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EAN : 9782363832474
178 pages
Les Petits Matins (08/03/2018)
4.6/5   43 notes
Résumé :
Les violences sexuelles envers les femmes n’apparaissent pas spontanément. Elles ne font pas partie de la « nature humaine » ni ne sont le résultat d’incontrôlables pulsions masculines. Elles ont des causes sociales – impunité des agresseurs, idées reçues sur la sexualité, inégalités structurelles – qui forment ce que l’on appelle une « culture du viol ». Cela va de remarques apparemment anodines qui culpabilisent les victimes à un traitement trop fréquent des viols... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Clair, court, concis, détaillé, efficace. Must have quand on n'hésite pas à se lancer dans des débats. Les références sur les études sont très nombreuses. Des pistes pour aller plus loin, des leviers à activer au quotidien et c'est peut-être le plus important, on sait que le bilan est mauvais avant de lire ce livre mais proposer des axes de travail, donner des idées, les répandre, ça, ça peut changer la donne et c'est pour ça que ce livre est TRES utile, voire indispensable.

Au quotidien :
Ligne d'écoute : 08 00 05 95 95
1er conseil à appliquer : SE DESOLIDARISER des agresseurs qu'ils soient amis, collègues ou de la famille, ils ne méritent pas votre compassion ou votre écoute, encore moins votre tolérance.

(Prise de notes)

Etats des lieux (des clichés) :
-> Les agresseurs sont principalement des hommes et les victimes principalement des femmes et des enfants : VRAI
*94% des agressions sexuelles sur les femmes sont le fait des hommes
*75% des agressions sexuelles sur les hommes sont le fait des hommes
(Enquête CSF)
*80% des victimes d'agression sexuelle sont des femmes.
Selon l'enquête Virage (Violence et rapport de genre) 56% des femmes et 76% des hommes ont moins de 18 ans lorsqu'ils subissent la 1ère violence.

-> Une "vraie" agression, un "vrai" viol, c'est commis avec une arme : FAUX (représente 11% "seulement")
*70% des viols et tentatives de viol sont issus de l'entourage
*10% des victimes "seulement" présentent des blessures physiques
(Toujours les chiffres de l'enquête Virage)

-> Une vraie victime de viol se débat : FAUX
Principe de sidération, seulement 19% des victimes se débattent tout le long.

-> Les violences sexuelles sont surtout commises par des hommes pauvres : FAUX
Le peu d'études qui existent démontrent soit une multitude de métier concernés, soit une grande représentation chez les riches. (Il n'y a qu'à penser à WEINSTEIN, EPSTEIN, TRUMP, DARMANIN, tous les médecins qui ont fait scandales, les profs, qui a défaut d'être riches sont d'une classe sociale cultivée et relativement aisée et j'en passe...)
*2,8% des étudiantes aux USA sont violées au bout de 7 mois et les agresseurs sont souvent issus des fraternités ou d'équipes sportives.

-> Les violeurs/agresseurs sont "malades" : FAUX
*7% seulement ont une maladie mentale (étude qui date de 2009)

-> En manque de sexe : FAUX
*Sur 114 condamnés, 89% avaient des rapports réguliers (2x/semaine en moyenne)
*Les études démontrent que les agresseurs sexuels ont, en moyenne, plus de partenaires sexuels que les non-agressifs.

-> le viol est dû à une pulsion : FAUX
C'est une décision rationnelle basée sur un rapport bénéfice/risques sinon ils seraient facilement pris. Les violeurs en série ne laissent rien au hasard, tout est calculé et souvent prémédité.

-> Beaucoup de plaintes sont des mensonges : FAUX
*2 à 10% des plaintes sont concernées.

Définition (juridique) du viol : "Tout acte de pénétration sexuelle, de quelconque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise constitue un viol" Art. 121-4 du Code Pénal
Ce sont les magistrats qui jugent des notions de violence, contraint, menace et surprise. Et, par ailleurs, l'insertion d'objet ne vaut pas si c'est dans la bouche. (WTF ?)
Pour ce délit c'est 15 ans de prison, 20 pour circonstances aggravantes)

Définition (juridique) de l'agression sexuelle : "Toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise" Art. 222-22 et peut valoir 5 ans de prison (7 pour circonstances aggravantes)
NB : Revenge porn = 2 ans de prison

En 2000, enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff) = 8,4% des femmes avait subit un "rapport sexuel forcé" ou tentative.
En PARALLELE :
CSF en 2006 l'établissait à 15,9% (et 4,5% des hommes)
Un écart dû à la libération de la parole mais aussi dû au flou des définitions (viol ou agression ?)
En 2016, (enquête Virage) chiffres encore en baisse, pourquoi ?
-> 38 000 à 120 000 femmes adultes subirait un rapport forcé ou une tentative/an en moyenne de toutes ces enquêtes.

Concernant le profil des agresseurs, aucune enquête en France mais aux USA ça donne :
*5 à 13% admettent avoir violé ou tenté de violer en usant de la force ou en prenant l'avantage sur une personne ivre ou droguée
*6 à 27% admettent avoir usé de contraintes plus subtiles : insistances, mensonges, menaces de rompre
*10 à 20% déclarent avoir commis des attouchements sexuels non désirés
Globalement, 25 à 43% des hommes ont concernés et, comme pour les victimes, ces chiffres souffrent de sous-déclaration.

* 5 à 13% des victime de viol portent plaintes
* 2% des victimes d'agression
Ces chiffres français se retrouvent dans d'autres pays.
* 15 à 25% débouchent sur une condamnation dont 9% iront jusqu'aux assises.
Au ratio, seuls 2% des violeurs sont condamnés.
La question qui se pose est donc : pourquoi tant t'impunités ?

Partie 2 : Les mécanismes de l'impunité
3 niveaux de gravité dans la justice et, si le viol était un crime depuis les années 1970, il a fallu attendre le procès d'Aix et la loi de 1980 pour que la cour d'assise soit appelée. Dans les faits, on requalifie EN MASSE (la moitié) en "agression sexuelle" et les affaires passent devant le tribunal correctionnel. Globalement, toutes les formes de violences sexuelles connaissent cette "désescalade" (rapport de l'AVFT)
En principe, la victime peut accepter ou non la correctionnalisation mais c'est bien le problème, on les incite fortement voire on passe carrément outre leur accord.

Et POURQUOI ?
1/ Parce que ça coûterait trop cher. La justice manque de moyens (Source : ORDCS) Ce qui m'effare c'est que c'est déjà le cas aujourd'hui et on ne parle que des 10% de viols signalés, que ce passerait-il si TOUT LE MONDE parlait ? Il est beau Macron et son fil rouge de protection de la femme...
2/ L'impunité sociale : POLANSKI, WEINSTEIN, TRUMP, BAUPIN, STRAUSS-KAHN (DARMANIN !) pareil dans le cercle familiale : BARBARIN (LE SCOUARNEC et ces jours-ci le scandale avec la famille Kouchner : Olivier DUHAMEL)
3/ le problème des stéréotypes, ce qu'on considère comme un "vrai" viol c'est à dire avec un inconnu violent et dans un lieu public et une "vraie" victime, c'est à dire une personne pure, intouchable.

Tout ceci rentre dans le cadre du "rape myths" = mythe sur le viol et ceux qui y adhèrent ont tendance à chercher des excuses aux coupables (les hommes en sont victimes également puisque dans ces théories un homme ne peut pas être violé)
Catégorie 1 : la victime ment ou exagère
"Tant qu'un homme n'est pas muni d'une arme, d'un couteau ou d'un revolver, une femme peut toujours se défendre" Catherine Millet, 2011, affaire DSK
Catégorie 2 : le genre de la sexualité = les femmes ont une sexualité passive ou masochiste, les hommes ont des pulsions + répression morale ancienne pour les dévergondées, 40% des français estiment que la responsabilité du violeur est atténuée si il y a eu une attitude provocante. + discours néolibéral sur le manque de jugement (la faute revient à ta décision, tant pis pour le contexte et les facteurs extérieurs)

Enquête CSP 2006 :
*39% des hommes et 54% des femmes victimes de viol ou d'une tentative en ont parlé à quelqu'un
-> dénonciation dans le cadre du travail, les victimes reçues par l'AVFT avaient, dans 95% des cas, perdu leur travail = poids du silence, peur, emprise.

Le système de police et de justice n'échappe pas aux idées reçues :
-> les "vrais" viols sont deux à trois fois plus signalés
-> un suspect blanc a deux fois plus de chance de ne pas faire l'objet d'une enquête approfondie, et ONZE fois plus de chance si sa victime n'est pas blanche.
Ironie de l'histoire, les viols favorisés dans le système judiciaire (les "vrais") sont aussi la catégorie ou l'on retrouve souvent les plaintes mensongères.

-> Maltraitance dans le processus judiciaire

-> Une étude démontre que le vrai facteur qui influe sur le passage à l'acte c'est la probable impunité. Depuis les années 80 les études de ce genre rapporte un ratio de 30 à 35% d'hommes qui auraient une propension au viol. Et la plupart d'entre eux adhèrent au mythe du viol (comme c'est pratique pour déculpabiliser)

-> Histoire du viol, Georges Vigorello + p.79 référence 82 à approfondir.

-> Les axes de domination :
*physique
*psychologique
*Statutaire
*économique
Les études démontrent que la vulnérabilité (handicap, pauvreté) multiplie les risques car renforces les axes de domination.

A-t-on affaire à un désir sexuel ou un désir de domination ? (je vous le donne en mille...)
-> étude de cas à différents hommes de différents pays (Allemagne, R-U et Zimbabwe) : résultat c'est le plaisir de dominer qui ressort.
En règle général on remarque que les hommes les plus agressifs sexuellement sont ceux qui adhèrent à toutes les formes de hiérarchies sociales, qui se plaisent dans les inégalités.

-> le viol comme punition = alimente l'idée qu'une fille violée l'a cherché + terreur & contrôle du comportement des femmes et ça fonctionne : alimente l'idée que les femmes sont fragiles et ont besoin d'être protégées.
+ stéréotype du "vrai" viol qui alimente la restriction de liberté de circulation. C'est quand elles exercent leur autonomie qu'elles sont pointées du doigt
+ le comportement sexuel, comme si avoir de l'appétit, des envies, un passif avec plusieurs partenaires, justifiait le viol.

-> Assertivité (le manque chez les femmes se développe dès l'enfance) = dire "non" est compliqué et une étude sur la communication sexuelle a été faite et a démontré que passivité, rigidité, fermeture et manque de réaction étaient parfaitement "audible" l'excuse du "elle n'a pas di non, j'ai cru qu'elle était consentante" est un prétexte

-> Coercition économique ! Les femmes ont moins le choix, mois de moyens et ont peur.
La coercition économique est invisibilisée dans certains cas : le couple, le sentiment de reconnaissance quand le cadeau ou l'argent nous sauver, inceste.
Les hommes s'attribuent les ressources matérielles et les femmes sont obligée de vendre leur corps pour y avoir accès (en grossissant les traits)
Et pour couronner le tout, on retourne le processus contre les femmes : ce sont elles qui paraissent vénales !

-> La dualité (sexuelle) homme/femme au service de la domination masculine.
Tout un imaginaire que le plaisir se faire dans la violence et qu'il n'est pas le même d'un genre à l'autre :
* John Grey (Mars et Vénus)
* Fifty Shades
* Porno mainstream
La pénétration est associée symboliquement au pouvoir. En témoigne l'attitude des hommes homosexuels comme hétérosexuels pour qui l'idée d'être pénétré est rédhibitoire

Les axes de travail :
(Faire une recherche sur la convention d'Istanbul)
* éducation à l'égalité homme/femme dès l'école maternelle et de façon obligatoire
* éducation sexuelles adaptées à tout âge et transmettre la capacité de dire "non" dès le plus jeune âge, donner la notion de consentement et de respect de l'autre. Pour les ados, approfondir le consentement et la notion de liberté sexuelle.
* campagne nationale contre les agressions sexuelles (des actions passées ont démontré que ça avait de l'impact)
* partenariats avec les écoles de journalisme pour que les thématiques soient mieux traitées dans les médias
* former TOUS les professionnels en contact avec les victimes depuis le médical jusqu'au judiciaire en passant par les profs, travailleurs sociaux... + les jurés d'assises
* un repérage systématique par les médecins pour libérer la parole.
* juridiquement, mieux définir le viol en responsabilisant les hommes, ce seront à eux de démontrer comment ils ont obtenu le consentement + établir une liste de circonstances coercitives qui invalideraient le consentement
* juridiquement toujours, mettre ne place une présomption d'absence du consentement pour les mineurs, irréfragable en deçà d'un certain âge et prenant en compte les écarts d'âge par la suite. Pour l'instant, le viol n'existe pas sans preuve de recours à la violence, contrainte, menace ou surprise
* rallonger les délais de prescription voire rendre le viol imprescriptible comme la majorité des pays anglophones.

Là, l'autrice propose aussi des restrictions sévères sur la pornographie et la prostitution mais je ne suis pas d'accord : il y a de la prostitution choisie et agréable pour celles qui l'exercent (Cf Emma Becker) qui sommes-nous pour leur dire qu'elles ont tort ? Tout comme il y a de la pornographie respectueuse et inclusive. Règlementer oui, interdire non. (Ce n'est que mon point de vue)

* empêcher la correctionnalisation ! le HCE recommande une circulaire de politique pénale différenciée au parquets pour retenir la qualification criminelle.
* renforcer le budget pour les plans de lutte (actuellement 0,007% du budget) l'effet d'annonce des 115 millions est mensonger, on atteint difficilement les 25 millions dans les faits
* renforcer la justice : 75€/habitant actuellement (2020) contre 150 en Allemagne, 157 au R-U et 187 au Luxembourg. La France est 22ème sur 28 en % du PIB à l'échelle européenne et 24ème sur 28 pour le nombre de juge/habitant (10/10 000)
* lutte contre les inégalités économiques qui nous rendent dépendantes
* convergence des luttes contre la domination

Finalement, c'est toute une forme de réflexion à revoir : l'idée que la sexualité des hommes est active et celle de la femme, passive est fausse et nous présente, les femmes, comme un objet désiré, uniquement éveillé et satisfait par l'homme, les exemples ne manquent pas : fifty shades (je pense à 365 DNI aussi mais on va bien au delà du réveil de désir par l'homme, il s'agit de goût pour la violence et la séquestration, du haut niveau...)

Définir le consentement, comme au Canada, permettrait d'éviter le flou car le définir permet d'axer le débat sur le comportement de la victime et non celui de l'agresseur, de chercher la volonté et le désir.
Mais le mot ne lui-même est peut-être un problème car il sous-entend, lui aussi, une forme de passivité pour la femme. le consentement doit être mutuel et éclairé.
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Les violences sexuelles, un phénomène massif et toléré socialement

« venues des profondeurs d'un silence qui a si longtemps refoulé la souffrance honteuse des corps violés ». Dans sa préface Michelle Perrot souligne : « Il faut défricher cette étrange inversion qui fait des victimes les quasi-coupables, acculées à se défendre, à dissimuler, à se taire et soupçonnées, quand elles osent parler, de vouloir attenter à la stature et à l'honneur de l'homme ». La préfacière rappelle aussi que « le viol est une affaire de pouvoir, où la jouissance de la domination l'emporte sur le désir sexuel », qu'il s'agit bien d'une forme de « contrôle disciplinaire », d'asservissement des femmes.

Affaire Harvey Weinstein, #metoo, une incroyable libération de la parole, l'importance des violences sexuelles subies par les femmes au grand jour. L'autrice a bien raison de signaler que nous ne sommes plus dans la période de DSK, du « il n'y a pas mort d'homme » et autres « troussage de domestique ». Les violences sexuelles ne sont pas des événements isolés. Il y a un ensemble de mécanismes (violences, impunité des agresseurs, culpabilisation des victimes, etc.) qui forment un véritable système.

« Dans ce livre,il sera question d'analyser les mécanismes favorisant les violences sexuelles et leur tolérance dans les pays occidentaux, avec une attention particulière portée à la France ». le viol n'est pas un crime rare et l'écrasante majorité des agresseurs n'ont pas à répondre de leurs actes.

Dans une première partie, Noémie Renard analyse quelques clichés. Les agresseurs sexuels sont principalement des hommes et les victimes principalement des femmes et des enfants (VRAI). Les viols sont surtout commis par des inconnus utilisant une arme et infligeant des blessures physiques (FAUX). Il faut une fois de plus rappeler que « très généralement les viols sont commis par des personnes connues de la victime ». Une victime de viol se débat nécessairement (FAUX). L'autrice souligne que « une majorité d'entre elles sont frappées de paralysie au moment des faits » et parle d'effet de sidération. Les viols commis par des inconnus ont des conséquences plus graves sur les victimes que ceux commis par un proche (FAUX). Elle insiste sur la rupture de confiance qu'engendrent les violences sexuelles commises par un proche. Les violences sexuelles sont surtout commises par des hommes défavorisés (FAUX). Les agresseurs appartiennent à tous les catégories sociales, à tous les milieux socio-professionnels. Les agressions sexuelles sont commises par des hommes atteints de maladie mentale (FAUX). Les comportements sociaux ne sont ni réductibles à des causes individuelles ni bien évidement médicales. Les hommes qui agressent sexuellement le font parce qu'ils sont en manque de sexe (FAUX). Ils ont majoritairement des partenaires. le viol est dû à une pulsion incontrôlable (FAUX). Pauvres hommes qui seraient soumis à irrépressibles envies ! Et cet argumentaire fallacieux permettant de justifier des crimes. Contrairement aux fables sociales « le viol est le fruit d'une décision rationnelle, dépendant d'un rapport bénéfices/risques , c'est une acte calculé, souvent prémédité. Beaucoup de plaintes pour viols ou agressions sexuelles sont mensongères (FAUX). Comme chacun·e le sait le menteur c'est toujours l'autre. Les accusations mensongères certes existent, elles ne représentent qu'une infime minorité des plaintes. Il faut de plus souligner que la très grande majorité des viols et des agressions ne donnent pas lieu à plainte…

Les violences sexuelles sont un phénomène massif, les différentes enquêtes permettent de se faire un ordre d'idée, « on estime qu'entre 38 000 et 120 000 femmes adultes subiraient un rapport forcé ou une tentative de rapport forcé chaque année » ; aux USA, une femme sur cinq aurait subit un viol ou une tentative de viol dans sa vie ; plus d'un quart des hommes reconnaissent avoir perpétré au moins une fois dans leur vie une agression sexuelle ou une pénétration par la contrainte…

Noémie Renard aborde les conséquences des violences sur la santé des femmes, « elles entraînent des séquelles psychologiques qui peuvent persister des années après l'agression », le syndrome de stress post-traumatique, les dégradation de la santé physique, les liens avec les addictions à l'alcool ou aux autres drogues. Encore une fois, il ne s'agit donc pas d'un problème privé mais bien d'un « problème majeur de santé publique ». Violences et impunité, « seulement 2% des violeurs et agresseurs sexuels sont condamnés »

Violences massives et impunité généralisée. « une culture de viol se caractérise par des éléments plus insidieux comme les idées reçues et des attitudes concernant es actes et la sexualité, ainsi que par des inégalités sociales entre hommes et femmes et entre adultes et enfants ».

Les violences sont minimisées par la justice et la société, les crimes sont disqualifiés en agressions sexuelles, « la correctionnalisation ne peut qu'aggraver la banalisation du viol », Roman Polanski, Harvey Weinstein, Denis Baupin, Dominique Strauss-Kahn, Donald Trump… « socialement, les agresseurs n'ont pas cher à payer pour leurs actes ». Surdité dans les familles pour les actes pédocriminels, déni dans l'Eglise catholique de mêmes actes, « c'est souvent la passivité et l'inertie qui priment face aux dénonciations ».

L'autrice déconstruit les mythes autour des « vrais viols », les prégnances dans l'imaginaire collectif, la minimisation de la responsabilité du violeur, les « mensonges » des femmes, les chimères autour de la sexualité. Elle insiste sur les phénomènes d'emprise, le silence des entourages, les dynamiques de déni… et leurs conséquences sur les processus judiciaires.

Sous estimation de la terrible violence, disponibilité sexuelle des femmes et droit d'accès des hommes à leur corps, présomption de consentement à l'activité sexuelle, suspicion permanente envers les paroles des femmes et des enfants. Noémie Renard oppose un autre droit : « Autrement dit, un tel droit s'intéresserait avant tout à la volonté et aux désirs réels des protagonistes de l'interaction sexuelle, et non pas aux moyens déployés par l'agresseur pour faire céder sa victime ».

L'autrice détaille les conséquences de l'impunité organisée, le moindre possible rétablissement des victimes, un parcours judiciaire comme « seconde victimisation ». Elle parle de manque d'empathie et de considération. Il ne faudrait cependant pas oublier les effets de cette impunité sur les violeurs puisque leurs actes ne sont pas sanctionnés, que le rapport bénéfices/risques est encore renforcé. En fait le viol n'est pas interdit, il est juste régulé comme pratique d'appropriation.
Noémie Renard analyse, dans la troisième partie « le viol, une histoire de pouvoir et de domination », le sens politique des violences sexuelles, la domination des enfants (en complément possible, Yves Bonnardel : La Domination adulte, l'oppression des mineurs) et les incestes (lire par exemple, Jeanne Cordelier et Mélusine Vertelune : Ni silence ni pardon. L'inceste : un viol institué), les états de dépendance, le lien entre pauvreté et vulnérabilité, un certain « droit de cuissage », les désirs de pouvoir, le viol « comme moyen de revendiquer un droit d'accès à un corps féminin », le contrôle disciplinaire et la restriction de circulation des femmes, la non-liberté des femmes de choisir leurs vies sexuelles…

« le viol , c'est de la violence, de la domination, de l'humiliation, mais sous une forme sexualisée ». Quels rapports existent-ils entre hétéro-normativité et viol ? Qu'en est-il de la liberté sexuelle des femmes « face aux hommes et face à un système économique » ?. Noémie Renard rappelle que « l'hétérosexualité est perçue comme la seule forme de sexualité « naturelle » et « normale » », que cette norme est une première réduction à la liberté des femmes. Elle aborde, entre autres, les rapports non désirés, la coercition, les chantages et les manipulations, l'« obéissance sexuelle », le « devoir » miroir des supposés « besoins sexuels » des hommes, le manque de réciprocité, la pénétration vaginale conçue « comme l'alpha et l'omega de l'activité hétérosexuelle », le manque de verbalisation, « quand dire « non » devient trop difficile », la coercition économique et le manque d'autonomie, la pornographie (« La pornographie est donc l'expression d'un imaginaire collectif où la sexualité est intimement liée à la domination masculine ») et la prostitution, les négations des désirs sexuels des femmes, les croyances en l'égalité comme « anti-sexe », le continuum de violences…

Je souligne le chapitre sur « La coercition graduelle au cours des interactions sexuelles », les gestes non-anodins, les différents niveaux de contrainte, le désintérêt des hommes envers le plaisir des femmes.

Beaucoup discourent, à propos de sexualité, du consentement des femmes. Et si nous parlions du consentement des hommes à la pornographie, aux violences sexuelles, aux actes prostitueurs, aux viols ?

Il faut se donner les moyens politiques pour lutter contre la culture du viol. Cela passe, entre autres, par l'éducation à l'égalité femmes-hommes dès l'école maternelle, une éducation à la sexualité adaptée aux différents ages des jeunes, reconnaître et prévenir les situations d'agressions sexuelles, parler du plaisir de chacun·e… « Précisons que la sensibilisation et l'éducation à l'égalité femmes-hommes et aux violences faites aux femmes font partie des obligations de la Convention d'Istanbul » (https://rm.coe.int/1680084840).

Cela implique aussi une meilleure prise en charge des victimes de violences sexuelles, la formation des professionnel·les dont l'ensemble des praticien·nes médicaux et juridiques, l'amélioration des définitions légales du viol et des agressions sexuelles, de ne plus considérer « que les femmes sont a priori consentantes, mais au contraire, que ce consentement doit être exprimé par une personne en capacité de le faire », de mieux protéger les mineur·es, de rappeler qu'« user de la contrainte économique pour obtenir un rapport non désiré de la part d'autrui » est « une violence et une violation du droit à l'intégrité physique d'autrui », de proposer aux personnes prostituées de véritables alternatives, de qualifier la pornographie en regard aussi du proxénétisme, de combattre l'ensemble du système social inégalitaire.

Et immédiatement, à notre échelle, se désolidariser des agresseurs sexuels et des violeurs, « La honte doit changer de camp ».

Il n'y a ici rien relevant de la fatalité, du naturel. Un livre à lire et faire lire. Pour résister de manière consciente. Un livre pour inciter aussi les hommes à regarder en face leurs comportements, à réfléchir à leurs actions, leurs fantasmes, leur volonté de domination, leur mépris des femmes, leur refus de l'égalité et de liberté pour toustes.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Excellent livre. Ses qualités sont nombreuses: il est facile à lire, concis, précis, très clair et propose un panorama assez large de la culture du viol.
Il reprend de nombreux articles que j'ai pu lire (certains de l'autrice sur son blog, d'autres de divers provenances) mais de manière plus synthétique et efficace.
C'est un livre qui peut très fortement profiter à des féministes débutant·es ou confirmé·es qui souhaitent avoir sous la main un récapitulatif sourcé et chiffré des thématiques des violences sexuelles et sexistes et des conséquences quotidiennes de la culture du viol.
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Noémie Renard est une blogueuse féministe connue sous le pseudonyme Antisexisme, et je vous recommande fortement la lecture de son site. Elle détient une thèse de biologie et a publié son premier livre en mars de cette année, intitulé En finir avec la culture du viol, aux éditions Les Petits Matins, préfacé par Michelle Perrot, professeure émérite d'histoire contemporaine à l'université Paris-Diderot.

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Avec En finir avec la culture du viol, l'auteure s'attaque aux préjugés sur le viol et les agressions sexuelles : le viol ne serait commis que sous la contrainte, menace, dans un parking sombre la nuit, par un inconnu très très méchant. D'ailleurs, si la victime n'a pas crié, ou si elle portait une minijupe, c'est qu'elle était consentante. Également, une femme qui dit non, voudrait en fait dire oui. le désir féminin est passé sous silence au profit du masculin, et a besoin d'être "forcé". La sexualité homme-femme est apprise et regardée sous l'angle de la domination-soumission. Les hommes auraient des besoins sexuels irrépressibles, et la femme n'aurait qu'une libido très faible. D'ailleurs, elle a intégré le fait que si elle n'acceptait pas tous les rapports sexuels désirés par son conjoint, alors ce serait de sa faute si le couple éclate. Elle se tait lorsqu'elle se fait agresser ou violer, par peur, peur des représailles et de l'humiliation de la justice, qui ne condamne que 2% des agresseurs. C'est tout cela la culture du viol : une mythologie du violeur qui réconforte la classe dominante : l'homme cis hétéro, à la sexualité agressive, et une décrédibilisation de la victime : la femme, sachant que les femmes pauvres, racisées et invalides ont plus de chance d'être agressées.

Noémie Renard a construit un essai féministe intelligent, à la rigueur scientifique, dont le style "neutre" vise à rendre les faits implacables. En 5 parties ("État des lieux", "Les mécanismes de l'impunité des violeurs", "Le viol, une histoire de pouvoir et de domination", "De l'hétérosexualité "normale" au viol", et "Mettre fin à la culture du viol"), l'auteure démontre à quel point cette culture du viol est prégnante dans notre société, de l'éducation à la publicité en passant par les rapports hommes-femmes. Elle apporte un éclairage précis et édifiant, une vraie prise de conscience ! Elle met le doigt sur les manquements et les zones floues de la justice, qui ne remplit pas suffisamment son rôle, analyse les retentissements de la vague #metoo et #balancetonporc, et dans une vaine abolitionniste, explique le concept d'échanges "économico-sexuels", qu'elle explique d'ailleurs dans une très bonne interview donnée aux Inrocks en mars dernier :

"Quand on pense à l'échange de sexe contre de l'argent, on songe généralement à la prostitution. Mais en réalité, ces échanges économico-sexuels peuvent prendre d'autres formes et s'exercer même au sein du couple. C'est ainsi que, dans nos sociétés, des hommes payent le restaurant ou offrent des cadeaux à des femmes dans l'espoir d'obtenir un rapport sexuel ; et certaines femmes peuvent se sentir obligées d'avoir des rapports sexuels si elles ont accepté de tels biens. Selon Tabet, ces échanges économico-sexuels constituent une "gigantesque arnaque". Ils se basent sur l'appropriation des richesses par les hommes, au détriment des femmes. Privées de l'accès direct aux ressources, les femmes en viennent à devoir échanger leur sexualité contre une partie de ces biens. Les femmes sont donc doublement arnaquées : elles sont spoliées des ressources matérielles, mais aussi de leur propre sexualité, qui devient une sexualité, non plus pour soi, mais une sexualité de service. Selon Paola Tabet, les échanges économico-sexuels (qui constituent d'après moi une forme de coercition économique) et les violences sexuelles commises par d'autres moyens coercitifs, fonctionnent en tandem pour permettre aux hommes de contrôler la sexualité des femmes."

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Ce que j'ai particulièrement apprécié, c'est la dernière partie. L'auteure ne se contente pas d'offrir un panorama instructif et saisissant de cette culture du viol, mais propose des réponses alternatives. Ainsi, elle soumet l'idée d'éduquer et de sensibiliser les jeunes à l'égalité hommes-femmes, afin de "lutter contre les stéréotypes de genre, contre l'éducation genrée et contre les idées reçues sur la sexualité" ; l'idée que l'État prenne mieux en charge les victimes de violences sexuelles, de mettre en place, à l'instar des Pays-Bas, des centres d'accueil de proximité, avec une vraie équipe pluridisciplinaire (psychologues, médecins, assistantes sociales, etc.) ; l'idée de former des professionnels (médecins, policiers, psychologues, enseignants, etc.) à la détection "des violences et leurs mécanismes" et qu'ils puissent "mieux accompagner et informer les victimes" ; l'idée de faire évoluer la loi : par exemple, établir une meilleure définition du viol et du consentement ; et finalement, l'idée de lutter contre toutes les formes d'inégalités, car les violences sexuelles "prennent racine dans un système social inégalitaire".

En finir avec la culture du viol est, pour moi, un livre à mettre entre toutes les mains. Noémie Renard s'inscrit dans la lignée des plus grandes essayistes féministes.
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Les livres se suivent, mais, depuis Les Couilles sur la Table, ce sont les petites déconvenues qui s'enchaînent… Rien de dramatique sans doute, je commençais néanmoins à craindre de m'être un peu lassée du sujet, ou, du moins, d'avoir déjà découvert les ouvrages récents qui m'interpellaient le plus. Un livre, pourtant, m'avait intéressée dès le début de ce challenge thématique. Un essai qui a beaucoup fait parler de lui dans les médias féministes…

Peut-être, ami-lecteur, te demanderas-tu pourquoi j'ai tant tardé à me plonger enfin dans l'essai de madame Renard… La raison en est simple : j'avais déjà eu l'occasion d'aborder la thématique de la culture du viol avec Une Culture du viol à la Française et cette lecture avait été émotionnellement difficile. Bien que le sujet me passionne tout autant, je redoutais d'être, cette fois encore, perturbée…

Les critiques les plus simples à produire, étrangement, sont celles des pires déceptions… Ensuite viennent les expériences bof-bof, tu sais, ami-lecteur, ces bouquins plus vite oubliés que lus et pour lesquels on peut avancer autant d'arguments négatifs que l'inverse. Tu l'auras peut-être déjà compris, les chroniques qui me donnent le plus de mal sont celles concernant les ouvrages les mieux notés. Et, oui, c'est le cas ici…

Avant toute chose, je tiens à préciser que cette édition bénéficie d'une préface de Michelle Perrot, l'historienne dont il a été question dans le dernier billet de ce challenge… Rigolo. Mais passons à ce qui nous préoccupe aujourd'hui…

En finir avec la Culture du viol possède toutes les qualités que j'apprécie dans un essai : clarté du propos, argumentaire à la fois accessible et solide, chiffres et faits sourcés. Non seulement madame Renard parvient à nous exposer les mécanismes de cette culture mortifère, mais elle avance aussi quelques pistes intéressantes sur les réformes à effectuer pour améliorer la prévention des violences sexuelles, la prise en charge des victimes ou celle des auteurs. Un livre indispensable !
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
En se fondant sur une définition positive du consentement, c'est-à-dire en explicitant ce qu'il est, la loi permettrait de responsabiliser davantage les hommes – qui, s'ils ont accusé de vil, devront expliquer comment ils ont recherché le consentement librement donné de leur victime. Autrement dit, il s'agit de ne plus considérer que les femmes sont a priori consentantes mais que, au contraire, ce consentement doit être exprimé par une personne en capacité de le faire. Une telle loi devrait obligatoirement inclure une liste de circonstances coercitives qui invalideraient le consentement. Cette façon de conceptualiser les violences sexuelles permettrait de respecter l'une des mesures de la convention d'Istanbul qui stipule que "le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes". (article 30 de la convention)
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Il faut défricher cette étrange inversion qui fait des victimes les quasi-coupables, acculées à se défendre, à dissimuler, à se taire et soupçonnées, quand elles osent parler, de vouloir attenter à la stature et à l’honneur de l’homme
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Il y a donc des viols qui n’en seraient pas tout à fait, et qui, par là même, ne sont ni vraiment condamnables ni condamnés, et ceux, plus rares, où l’on juge que l’agresseur a dépassé les limites du tolérable ou n’a pas respecté certaines règles tacites, celles régissant le groupe des hommes. Dès la fn des années 1980, dans son livre Toward a Feminist Theory of the State, la théoricienne féministe Catharine MacKinnon faisait des observations similaires. Elle concluait: «Du point de vue des femmes, le viol n’est pas prohibé; il est régulé.»
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Certaines victimes sont tellement maltraitées durant le processus judiciaire qu'elles parlent de "second viol", et les chercheurs qui étudient ce phénomène l'ont nommé "victimisation secondaire". La victimisation secondaire peut être générée par des agents de la chaîne judiciaire, mais également par d'autres professionnels: des médecins, des psychologues, etc.
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L’expression «culture du viol» est née dans les années 1970 aux États-Unis au sein du mouvement féministe radical. Il désigne une culture (dans le sens de «l’ensemble des valeurs, des modes de vie et des traditions d’une société») dans laquelle le viol et les autres violences sexuelles sont à la fois prégnants et tolérés, avec un décalage entre l’ampleur du phénomène et l’impunité quasi-totale des agresseurs – pas uniquement au sens juridique, mais aussi social.
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Noémie Renard, auteure du livre "En finir avec la culture du viol"
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