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Issu d'une conférence prononcée à la Sorbonne en 1882, ce court essai se propose de définir la Nation, que visiblement admire l'historien Ernest Renan.

La Nation n'est pas un Etat et n'est pas synonyme d'ethnie, elle n'exige ni une religion ni une langue commune, et pourtant elle exige du commun, une volonté commune plus exactement de faire nation aujourd'hui comme demain et en oubliant les différences passées, c'est tout l'inverse de communautés vivant des existences parallèles.

Pourquoi Renan, pourtant historien, insiste t-il sur l'oubli ? Car soyons clair la genèse d'une nation c'est moche : l'unification de la France du Nord et du Midi ce sont des luttes et massacres, les catholiques et les protestants également, cet oubli loin de le déplorer, l'historien en fait une condition de la pérennité d'une nation, soulignant que “le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger.”

Fondamentalement, la vision de Renan s'oppose à une conception raciale de la Nation, l'auteur souligne que “la race est quelque chose qui se fait et qui se défait” et qu'il “n'y a pas de race pure”, le concept de race utile en zoologie n'a pas sa place en politique. L'auteur multiplie les exemples d'ethnies composites, à l'image de la France, de l'Allemagne, de l'Italie, du Royaume-Uni. La définition de la nation n'est définitivement pas à chercher du coté de l'ethnie, Renan soulignant : “il n'y a pas en France dix familles qui puissent fournir la preuve d'une origine franque”.

Positivement la Nation est donc une “conscience morale”, un consentement, un “plébiscite de tous les jours”, un consensualisme qui n'est pas sans rappeler les principes du vivre ensemble posés par Jean-Jacques Rousseau dans “Le Contrat Social”.

Le principe de validité du contrat c'est d'abord la rencontre des volontés… Que faire si l'Ecosse veut quitter le Royaume-Uni, la Crimée l'Ukraine, la Catalogne l'Espagne, si une frontière est disputée en Géorgie ou au Cachemire ? Ernest Renan propose : “si des doutes s'élèvent sur ses frontières, consultez les populations disputées. Elles ont bien le droit d'avoir un avis dans la question”, n'est ce pas déjà en germe le principe des peuples à disposer d'eux-mêmes ? Quand bien même ce principe conduit à la disparition de la Nation, Renan précurseur note que “la confédération européenne” sera amenée à remplacer les nations.

Le consentement n'a sans doute jamais autant été débattu que depuis ces dernières années, qu'il soit privé, consentement à l'utilisation des données personnelles, de la vie intime voire charnelle mais également le consentement collectif, social, public et politique, avec les réclamations de Référendum d'initiative citoyenne, de partage plus horizontal, plus local et plus étendu à l'ensemble des citoyens des responsabilités publiques.

L'enjeu reste la permanence avec laquelle le consentement perdure, au delà de la durée des vies humaines… n'entend t-on pas en 2021 des hommes politiques nous expliquer qu'il n'y a pas à rouvrir le débat sur le fonctionnement des institutions car les français ont voté pour la Vème République en…1958 ! oui les mêmes, sans doute, qui ont plébiscité Napoléon un siècle et demi plus tôt et qui ont élu Hugues Capet en 987…je n'entre même pas dans le principe du consentement à l'impôt pourtant garanti par la Déclaration des droits de l'Homme…Au risque de tourner en rond (point en GJ…).

Alors, comment s'assurer de l'adhésion à la Nation dans la durée ? Comment concilier stabilité, pérennité sans prendre pour acquis ce qui a été consenti à un moment plus ou moins reculé de l'histoire ?

qu'en pensez-vous ?
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Cet essai est remarquable, remettant en place toutes les idées reçues sur la nature d'une nation.
Pour l'auteur, le concept de nation ne repose ni sur la race, ni sur la langue, ni sur la religion, ni sur l'économie marchande et ses intérêts financiers, ni sur sa géographie.
Alors sur quoi repose la nation ?
En révolutionnant les principes fondamentaux qui créent l'idée de nation, Renan propose une communauté de destin unissant les individus vivant sur un territoire déterminé. En acceptant cette notion, les citoyens de ce pays, se rassemblent pour bâtir un passé, présent et futur commun, où ils pactisent de façon informelle, pour vivre ensemble en bonne intelligence, afin de consolider leur entité nationale.
Par ce concept presque impalpable, l'auteur ose une abstraction métaphysique de la nation. Mais pour réussir ce pari audacieux, il faut néanmoins une condition impérative, la nation doit être universelle et tous les individus se doivent d'y adhérer.
Car pour l'auteur, le danger mortel qui peut empêcher le consensus d'une communauté de destin, est le séparatisme communautaire quel qu'en soit sa nature. Comme un écrit prémonitoire, Renan émet l'hypothèse en cette fin de 19éme siècle, que la nation future de l'avenir sera européenne.
Bravo à lui, pour cette prédiction en cours de construction.
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Cette conférence d'Ernest RENAN date de 1882 et développe la vision française de la nation, de la nationalité et du nationalisme. En affirmant notamment : "Une nation est une âme, un principe spirituel" ou encore "Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore", l'auteur présente des arguments bien plus nobles que ceux développés par des auteurs tels que FICHTE, dont la récupération politique en Allemagne a eu des effets néfastes.
Ce texte date mais on côté visionnaire est toujours d'actualité et demeure un classique.
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Lu pour ma culture générale, cet ouvrage a éveillé en moi des sentiments mitigés. Déjà, il faut dire que je suis très loin d'être nationaliste. En fait, la notion de nation m'est étrangère. (Le nationalisme m'est étranger ;) ) Je n'ai donc pas lu ce livre car il est recommandé par la liste de lecture du RN (qui compte aussi du Gramsci, il y a pas mal de récupération dans cette liste). Même en évitant les a priori, je ne peux prétendre m'affranchir de toute idée reçue.

Formellement et dans la méthode, c'est bien écrit (ou bien dit, c'était une conférence à l'origine). Il s'agit de vivisection : traiter le monde contemporain de Renan (fin dix neuvième, période propice à un nationalisme romantique) comme une civilisation lointaine. La nation est une notion très disparate : la Suisse, confédération, en est une, la France aussi, pourtant ce sont deux modèles très différents.

Dans l'idée, il s'agit de chercher les critères qui font d'un peuple et territoire une nation : et d'abord, par élimination. Non, la race (ou l'origine ethnique pour s'adapter au 21e siècle), la langue, la religion, la géographie et les intérêts communs (sur ce point, abordé le plus rapidement des cinq, je vais revenir) ne font pas la nation. Déjà le RN (qui a recommandé cette lecture) devrait en prendre de la graine. Par ailleurs une nation ne devrait ni coloniser ni annexer d'autres territoires. (on est au dix neuvième siècle et la France comme d'autres nations européennes colonisaient, en cela Renan se montrait plutôt progressiste, surtout qu'il demande à ce qu'on respecte l'opinion des populations).

Non, la nation est davantage une question de conscience. L'intérêt commun, au fond, c'est bassement matériel. Bref, on nage dans l'idéalisme le plus totale, dans l'idéologie, et le ton surtout au troisième chapitre se fait dithyrambique. En tant que sinistre marxiste je n'aime pas tellement ça. Et pour quelqu'un qui encourage la nation, Renan écrit (marquant presque un but contre son camp) qu'une nation se fonde sur un oubli voire un effacement historique. C'est vrai : si j'apprends que Clovis a mené des guerres de conquêtes et a fondé la France sur la violence, mon sentiment d'appartenance à la nation (j'y reviendrais) faiblira. Et encore, j'ai dit Clovis mais j'ai pensé à des débats plus contemporains : faut il enseigner la colonisation ? (je pense que oui). Chirac a t il eu raison de reconnaître la responsabilité de l'Etat Français dans la Shoah en 1995 ? (sans être une grande chiraquienne je pense que oui). C'est là qu'on peut se demander si la recherche d'exactitude scientifique (ici, historique) ne prime pas sur le roman national. (et vous aurez compris vu la formulation que je pense que oui).

Mais voilà, la nation est psychologique, c'est une Idée. (Et une Noble Idée). Et donc effectivement, c'est une croyance, et si je diminue le sentiment d'appartenance à une nation (en enseignant les exactions de la France à l'école par exemple), je lui porte atteinte (ce n'est pas dit, du moins pas dans mes souvenirs, mais c'est une conséquence logique). Renan reste progressiste lorsqu'il élimine la race des critères : il prédit que si l'Allemagne continue de se soucier de la race, cela causera la ruine de l'Europe. (Visionnaire).

Alors voilà, je ne suis pas d'accord avec la plupart des idées, mais si je lis ce livre comme cernant l'idée de nation, je peux dire qu'il me semble viser juste. Il y a de bonnes choses à tirer de cet essai en dépit de mon désaccord.

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Le premier élément qui saute aux yeux lorsqu'on lit la courte conférence « Qu'est-ce qu'une nation ? » d'Ernest Renan, c'est sa clarté didactique et son efficacité rhétorique. Une écriture puissante et accrocheuse confirme l'excellence de la forme du discours.
Le fond n'est pas sans intérêt non plus. L'exposition des différents facteurs d'unification de la France à l'époque des invasions barbares, la négation de la race comme critère d'une nation et la magnifique définition proposée dans la dernière partie de l'ouvrage sont splendides. le ton grandiloquent et fédérateur est à mon sens une des grandes qualités de la conférence.
Il faut cependant prendre du recul et contextualiser, pour replacer les propos convenablement dans l'histoire des idées. En réalité, Renan n'est pas un mondialiste qui ignore le facteur de la « race » : comme tous les européens du XIXe, il établit une hiérarchie des races et croit en l'infériorité des peuples colonisés. Toute la réflexion autour de la race, de la langue et de la religion est à resituer dans le contexte de la perte française de l'Alsace-Moselle au profit des Allemands, à la suite de la guerre fratricide de 1870. Les Allemands justifiaient leur annexion par le caractère germain des peuples locaux et de leur langue. Mais Renan défend le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes : il nie donc cette justification raciale et linguistique. Même si l'on peut décider de réadapter ces principes à notre époque, il faut recontextualiser, toujours.
Il y a ensuite quelques idées de Renan auxquelles je ne souscris pas, comme celle-ci, par laquelle Renan semble nié l'importance de l'uniformisation de la langue sur le territoire national : « Ne peut-on pas avoir les mêmes sentiments et les mêmes pensées, aimer les mêmes choses en des langages différents ? ». Je pense que contrairement à l'uniformité de la race ou de la religion, l'homogénéité de la langue est un facteur déterminant dans l'union nationale française.
Ou encore celle-ci, avec laquelle il prône l'existence d'une morale universelle et d'une culture « humaine » : « Avant la culture française, la culture allemande, la culture italienne, il y a la culture humaine. ».
Je l'ai soupçonné plusieurs fois d'user de quelques arguments fallacieux et de sophismes dans le but politique qu'il vise, à savoir la reconnaissance du statut français de l'Alsace.
Malgré ces quelques désaccords, la troisième partie de l'ouvrage, dans laquelle Renan définit le concept de nation, m'a beaucoup plu. Cette idée de lien séculaire au passé et de l'importance fondamentale de la volonté de transmettre ensemble du présent me semble juste et exacte.
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Une nation n'est pas faite uniquement par une religion, une langue, une ethnie; une nation, c'est quand chacun, quelque soit ses origines, s'approprie l'histoire, la culture du pays auquel il appartient et veut construire un avenir avec ce pays. Ernest Renan a donc une vision que je trouve très optimiste de la nation, que je trouve belle et très actuelle.
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"Sur le fond, la conférence de Renan est d'abord un texte de réfutation, de mise en cause d'une certaine conception de la nation, il est ensuite, et surtout, dirons certains, un texte de proposition, sur fond d'analyse scientifique... La réfutation des conceptions classiques de la nation occupe la plus grande partie du discours d'Ernest Renan. Celui-ci reprend successivement chacun des critères classiques d'identification de la nation pour les écarter à partir d'exemples objectifs contraires, témoignant, si ce n'est de leur fausseté, du moins de leur relativité ou de leur manque de pertinence. Les différents critères contestés par Renan sont les suivants : une dynastie, la race, la langue, la religion, la communauté des intérêts et la géographie. La place accordée à leur réfutation est variable selon les critères et c'est, parmi eux, celui de la race, renvoyant à la conception germanique de la nation, qui fait l'objet des plus grands développements.... Parce que la nation est « un principe spirituel », ni la race, ni la langue, ni les intérêts, ni l'affinité religieuse, ni la géographie, ni les nécessités militaires ne sauraient suffire à crée un tel principe. Après avoir écarté ces critères, Renan construit une approche volontariste de la nation. La conception de la nation proposée par Renan est volontariste, et c'est précisément cette dimension qui domine dans la réception de son discours, mais elle est également pluraliste et située dans le temps...Les nations n'ont sans doute pas encore disparu, pas plus que la confédération d'Europe n'est advenue, l'histoire laisse ainsi place, de manière accidentelle, à une lecture contemporaine du discours de Renan pour connaître, aujourd'hui encore, ce qu'est une nation." (Xavier Magnon. ”Commentaire sous Qu'est-ce que la nation ? d'Ernest Renan”. Les grands discours de la culture juridique, Julie Benetti, Pierre Egéa et Wanda Mastor, 2020, pp. 134-150)
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Discours maintes fois cité car il contient de petites phrases-choc qui se prêtent bien à ce jeu, mais dont l'ensemble est très limité à mon avis.

Renan néglige d'abord un peu hâtivement certains critères (la langue, la race, l'affinité religieuse, la géographie, les intérêts communs, les nécessités militaires) pour nous donner sa définition : une nation c'est uniquement l'agrégation d'individus qui se regroupent par leur seule volonté de vivre ensemble.

Sauf que cette volonté de communauté ne se créé pas ex-nihilo ! Enfermé dans une conception très libérale du monde, Renan croit l'individu libre de toute contrainte physique, héréditaire, morale, et surtout sociale. Pourtant, chaque individu est le produit de son héritage, son éducation, sa position sociale, ce qui implique que les critères que Renan balaye d'un revers de la main au début de son discours ne soient pas totalement étrangers à ce qui fonde la nation.
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Comment se satisfaire d'une aussi piètre rhétorique ? Au détour d'une ligne de Simone Weil, je m'étais étonné de la lire déclarer qu'à propos de l'idée de nation "on cite habituellement une page médiocre de Renan". Je ne m'étonne plus car après lecture, médiocrité il y a.
Dans ce texte, il nous indique d'abord sur quoi ne serait pas fondée une nation : la langue, la race, la religion, la géographie, les intérêts communs. Sous prétexte que ces notions et celle de nation ne se superposent pas toujours, et qu'on trouve des exceptions, il en déduit qu'elles ne se superposent jamais. On ne fait pas sophisme plus fallacieux.
Puis, il affirme que la nation se plébiscite chaque jour lorsque ses citoyens veulent vivre ensemble dans le présent et partagent le même projet d'avenir car ils partagent aussi un passé commun de souffrances qui a forgé le caractère et lié les individus. Ce passé, Renan le dit lui-même, les citoyens en héritent de leurs ancêtres. Ce qu'il ne dit pas, c'est pourquoi ces ancêtres en sont venus à souffrir ensemble et à se créer un avenir ? Pour les raisons mêmes qu'il a nié auparavant : la langue, la race, la religion, la géographie, les intérêts communs.
Sur ce court texte, faite votre avis. Je ne sais s'il est intellectuellement malhonnête ou juste maladroit.
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Un texte qui replace la définition de Nation autour du vivre ensemble. Par cette conférence, il rejete ainsi tout idée de nationalisme, très en vogue en cette fin de 19e siècle.
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