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EAN : 9782070374533
416 pages
Flammarion (23/03/1983)
3.38/5   26 notes
Résumé :
La biographie intellectuelle d'un homme qui se penche sur son passé, recueillant " les bruits lointains d'une Atlantide disparue ", de cette ville d'Ys engloutie que chacun porte en soi.
Tréguier d'abord et la poésie du monde celtique. Puis l'Eglise, le conflit qui va marquer tout le siècle entre la raison et la foi, Saint-Sulpice dont Renan descendra les marches un jour d'octobre 1845 pour " ne plus jamais les remonter en soutane et pénétrer dans l'univers s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
07 juillet 2017


Ernest Renan, 1823-1892, né à Tréguier en Bretagne., agrégé de philosophie, membre de l'Académie des inscriptions et Belles lettres, Professeur au Collège de France, élu à l'Académie française a connu ses heures de gloire et était, à une période de sa vie, doté d'une notoriété aussi grande que celle De Chateaubriand. Il rédige ces "souvenirs d'enfance" une dizaine d'années avant sa mort. Il avait soixante ans.
Ces souvenirs vont lui permettre de rassembler dans un récit les rencontres qui formeront son esprit, donneront une ossature et une orientation à son jugement, à ses choix et surtout à son esprit critique et philosophique.
Il nait à Tréguier d'un père capitaine de vaisseau, souvent absent, " né pour naviguer et se battre" et d'une mère très joyeuse et "dont l'esprit naturel donnait une vie surprenante aux longues histoires qu'elle racontait"Elle lui décrit l'amour fou de la fille du broyeur de lin pour le vicaire, celle de sacristine la fille du menuisier, ou bien de Systéme, un sage philosophe complètement démuni matériellement mais qui voyait très haut et très loin.
Il résume toutes ces années de la manière la plus jolie qui soit:
"Ces souvenirs de mes premières années ne présentent guère que des impressions de sensibilité enfantine, de candeur, d'innocence et d'amour".
Ernest Renan, dès la prime jeunesse est certain de sa supériorité: "j'aimais les créatures faibles et jolies. Il y avait dans le premier éveil qui s'opérait en moi le sentiment d'une légère pitié.......je voyais bien ma supériorité intellectuelle". Puis un peu plus loin il résume : " A Tréguier, le centre du clan des Renan, bonnes gens venus du Cardigan sous la conduite de Fragan vers 480. Ils vécurent là 1300 ans d'une vie obscure, faisant des économies de pensées et de sensations, dont le capital accumulé m'est échu". Il se dit "Celte mêlé de Gascon mâtiné de lapon". Une identité romanesque!
Seulement voilà! Les années d'insouciance à Tréguier prennent fin le jour où l'abbé Dupanloup le sélectionne pour le séminaire St Nicolas du Chardonnet où il reste trois ans.
Il restera à Issy (succursale du séminaire de st Sulpice) deux ans pendant lesquels il approfondira ses études. Il se pose déjà mille questions et se sent attiré vers le protestantisme." Je regrettais par moments de n'être pas protestant, afin de pouvoir être philosophe sans cesser d'être chrétien" Il écrit en outre:" la théologie ressemble à une cathédrale gothique. Elle en a la grandeur, les vides immenses et le peu de solidité". Les fissures apparaissent nettement dans la démarche d'Ernest Renan.
Au séminaire de st Sulpice, il précisera ses convictions nouvelles et quittera la soutane : " L'idée qu'en abandonnant l'église je restais fidèle à Jésus s'empara de moi." Et d'ajouter pour soutenir ses préférences: " j'admirai d'autant la littérature que je n'en voyais pas les limites".
Il devint surveillant au collège Stanislas seulement quinze jours, puis répétiteur au collège Henri IV. Il avait vingt deux ans.
Il conclut cet ouvrage comme pour couronner ces temps de réflexions, de travail en écrivant: "Je n'aurai, en disant adieu à la vie, qu'à remercier la cause de tout bien, de la charmante promenade qu'il m'a été donné d'accomplir à travers la réalité".
Ernest Renan, auteur de multiples ouvrages, adopte un style très poétique. Taine dit de lui qu'il écrit un roman à la place de la légende.
Emile Zola précise: "Monsieur Renan, qui est poète autant que savant a parfaitement compris son public en parant l'histoire de toutes les couleurs du roman."
Ce roman qui met bien en évidence la puissance de ses doutes, le détail de ses questions, le tourment et la culpabilité ressentis vis-à-vis de sa "mère" Bretagne, tellement traditionnelle et vis-à-vis de qui il a une dette de reconnaissance, une dette de bien être. Cet ouvrage soulève bien des sujets de réflexion s'appuyant sur le parcours atypique d'un personnage qui a marqué les esprits de son temps, de ceux qui l'ont lu et certainement de tous ceux qui ont envie de le découvrir. Ce carnet intime s'arrête à sa vingt deuxième année. Il continuera a écrire mais ceci est une autre histoire.......
Merci à Tremaouezan qui m'a entrainée dans cette lecture à la suite de son excellente critique sur Henriette la soeur de Renan.



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On imagine mal quel fut, à sa sortie en 1863, le scandale provoqué par le livre d'Ernest Renan « La vie de Jésus ». L'auteur fut vilipendé, conspué mais nul ne pouvait nier son érudition et son talent. On lui érigea en reconnaissance pour l'ensemble de son oeuvre une statue à Tréguier, son village natal, onze ans après sa mort. Une année après, s'élevait un calvaire dit de « La Protestation » en réplique à cette affront fait à la religion chrétienne.
C'est Paul Léautaud dans les entretiens qu'il donna à Robert Mallet qui recommanda la lecture des ouvrages de Renan, j'ai donc suivi ses conseils. Car plus encore que l'itinéraire spirituel de ce jeune breton timide, il y a dans ces « Souvenirs d'enfance et de jeunesse » une réelle beauté de style, une grande intelligence de prose.
Comme son grand prédécesseur François René de Chateaubriand, comme Pierre Loti sept ans plus tard, ces hommes à la vie illustre et si riche, se penchent sur leur années d'enfance et de formation.
On peut douter que les lecteurs d'aujourd'hui, peu versés dans la scolastique et les études théologiques en général, se passionnent pour la vie d'un adolescent à St Nicolas du Chardonnet ou à St Sulpice. L'ouvrage vaut surtout, je crois, pour le caractère introspectif d'un homme qui va avoir le courage de rompre avec son milieu et de s'opposer à des maîtres pourtant vénérés. Il permet ainsi de saisir le cheminement intellectuel d'un caractère profondément honnête avec lui-même et fortement courageux. Pour tout philosophe, tout homme qui veut mesurer l'effort réel d'un mental pesant foi et raison, ce livre est essentiel.
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Retrouver dans un exemplaire déjà vieux d'un demi-siècle des marques de son propre passé, déchiffrer des commentaires que l'on a soi-même griffonnés dans la marge, surprendre des passages que l'on a soulignés, tenter de remettre les pas dans les pas de sa raison ou de son humeur, être surpris que les traces laissées comme autant d'indicateurs ne conduisent plus nécessairement à la même conclusion, redécouvrir une réflexion faite par un autre moi --celui précisément de sa jeunesse-- c'est tout le charme et l'intérêt qu'offre la relecture d'un livre ressorti d'une caisse de Livres de Poche ayant survécu à de nombreux déménagements.

Les Souvenirs d'enfance et de jeunesse d'Ernest Renan sont une compilation de plusieurs articles parus dans le Revue des Deux Mondes entre 1876 et 1882 quand l'auteur avait passé la cinquantaine. le premier article rapporte une histoire qui aurait pu être écrite par Maupassant : une jeune femme s'éprend du vicaire de son village ; lui feint ne pas s'en être aperçu ; vous lirez la suite. le deuxième article rapporte la violence de l'émotion ressentie par le jeune Ernest devant l'Acropole et dresse le portrait de divers personnages de sa famille dans le cadre de sa Bretagne natale. Cette première partie de l'ouvrage est d'une lecture agréable mais au contenu hétéroclite.

Les quatre derniers chapitres constituent un ensemble beaucoup plus cohérent. Ils décrivent le parcours d'Ernest Renan au travers de trois séminaires jusqu'à ce qu'il renonce au sous-diaconat qui l'eût engagé dans les ordres sacrés. Il s'agit donc d'une explication donnée à ses contemporains sur "certaines nuances de sa pensée". Ainsi, issu du Trégor et de ses traditions chrétiennes ancrées depuis des siècles, il décrit la "lutte sombre, pleine de raisonnements et d'âpre scolastique" qu'il mena au nom de la raison et de la liberté de penser pour s'affranchir de la doctrine enseignée par l'éveil de la conscience et la recherche de la vérité. On peut simplifier ce combat en considérant (comme le fait Renan lui-même) que sa foi a été détruite par la critique historique.

Oserais-je rapprocher le parcours de Renan de celui décrit par Shulem Deen dans "Celui qui va vers elle ne revient pas" ? La même forte influence du milieu de l'enfance sur l'enracinement dans la religion prédominante, la même démarche de questionnement sur les convictions ainsi acquises par infusion, le même choc de la confrontation à un tout autre monde que celui de son adolescence, le même besoin d'expliquer à ses contemporains qui traitent de renégat celui dont le parcours spirituel ne peut pas être taxé d'avoir été subi.

Du point de vue du consentement ou non à la religion de son enfance, les souvenirs de Renan gardent, tout leur intérêt et pourraient, aujourd'hui encore, être transposés sous d'autres cieux.
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La religion est irrévocablement devenue une affaire de goût personnel. Or, les croyances ne sont dangereuses que quand elles se présentent avec une sorte d'unanimité ou comme le fait d'une majorité indéniable. Devenues individuelles, elles sont la chose du monde la plus légitime, et l'on n'a dès lors qu'à pratiquer envers elles le respect qu'elles n'ont pas toujours eu pour leurs adversaires, quand elles se sentaient appuyées.

Préface
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Citations et extraits (105) Voir plus Ajouter une citation
Le moindre acte de vertu, le moindre grain de talent, me paraissent infiniment supérieurs à toutes les richesses, à tous les succès du monde. Mais, comme j’avais l’esprit juste, je vis en même temps que l’idéal et la réalité n’ont rien à faire ensemble ; que le monde jusqu’à nouvel ordre, est voué sans appel à la platitude, à la médiocrité ; que la cause qui plaît aux âmes bien nées est sûre d’être vaincue ; que ce qui est vrai en littérature, en poésie, aux yeux des gens raffinés, est toujours faux dans le monde grossier des faits accomplis. Les événements qui suivirent la révolution de 1848 me fortifièrent dans cette idée. Il se trouva que les plus beaux rêves, transportés dans le domaine des faits, avaient été funestes, et que les choses humaines ne commencèrent à mieux aller que quand les idéologues cessèrent de s’en occuper. Je m’habituai dès lors à suivre une règle singulière, c’est de prendre pour mes jugements pratiques le contre-pied exact de mes jugements théoriques, de ne regarder comme possible que ce qui contredisait mes aspirations. Une expérience assez suivie m’avait montré, en effet, que la cause que j’aimais échouait toujours et que ce qui me répugnait était ce qui devait triompher. Plus une solution politique fut chétive, plus elle me parut dès lors avoir de chances pour réussir dans le monde des réalités.

En fait, je n’ai d’amour que pour les caractères d’un idéalisme absolu, martyrs, héros, utopistes, amis de l’impossible. De ceux-là seuls je m’occupe ; ils sont, si j’ose le dire, ma spécialité. Mais je vois ce que ne voient pas les exaltés ; je vois, dis-je, que ces grands accès n’ont plus d’utilité et que, d’ici à longtemps, les héroïques folies que le passé a déifiées ne réussiront plus. L’enthousiasme de 1792 fut une belle et grande chose, mais une chose qui ne peut se renouveler. Le jacobinisme, comme M. Thiers l’a très bien prouvé, a sauvé la France ; maintenant il la perdrait. Les événements de 1870 ne m’ont pas précisément guéri de mon pessimisme. Ce que j’appris cette année-là, c’est le prix de la méchanceté, c’est ce fait que l’aveu éhonté qu’on n’est ni sentimental, ni généreux, ni chevaleresque, plaît au monde, le fait sourire d’aise et réussit toujours. L’égoïsme est juste le contraire de ce que j’avais été habitué à regarder comme beau et bien. Or le spectacle de ce monde nous montre l’égoïsme seul récompensé.
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Mes maîtres m'enseignèrent, d'ailleurs, quelque chose qui valait infiniment mieux que la critique ou la sagacité philosophique: ils m'apprirent l'amour de la vérité, le respect de la raison, le sérieux de la vie. Voilà la seule chose en moi qui n'ait jamais varié.
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La théologie et l’étude de la bible allaient bientôt m’absorber, me donner les vraies raisons de croire au christianisme et aussi les vraies raisons de ne pas y adhérer. Durant quatre ans, une terrible lutte m’occupa tout entier, jusqu’à ce que ce mot, que je repoussai longtemps comme une obsession diabolique : « Cela n’est pas vrai ! » retentît à mon oreille intérieure avec une persistance invincible. Je raconterai cela dans les chapitres suivants. Je peindrai aussi exactement que je pourrai cette maison extraordinaire de Saint-Sulpice, qui est plus séparée du temps présent que si trois mille lieues de silence l’entouraient. J’essayerai enfin de montrer comment l’étude directe du christianisme, entreprise dans l’esprit le plus sérieux, ne me laissa plus assez de foi pour être un prêtre sincère, et m’inspira, d’un autre côté, trop de respect pour que je pusse me résigner à jouer avec les croyances les plus respectables une odieuse comédie.

Le petit séminaire saint-nicolas du chardonnet, III
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"L'ère de la médiocrité en toute chose commence, disait naguère un penseur distingué. L'égalité engendre l'uniformité, et c'est en sacrifiant l'excellent, le remarquable, l'extraordinaire, que l'on se débarrasse du mauvais. Tout devient moins grossier; mais tout est plus vulgaire. " Au moins peut-on espérer que la vulgarité ne sera pas de sitôt persécutrice pour le libre esprit.
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Ma mère était tout à fait de ce vieux monde par ses sentiments et ses souvenirs. Elle parlait admirablement le breton, connaissait tous les proverbes des marins et une foule de choses que personne au monde ne sait plus aujourd'hui. Tout était peuple en elle, et son esprit naturel donnait une vie surprenante aux longues histoires qu'elle racontait et qu'elle était presque seule à savoir. Ses souffrances ne portèrent aucune atteinte à son étonnante gaieté ; elle plaisantait encore l'après-midi où elle mourut. Le soir, pour la distraire, je passais une heure avec elle dans sa chambre, sans autre lumière (elle aimait cette demi-obscurité) que la faible clarté du gaz de la rue. Sa vive imagination s'éveillait alors, et, comme il arrive d'ordinaire aux vieillards, c'étaient les souvenirs d'enfance qui lui revenaient le plus souvent à l'esprit. Elle revoyait Tréguier, Lannion, tels qu'ils furent avant la révolution ; elle passait en revue toutes les maisons, désignant chacune par le nom de son propriétaire d'alors. J'entretenais par mes questions cette rêverie, qui lui plaisait et l'empêchait de songer à son mal.

Le broyeur de Lin. II
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Vidéo de Ernest Renan
Leçon inaugurale de Manfred Kropp prononcée le 15 novembre 2007. Manfred Kropp est professeur du Collège de France et titulaire de la Chaire Européenne (1989-2008).
Dans sa leçon inaugurale, prononcée le 15 novembre 2007, Manfred Kropp s'applique à (re)construire les premiers versets de la sourate 85, « le cercle du zodiaque ». Son approche résolument scientifique du texte religieux l'inscrit dans la tradition rationaliste au XIXe siècle par des figures comme celle d'Ernest Renan, professeur du Collège de France de 1862 à 1882.
Une coproduction Collège de France – CNED – Doriane Films
Découvrez la présentation de ses enseignements : https://www.college-de-france.fr/chaire/manfred-kropp-chaire-europeenne-1989-2008-chaire-annuelle
Toutes les ressources du Collège de France : https://www.college-de-france.fr
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