AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Karine Daisay (Illustrateur)Nicolas Tenzer (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782842051785
47 pages
1001 Nuits (19/11/1997)
3.82/5   87 notes
Résumé :
"L'homme n'appartient ni à sa langue, ni à sa race : il n'appartient qu'à lui-même, car c'est un être libre, c'est un être moral [...]. La vérité est qu'il n'y a pas de race pure, et que faire reposer la politique sur l'analyse ethnographique est une chimère. Les plus nobles pays, l'Angleterre, la France, l'Italie, sont ceux où le sang est le plus mêlé !" Souvent cité mais quasiment jamais lu, ce texte publié initialement en 1869, véritable profession de foi d'Ernes... >Voir plus
Que lire après Qu'est-ce qu'une nation ?Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
3,82

sur 87 notes
5
2 avis
4
5 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
0 avis
Issu d'une conférence prononcée à la Sorbonne en 1882, ce court essai se propose de définir la Nation, que visiblement admire l'historien Ernest Renan.

La Nation n'est pas un Etat et n'est pas synonyme d'ethnie, elle n'exige ni une religion ni une langue commune, et pourtant elle exige du commun, une volonté commune plus exactement de faire nation aujourd'hui comme demain et en oubliant les différences passées, c'est tout l'inverse de communautés vivant des existences parallèles.

Pourquoi Renan, pourtant historien, insiste t-il sur l'oubli ? Car soyons clair la genèse d'une nation c'est moche : l'unification de la France du Nord et du Midi ce sont des luttes et massacres, les catholiques et les protestants également, cet oubli loin de le déplorer, l'historien en fait une condition de la pérennité d'une nation, soulignant que “le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger.”

Fondamentalement, la vision de Renan s'oppose à une conception raciale de la Nation, l'auteur souligne que “la race est quelque chose qui se fait et qui se défait” et qu'il “n'y a pas de race pure”, le concept de race utile en zoologie n'a pas sa place en politique. L'auteur multiplie les exemples d'ethnies composites, à l'image de la France, de l'Allemagne, de l'Italie, du Royaume-Uni. La définition de la nation n'est définitivement pas à chercher du coté de l'ethnie, Renan soulignant : “il n'y a pas en France dix familles qui puissent fournir la preuve d'une origine franque”.

Positivement la Nation est donc une “conscience morale”, un consentement, un “plébiscite de tous les jours”, un consensualisme qui n'est pas sans rappeler les principes du vivre ensemble posés par Jean-Jacques Rousseau dans “Le Contrat Social”.

Le principe de validité du contrat c'est d'abord la rencontre des volontés… Que faire si l'Ecosse veut quitter le Royaume-Uni, la Crimée l'Ukraine, la Catalogne l'Espagne, si une frontière est disputée en Géorgie ou au Cachemire ? Ernest Renan propose : “si des doutes s'élèvent sur ses frontières, consultez les populations disputées. Elles ont bien le droit d'avoir un avis dans la question”, n'est ce pas déjà en germe le principe des peuples à disposer d'eux-mêmes ? Quand bien même ce principe conduit à la disparition de la Nation, Renan précurseur note que “la confédération européenne” sera amenée à remplacer les nations.

Le consentement n'a sans doute jamais autant été débattu que depuis ces dernières années, qu'il soit privé, consentement à l'utilisation des données personnelles, de la vie intime voire charnelle mais également le consentement collectif, social, public et politique, avec les réclamations de Référendum d'initiative citoyenne, de partage plus horizontal, plus local et plus étendu à l'ensemble des citoyens des responsabilités publiques.

L'enjeu reste la permanence avec laquelle le consentement perdure, au delà de la durée des vies humaines… n'entend t-on pas en 2021 des hommes politiques nous expliquer qu'il n'y a pas à rouvrir le débat sur le fonctionnement des institutions car les français ont voté pour la Vème République en…1958 ! oui les mêmes, sans doute, qui ont plébiscité Napoléon un siècle et demi plus tôt et qui ont élu Hugues Capet en 987…je n'entre même pas dans le principe du consentement à l'impôt pourtant garanti par la Déclaration des droits de l'Homme…Au risque de tourner en rond (point en GJ…).

Alors, comment s'assurer de l'adhésion à la Nation dans la durée ? Comment concilier stabilité, pérennité sans prendre pour acquis ce qui a été consenti à un moment plus ou moins reculé de l'histoire ?

qu'en pensez-vous ?
Commenter  J’apprécie          696
Cet essai est remarquable, remettant en place toutes les idées reçues sur la nature d'une nation.
Pour l'auteur, le concept de nation ne repose ni sur la race, ni sur la langue, ni sur la religion, ni sur l'économie marchande et ses intérêts financiers, ni sur sa géographie.
Alors sur quoi repose la nation ?
En révolutionnant les principes fondamentaux qui créent l'idée de nation, Renan propose une communauté de destin unissant les individus vivant sur un territoire déterminé. En acceptant cette notion, les citoyens de ce pays, se rassemblent pour bâtir un passé, présent et futur commun, où ils pactisent de façon informelle, pour vivre ensemble en bonne intelligence, afin de consolider leur entité nationale.
Par ce concept presque impalpable, l'auteur ose une abstraction métaphysique de la nation. Mais pour réussir ce pari audacieux, il faut néanmoins une condition impérative, la nation doit être universelle et tous les individus se doivent d'y adhérer.
Car pour l'auteur, le danger mortel qui peut empêcher le consensus d'une communauté de destin, est le séparatisme communautaire quel qu'en soit sa nature. Comme un écrit prémonitoire, Renan émet l'hypothèse en cette fin de 19éme siècle, que la nation future de l'avenir sera européenne.
Bravo à lui, pour cette prédiction en cours de construction.
Commenter  J’apprécie          202
Cette conférence d'Ernest RENAN date de 1882 et développe la vision française de la nation, de la nationalité et du nationalisme. En affirmant notamment : "Une nation est une âme, un principe spirituel" ou encore "Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore", l'auteur présente des arguments bien plus nobles que ceux développés par des auteurs tels que FICHTE, dont la récupération politique en Allemagne a eu des effets néfastes.
Ce texte date mais on côté visionnaire est toujours d'actualité et demeure un classique.
Commenter  J’apprécie          150
Lu pour ma culture générale, cet ouvrage a éveillé en moi des sentiments mitigés. Déjà, il faut dire que je suis très loin d'être nationaliste. En fait, la notion de nation m'est étrangère. (Le nationalisme m'est étranger ;) ) Je n'ai donc pas lu ce livre car il est recommandé par la liste de lecture du RN (qui compte aussi du Gramsci, il y a pas mal de récupération dans cette liste). Même en évitant les a priori, je ne peux prétendre m'affranchir de toute idée reçue.

Formellement et dans la méthode, c'est bien écrit (ou bien dit, c'était une conférence à l'origine). Il s'agit de vivisection : traiter le monde contemporain de Renan (fin dix neuvième, période propice à un nationalisme romantique) comme une civilisation lointaine. La nation est une notion très disparate : la Suisse, confédération, en est une, la France aussi, pourtant ce sont deux modèles très différents.

Dans l'idée, il s'agit de chercher les critères qui font d'un peuple et territoire une nation : et d'abord, par élimination. Non, la race (ou l'origine ethnique pour s'adapter au 21e siècle), la langue, la religion, la géographie et les intérêts communs (sur ce point, abordé le plus rapidement des cinq, je vais revenir) ne font pas la nation. Déjà le RN (qui a recommandé cette lecture) devrait en prendre de la graine. Par ailleurs une nation ne devrait ni coloniser ni annexer d'autres territoires. (on est au dix neuvième siècle et la France comme d'autres nations européennes colonisaient, en cela Renan se montrait plutôt progressiste, surtout qu'il demande à ce qu'on respecte l'opinion des populations).

Non, la nation est davantage une question de conscience. L'intérêt commun, au fond, c'est bassement matériel. Bref, on nage dans l'idéalisme le plus totale, dans l'idéologie, et le ton surtout au troisième chapitre se fait dithyrambique. En tant que sinistre marxiste je n'aime pas tellement ça. Et pour quelqu'un qui encourage la nation, Renan écrit (marquant presque un but contre son camp) qu'une nation se fonde sur un oubli voire un effacement historique. C'est vrai : si j'apprends que Clovis a mené des guerres de conquêtes et a fondé la France sur la violence, mon sentiment d'appartenance à la nation (j'y reviendrais) faiblira. Et encore, j'ai dit Clovis mais j'ai pensé à des débats plus contemporains : faut il enseigner la colonisation ? (je pense que oui). Chirac a t il eu raison de reconnaître la responsabilité de l'Etat Français dans la Shoah en 1995 ? (sans être une grande chiraquienne je pense que oui). C'est là qu'on peut se demander si la recherche d'exactitude scientifique (ici, historique) ne prime pas sur le roman national. (et vous aurez compris vu la formulation que je pense que oui).

Mais voilà, la nation est psychologique, c'est une Idée. (Et une Noble Idée). Et donc effectivement, c'est une croyance, et si je diminue le sentiment d'appartenance à une nation (en enseignant les exactions de la France à l'école par exemple), je lui porte atteinte (ce n'est pas dit, du moins pas dans mes souvenirs, mais c'est une conséquence logique). Renan reste progressiste lorsqu'il élimine la race des critères : il prédit que si l'Allemagne continue de se soucier de la race, cela causera la ruine de l'Europe. (Visionnaire).

Alors voilà, je ne suis pas d'accord avec la plupart des idées, mais si je lis ce livre comme cernant l'idée de nation, je peux dire qu'il me semble viser juste. Il y a de bonnes choses à tirer de cet essai en dépit de mon désaccord.

Commenter  J’apprécie          30
Le premier élément qui saute aux yeux lorsqu'on lit la courte conférence « Qu'est-ce qu'une nation ? » d'Ernest Renan, c'est sa clarté didactique et son efficacité rhétorique. Une écriture puissante et accrocheuse confirme l'excellence de la forme du discours.
Le fond n'est pas sans intérêt non plus. L'exposition des différents facteurs d'unification de la France à l'époque des invasions barbares, la négation de la race comme critère d'une nation et la magnifique définition proposée dans la dernière partie de l'ouvrage sont splendides. le ton grandiloquent et fédérateur est à mon sens une des grandes qualités de la conférence.
Il faut cependant prendre du recul et contextualiser, pour replacer les propos convenablement dans l'histoire des idées. En réalité, Renan n'est pas un mondialiste qui ignore le facteur de la « race » : comme tous les européens du XIXe, il établit une hiérarchie des races et croit en l'infériorité des peuples colonisés. Toute la réflexion autour de la race, de la langue et de la religion est à resituer dans le contexte de la perte française de l'Alsace-Moselle au profit des Allemands, à la suite de la guerre fratricide de 1870. Les Allemands justifiaient leur annexion par le caractère germain des peuples locaux et de leur langue. Mais Renan défend le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes : il nie donc cette justification raciale et linguistique. Même si l'on peut décider de réadapter ces principes à notre époque, il faut recontextualiser, toujours.
Il y a ensuite quelques idées de Renan auxquelles je ne souscris pas, comme celle-ci, par laquelle Renan semble nié l'importance de l'uniformisation de la langue sur le territoire national : « Ne peut-on pas avoir les mêmes sentiments et les mêmes pensées, aimer les mêmes choses en des langages différents ? ». Je pense que contrairement à l'uniformité de la race ou de la religion, l'homogénéité de la langue est un facteur déterminant dans l'union nationale française.
Ou encore celle-ci, avec laquelle il prône l'existence d'une morale universelle et d'une culture « humaine » : « Avant la culture française, la culture allemande, la culture italienne, il y a la culture humaine. ».
Je l'ai soupçonné plusieurs fois d'user de quelques arguments fallacieux et de sophismes dans le but politique qu'il vise, à savoir la reconnaissance du statut français de l'Alsace.
Malgré ces quelques désaccords, la troisième partie de l'ouvrage, dans laquelle Renan définit le concept de nation, m'a beaucoup plu. Cette idée de lien séculaire au passé et de l'importance fondamentale de la volonté de transmettre ensemble du présent me semble juste et exacte.
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis. L'homme, Messieurs, ne s'improvise pas. La nation, comme l'individu, est l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j'entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans la passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. On aime en proportion des sacrifices qu'on a consentis, des maux qu'on a soufferts. On aime la maison qu'on a bâtie et qu'on transmet. Le chant spartiate : “Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes” est dans sa simplicité l'hymne abrégé de toute patrie.
Commenter  J’apprécie          70
N'abandonnons pas ce principe fondamental, que l'homme est un être raisonnable et moral, avant d'être parqué dans telle ou telle langue, avant d'être un membre de telle ou telle race, un adhérent de telle ou telle culture. Avant la culture française, la culture allemande, la culture italienne, il y a la culture humaine.

(p.26)
Commenter  J’apprécie          220
“si des doutes s’élèvent sur les frontières, consultez les populations disputées. Elles ont bien le droit d’avoir un avis dans la question”
Commenter  J’apprécie          391
Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’ on a faits et de ceux qu’ on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent dans un fait intangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’ existence d’ une nation est un plébiscite de tous les jours, comme l’ existence de l’ individu est une affirmation perpétuelle de vie.
Commenter  J’apprécie          80
Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent.

L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis.
Commenter  J’apprécie          101

Videos de Ernest Renan (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ernest Renan
Leçon inaugurale de Manfred Kropp prononcée le 15 novembre 2007. Manfred Kropp est professeur du Collège de France et titulaire de la Chaire Européenne (1989-2008).
Dans sa leçon inaugurale, prononcée le 15 novembre 2007, Manfred Kropp s'applique à (re)construire les premiers versets de la sourate 85, « le cercle du zodiaque ». Son approche résolument scientifique du texte religieux l'inscrit dans la tradition rationaliste au XIXe siècle par des figures comme celle d'Ernest Renan, professeur du Collège de France de 1862 à 1882.
Une coproduction Collège de France – CNED – Doriane Films
Découvrez la présentation de ses enseignements : https://www.college-de-france.fr/chaire/manfred-kropp-chaire-europeenne-1989-2008-chaire-annuelle
Toutes les ressources du Collège de France : https://www.college-de-france.fr
Le Collège de France est une institution de recherche fondamentale dans tous les domaines de la connaissance et un lieu de diffusion du « savoir en train de se faire » ouvert à tous. Les cours, séminaires, colloques sont enregistrés puis mis à disposition du public sur le site internet du Collège de France.
Suivez-nous sur : Facebook : https://www.facebook.com/College.de.France Instagram : https://www.instagram.com/collegedefrance Twitter : https://twitter.com/cdf1530 LinkedIn : https://fr.linkedin.com/company/collègedefrance
+ Lire la suite
>Sciences sociales>Science politique>Science politique (politique et gouvernement) (698)
autres livres classés : etat-nationVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (298) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
845 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}