuste, bâtie pour faire des enfants et les nourrir. Elle ne comprenait rien à ce que Millier lisait, mais elle savait que c’était sa condamnation à mort. Elle savait que dans quelques instants la vie qui battait puissamment dans ses artères s’arrêterait pour toujours – pourtant elle attendait calmement et ne paraissait sensible qu’au froid du petit matin.
Quand on n’attend rien de la vie, tout ce qu’elle vous donne est un miracle gratuit.
C’est étrange, on s’imagine qu’un criminel se comporte en criminel partout et toujours. Pourtant, il suffit bien qu’un homme ne soit un criminel que par une faible partie de lui-même pour accomplir les pires atrocités.
Les remords ne tourmentent jamais ceux qui les méritent.
Comme l’espoir se nourrit de peu, et comme il prend vite racine dans un cœur !
Aujourd’hui, on n’a plus la force de penser aux autres. Il y a trop de malheur sur la terre.
Le malheur était contagieux.
Elle se retourna.
"Il y a combien de temps exactement que nous ne nous étions pas revus?
-Cent ans, nous étions encore des enfants et il n'y avait pas la guerre.
-Et maintenant?
-Maintenant, nous sommes vieux sans avoir l'expérience de l'âge. Vieux et cyniques, nous ne croyons plus à rien et nous sommes tristes. Pas si tristes que ça d'ailleurs."
Elle le regarda.
"C'est vrai?
-Non, mais qu'est-ce qui est vrai? Tu le sait ,toi?"
Elisabeth secoua la tête.
"Faut-il qu'il y ait quelque chose de vrai? demanda-t-elle.
-C'est peu probable. Pourquoi?
-Je ne sais pas. mais il t aurait sans doute moins de guerres, si chacun ne s'acharnait pas à imposer aux autres sa propre vérité."