07 juillet 2017
Ernest Renan, 1823-1892, né à Tréguier en Bretagne., agrégé de philosophie, membre de l'Académie des inscriptions et Belles lettres, Professeur au
Collège de France, élu à l'Académie française a connu ses heures de gloire et était, à une période de sa vie, doté d'une notoriété aussi grande que celle
De Chateaubriand. Il rédige ces "souvenirs d'enfance" une dizaine d'années avant sa mort. Il avait soixante ans.
Ces souvenirs vont lui permettre de rassembler dans un récit les rencontres qui formeront son esprit, donneront une ossature et une orientation à son jugement, à ses choix et surtout à son esprit critique et philosophique.
Il nait à Tréguier d'un père capitaine de vaisseau, souvent absent, " né pour naviguer et se battre" et d'une mère très joyeuse et "dont l'esprit naturel donnait une vie surprenante aux longues histoires qu'elle racontait"Elle lui décrit l'amour fou de la fille du broyeur de lin pour le vicaire, celle de sacristine la fille du menuisier, ou bien de Systéme, un sage philosophe complètement démuni matériellement mais qui voyait très haut et très loin.
Il résume toutes ces années de la manière la plus jolie qui soit:
"Ces souvenirs de mes premières années ne présentent guère que des impressions de sensibilité enfantine, de candeur, d'innocence et d'amour".
Ernest Renan, dès la prime jeunesse est certain de sa supériorité: "j'aimais les créatures faibles et jolies. Il y avait dans le premier éveil qui s'opérait en moi le sentiment d'une légère pitié.......je voyais bien ma supériorité intellectuelle". Puis un peu plus loin il résume : " A Tréguier, le centre du clan des Renan, bonnes gens venus du Cardigan sous la conduite de Fragan vers 480. Ils vécurent là 1300 ans d'une vie obscure, faisant des économies de pensées et de sensations, dont le capital accumulé m'est échu". Il se dit "Celte mêlé de Gascon mâtiné de lapon". Une identité romanesque!
Seulement voilà! Les années d'insouciance à Tréguier prennent fin le jour où l'abbé Dupanloup le sélectionne pour le séminaire St Nicolas du Chardonnet où il reste trois ans.
Il restera à Issy (succursale du séminaire de st Sulpice) deux ans pendant lesquels il approfondira ses études. Il se pose déjà mille questions et se sent attiré vers le protestantisme." Je regrettais par moments de n'être pas protestant, afin de pouvoir être philosophe sans cesser d'être chrétien" Il écrit en outre:" la théologie ressemble à une cathédrale gothique. Elle en a la grandeur, les vides immenses et le peu de solidité". Les fissures apparaissent nettement dans la démarche d'Ernest Renan.
Au séminaire de st Sulpice, il précisera ses convictions nouvelles et quittera la soutane : " L'idée qu'en abandonnant l'église je restais fidèle à Jésus s'empara de moi." Et d'ajouter pour soutenir ses préférences: " j'admirai d'autant la littérature que je n'en voyais pas les limites".
Il devint surveillant au collège Stanislas seulement quinze jours, puis répétiteur au collège Henri IV. Il avait vingt deux ans.
Il conclut cet ouvrage comme pour couronner ces temps de réflexions, de travail en écrivant: "Je n'aurai, en disant adieu à la vie, qu'à remercier la cause de tout bien, de la charmante promenade qu'il m'a été donné d'accomplir à travers la réalité".
Ernest Renan, auteur de multiples ouvrages, adopte un style très poétique.
Taine dit de lui qu'il écrit un roman à la place de la légende.
Emile Zola précise: "Monsieur Renan, qui est poète autant que savant a parfaitement compris son public en parant l'histoire de toutes les couleurs du roman."
Ce roman qui met bien en évidence la puissance de ses doutes, le détail de ses questions, le tourment et la culpabilité ressentis vis-à-vis de sa "mère" Bretagne, tellement traditionnelle et vis-à-vis de qui il a une dette de reconnaissance, une dette de bien être. Cet ouvrage soulève bien des sujets de réflexion s'appuyant sur le parcours atypique d'un personnage qui a marqué les esprits de son temps, de ceux qui l'ont lu et certainement de tous ceux qui ont envie de le découvrir. Ce carnet intime s'arrête à sa vingt deuxième année. Il continuera a écrire mais ceci est une autre histoire.......
Merci à Tremaouezan qui m'a entrainée dans cette lecture à la suite de son excellente critique sur Henriette la soeur de Renan.