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Frédérique Nathan (Traducteur)
EAN : 9782253097808
377 pages
Le Livre de Poche (19/01/1994)
3.76/5   80 notes
Résumé :
Adam et ses amis n'avaient passé qu'un été à Trapellune, dont le nom est l'anagramme de " nulle part ". Un été de désordres, de drogue, de vols. De passion aussi, avec Zozie, femme-enfant qui voulait à tout prix un bébé. Et puis, après l'assassinat, point d'orgue de cette dérive, les survivants s'étaient juré de ne plus jamais se revoir... Mais, dix ans plus tard, on allait découvrir à Trapellune les squelettes d'une femme et d'un enfant. Cette histoire à couper le ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Je me souviens de l'été 1976 : torride, bleu, moite, dur.
Je m'en souviens d'autant mieux que je viens de lire « L'été de Trapellune », où nous est contée l'histoire dure, moite, noire, de plusieurs jeunes paumés, hippies de vocation ou de rencontre. La boisson, la drogue, le sexe, le vol : tout cela ne fait pas bon ménage. Surtout si on laisse mijoter ces jeunes seuls dans une immense, vieille et très belle propriété de la campagne anglaise, entourée de bois où l'on peut même tomber sur un curieux cimetière d'animaux domestiques ; surtout si ces jeunes manquent d'argent ... ; surtout si parmi ces jeunes il y en a une véritablement désaxée...

Mais Ruth Rendell n'est pas auteure de romans policiers pour rien. Cet été ne nous revient que par bribes, 10 ans après, dans les réminiscences des jeunes adultes que sont devenus Adam et ses « amis ». Souvenirs qui les hantent, ô combien ! Car à Trapellune (anagramme de « nulle part » qu'ils ont donnée au domaine), il s'est passé un drame, où la culpabilité et le hasard jouent un rôle immense. Et les nouveaux propriétaires le déterrent.

Malgré tout, je me suis ennuyée. Mwoui, véritablement ennuyée. « Histoire à couper le souffle », dit-on dans la 4e de couverture. A cause de la chaleur, ça oui. Mais pas due au suspens ! J'ai trouvé que c'était une litanie de malaises d'adultes rongés par la culpabilité mêlée à une procession de faits quotidiens complètement indignes d'intérêt de jeunes désorientés jouant à être indépendants.
Oui, bien sûr, il y a un meurtre. Heureusement, quand même ! On n'en attendait pas moins !
Mais bon : tout ça pour ça ?
Peut-être est-ce que je ne supporte plus la chaleur ?

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A Fatal Inversion
Traduction : Frédérique Nathan

ISBN : 978-2702116968

Attention, s'il vous plaît : ne pas confondre avec "Le Petit Eté de la Saint-Luke" cet "Eté de Trapellune" qui compte parmi les chefs-d'oeuvre incontestés de l'analyse psychologique rendellienne. Tout d'abord, nous l'avons dit, le premier appartient au cycle des Wexford. Alors que "Trapellune" - anagramme de "nulle part" - étale ses chapitres et prend un malin plaisir à déconcerter le lecteur à la manière d'un électron libre particulièrement retors, qui, s'il se base bel et bien sur un fond policier, permet surtout à l'auteur de :

1) tout d'abord nous faire découvrir le caractère même de personnages extrêmement différents les uns des autres et réunis, plus ou moins par le hasard, dans une propriété isolée, Wyvis Hall, au temps glorieux des années soixante-dix et, très précisément, durant le caniculaire et inoubliable été 1976 ;

2) puis de nous les représenter dix ans après, alors que "Trapellune" est passé sur eux à jamais et a, d'une façon ou d'une autre, détruit leur vie. Oeil pour oeil, dent pour dent : l'un d'entre eux n'en avait-il pas détruit une, de vie, en 1976, tout simplement par lâcheté, et les autres ne s'étaient-ils pas tus en détournant la tête, participant certes à l'inhumation mais avec deux obsessions majeures dans la tête : partir au plus tôt et ne plus jamais, jamais, entendre parler les uns des autres et revoir Wyvis Hall ?

Le propriétaire des lieux, Adam Verne-Smith, sera néanmoins contraint de revenir pour faire visiter les lieux aux futurs acheteurs. Mais, après cela, il s'enfoncera avec détermination dans une fuite absolue en avant qui lui amènera d'ailleurs la réussite professionnelle. Il n'a pas encore compris - il faut beaucoup de temps et d'expérience pour le comprendre, beaucoup d'intelligence aussi et un certain degré de courage - qu'il aura beau courir plus vite que le plus habile puma du monde, le Passé est immédiatement derrière lui, là - derrière son épaule, pour ainsi dire collé à lui. le Passé qui s'amuse à faire semblant de ne plus être là ...

Ainsi, un beau jour, alors qu'Adam, sa jeune femme, Anne, et sa petite fille, Abigail, sont en vacances aux Bahamas, la nouvelle a droit à un petit entrefilet dans les journaux : on a découvert deux cadavres à Wyvis Hall, celui d'un nourrisson, sans doute de sexe féminin, et celui d'une femme, probablement sa mère. Si les os du bébé ne révèlent aucune blessure, l'adulte, elle, a été tuée à coups de fusil - et un gros.

Le père d'Adam - Lewis, un personnage tout-à-fait horripilant - qui a toujours envié à son fils d'avoir été directement nommé héritier du domaine par son oncle Hilbert, n'a rien de plus pressé que d'aller attendre son fils à Heathrow pour lui annoncer la nouvelle. Adam fait bonne figure même s'il la reçoit de plein fouet. Il faut faire face, une fois de plus. Il pense qu'il saura le faire. Il l'a toujours fait. Alors, une fois de plus ou de moins ...

C'est pourtant lui qui sortira le plus complètement démoli de cette histoire qui se termine d'ailleurs par le classement du dossier, les policiers concluant à une identité des cadavres complètement erronée. Mais cela, le lecteur ne le saura évidemment qu'au bout des deux-cent-quarante-six pages de l'ouvrage . le tour de passe-passe grâce auquel Rendell parvient en même temps à égarer la Police quand à l'identité réelle du meurtrier est d'une habileté et là-encore d'un machiavélisme souverains. Car il y a du diabolique, du satanique, du Malin chez Ruth Rendell. Tout paraît si simple, nous annonce-t-elle d'une plume légère et presque souriante, au tout début de ses livres ... et tout, en fait, était si horriblement complexe, méchant, horrible, nous révèle-t-elle, de manière toujours si gracieusement aimable et si british à la fin.

Complexes, les relations du jeune Adam quand il tombe amoureux de Zosie, une jeune paumée ramenée à Trapellune par son vieux copain, étudiant en médecin, Rufus Fletcher. Ce dernier, qui est en quatrième année, comprend, dès la deuxième nuit, que la jeune femme, qui fait pourtant si jeune, a eu un enfant. Mais - on ne fait pas plus égoïste que Rufus, sans peut-être Adam - il se garde bien de le dire à son ami. Cependant, à Trapellune, où vivent aussi provisoirement Vivien et son ami, Shiva, le jeune Indien si avide d'être intégré par la classe moyenne blanche britannique, tout le monde se rend compte assez vite que quelque chose ne tourne pas rond chez Zosie. Déjà, elle est kleptomane mais, pour ces jeunes gens qui n'ont pas beaucoup d'argent (Adam en est réduit, pour ne pas donner à son père la satisfaction de lui demander de l'aide, à vendre les objets de valeur du manoir), ça peut toujours servir. le problème, c'est qu'un jour, dans un grand magasin, elle tente d'enlever un petit garçon. L'affaire s'arrange, Rufus ramène immédiatement l'enfant ...

Et l'on essaie de ne plus penser à tout ça. Si on n'y pense pas, ça n'existe pas.

Du coup, un jour, il arrive ce qu'il devait arriver : Zosie ramène carrément un bébé. Dans son couffin. Pour des raisons qu'il serait un peu trop long d'expliquer ici - et puis, où serait- le charme pour vous, lecteur ? - elle est persuadée qu'il s'agit du bébé dont Vivien s'apprête à devenir la nurse en quittant Trapellune, la fille d'un certain Robert Tatian. Mais, bien sûr, elle se trompe du tout au tout et il faudra que l'enquête s'étale dans les journaux pour que les habitants affolés de Wyvis Hall apprennent que le nourrisson s'appelle en réalité Catherine Ryiemark et est la fille d'un ami de Titian.

Un nourrisson très sage, dont Zosie et Adam s'occupent à la perfection ... mais que Zosie retrouve un beau matin, dans le tiroir qui lui servait de berceau improvisé, emporté par la mort subite du nourrisson. Quand Rufus, qui a passé la nuit au village arrive, il est trop tard. On ne peut plus rien faire. Ne reste plus qu'à enterrer la petite Catherine, dans le cimetière d'animaux de la propriété des Verne-Smith.

Le problème, le vrai, c'est que, jusque là, Vivien était persuadée qu'Adam s'était arrangé pour restituer l'enfant. Quand elle s'aperçoit du contraire, le drame éclate ...

Vivien, la vraie, la seule personne équilibrée du lot, celle qui n'a pas en elle une seule once de narcissisme et si peu d'égoïsme que ça ne vaut pas la peine d'en parler. Vous avez deviné ce que sera son destin : son inhumation finale se fera sous un nom qui n'est pas le sien, celui de Zosie. Jusque dans la Mort, cette personne si généreuse n'aura pas droit à son nom gravé sur une plaque.

Zosie, la cause de tout, la plus narcissique, la plus égoïste du lot, raflera quant à elle à la fin toute la mise d'une façon que je vous laisse apprécier.

Comme je vous laisse apprécier le travail minutieux et admirable de technique accompli par Rendell pour dérouler peu à peu sous nos yeux cette histoire, faite de boue et de cynisme, ce conte de fées maudites qui créèrent "Trapellune", avec des personnages que l'on voit mûrir et évoluer sans qu'aucun puisse trouver le vrai bonheur; sans oublier le destin atroce, comme expiatoire, de Shiva qui, s'il n'avait pas suggéré à Adam de demander une rançon pour la petite dont ils connaissaient maintenant le nom, n'aurait pas donné à réfléchir à son hôte et n'aurait pas poussé celui-ci à remettre au lendemain ce qu'il se proposait de faire le jour-même : profiter d'une sieste "barbiturique" de Zosie pour ramener la petite Catherine à Londres.

Ce que Rendell avait commencé à esquisser, à traits déjà assurés, dans "Son Âme Au Diable" ou encore "L'Enveloppe Mauve", cette plongée hypnotisée et fracassante dans un univers qui se détraque parce que l'un ou l'autre de ses protagonistes perd la boussole (ou l'a déjà perdue), atteint l'un de ses zéniths - il y en aura d'autres - dans "L'Eté de Trapellune". Détail très important : lisez-le à tête reposée, TOUT y est important, spécialement la réaction allergique de Zosie à tout bijou en or. Certes, c'est un livre que vous avez entre les mains : mais c'est un livre-puzzle - au moins trois mille pièces. de la qualité, de la sobriété et cette faiblesse pour la cruauté et le cynisme de la vie qui, contrairement à P. D. James, sa grande rivale britannique, constitue la caractéristique pour moi essentielle de l'oeuvre de Rendell. Ce penchant, vous le retrouvez parfois chez l'Américaine Elizabeth George, par exemple dans "Mémoire Infidèle." L'ennui, c'est que George fait trop souvent preuve, avec ses couples de héros, d'une telle gnangnanterie, qu'elle finit par lasser. Enfin, nul n'est parfait.

Quoique "L'Eté de Trapellune", lui, frôle vraiment la perfection ... ::o)
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« La veille de son départ, il avait rebaptisé la maison. Il y réfléchissait depuis plusieurs jours. « Whyvis hall » ne le satisfaisait pas. « Le manoir du Myopatamus » qui lui était venu à l'esprit, était une plaisanterie. Il s'était lancé dans les anagrammes ; il avait jonglé avec les lettres, en gardant en mémoire leur projet de vacances. Trappelune. « C'est une ville Espagnole, avait répondu Mary.
-Non pas une ville avait dit Refus, paresseusement. On dirait une communauté. Oneida, Walden, Trappelune.
-Ca n'a rien à voir avec Oneida ou Walden. Je sais ce que c'est ; c'est un mot à l'envers, comme Brewhon. » ( No where….)

Bravo à la traductrice qui a du jongler avec ces « nonsense » faisant émerger ce mot magique de « Trappelune » évoquant miraculeusement par l'inversion de « nulle part », l'évocation d'un monde secret, lunaire, dans lequel on émergerait pas une sorte de trappe, comme celui du pays d'Alice au pays des merveilles, tombant dans un terrier de lapin, pour se retrouver dans un monde à la fois enchanté et cauchemardesque.
C'est là précisément celui de l'atmosphère de ce livre, ayant remporté le "Gold Dagger Award" 1987, et dont on aurait bien tort de le ramener à un roman policier.
Ou alors il faudrait considérer que « Rebecca », le superbe roman de Daphné du Maurier, se passant lui, non pas dans le Sufolk, mais en Cornouailles, est lui aussi un « polar ».
Ces deux romans écrits dans la veine gothique, en lien avec la tradition anglaise, s'appuient sur la magie des lieux, pour en faire des îles, à la fois exquises et redoutables, où l'on risque de se perdre.
Si ces lieux habités par le passé, lourds de secrets oppressants, dévoilent des splendeurs, leur emprise sur les nouveaux habitants ne les laisse pas indemnes. Ces manoirs, au centre de l'intrigue, semble peser sur l'action, et conditionner les scénarios. Qui peut se prétendre propriétaire des lieux, dans ces histoires, où l'on s'attend à voir des fantômes surgir derrière les vieilles tapisseries ?

le récit s'articule sur un va et vient permanent entre deux époques, distante de dix ans. Celle de l'été 76, si caniculaire, de mémoire d'homme, où une bande de jeunes s'appropria les lieux magiques d'un vieux manoir et de son parc, qu'ils nommèrent « Trappelune ». Et l'autre, située dix ans plus tard, dans la seconde moitié des années 80.
C'est dans un vieux cimetière perdu au milieu de la forêt, où jadis on enterrait les chiens et les chats domestiques, avec leurs épitaphes, disparus sous la mousse, que le nouveau propriétaire des lieux voulant enterrer son vieux chien, remonte tout à coup des vestiges humains.
Ruth Rendell, contrairement à Patricia Highsmith autre grand maître du roman psychologique et du suspense, ne fait pas l'impasse sur les conséquences névrotiques d'un meurtre. Aucun des protagonistes de Trappelune ne ressemble à Ripley, ce psychopathe qu'Highsmith baladera d'un roman à l'autre. Ripley, l'élégant dandy, jardinier à ses heures, n'a jamais aucun état d'âme après ses crimes, mais tire plutôt une sorte de jouissance supplémentaire de son impunité, et de sa faculté à tromper son monde. C'est une sorte de « Fantomas » moderne et Américain.

Retour sans cesse à cet été incendiaire, celui de la canicule, ce ciel bleu semblant éternel, à la chaleur permettant les baignades dans l'étang, mais dont les effets exaspèrent les tensions.
Il y a là Adam, qui à 20 ans, se retrouve l'héritier inattendu des lieux. C'est un jeune homme hautain et compassé, mais à l'équilibre précaire, jouant tout à coup au gentleman-farmer. Et puis Rufus, l'étudiant en médecine, garçon plus pragmatique, voir cynique, dont Adam est secrètement amoureux. Tous deux appartiennent à cette société anglaise des « biens nés » !
Mais au-delà du coté bling-bing de la possession des lieux, il n'ont aucun argent, à peine de quoi faire le plein d'essence du vieux van . Comment acheter de quoi manger et de quoi boire, allongés sur la terrasse, en se prenant pour des demi dieux ? Il vont chercher à créer cet été là une communauté éphémère. Non pour des motifs philosophiques, mais simplement pour des raisons économiques, et sans doute par besoin inavoué de s'entourer d'une cour.
Vont ainsi venir se greffer Zozie, adolescente fugueuse, prise en stop, totalement névrosée, se donnant l'un à l'autre, habitée par des secrets qui vont se développer en troubles des conduites et des comportements. Shiva, d'origine Pakistanaise et son amie Vivien, végan new age, rêvant d'un voyage aux indes, pour aller dans un ashram.
Vivien, qui passe son temps à lire les maîtres spirituels indiens, a décidé de vivre sa vie en conformité avec son éthique. le mensonge et la bassesse n'ont dans son univers pas leur place. C'est elle qui donne une dimension aimable au lieu, sorte de mère poule faisant le ménage, préparant les repas, et tachant de consoler la pauvre Zozie, en mal de protection. Cette demeure est apparue à Zozie, comme un miracle, un refuge. Elle s'imagine vivre ici jusqu'à sa vieillesse, entourée d'enfants en nombre, comme une princesse de conte de fées.

Les trois jeunes hommes, ont quitté Trappelune au plus vite après le crime, après cet été torride, quand le temps a brusquement changé, n'ont traversé depuis que des courtes période d'oubli des événements. Leur dernier repas en commun à été celui des pommes gâtées du verger, pleines de vers, tranformées en compote.
le jardin d'Eden a perdu toute sa beauté estivale, et n'est plus qu'une terre brûlée par le soleil et la malédiction.Tout semble métaphore dans ce récit qui prend parfois des hauteurs mythologiques. Ils ont rejoint Londres, la ville, les parents. Ceux d'Adam, pensait leur rejeton partit pour la Grèce. Il va s'installer dans le silence et l'incomphénsion.

Même si l'événement est passé inaperçu aux yeux de la société, leur équilibre a tous a été durablement ébranlé, ainsi que leur réussite sociale, et leur capacité à garder des liens authentiques avec leurs proches.

En 86, quand l'histoire rebondit par l'exhumation de deux squelettes, c'est la panique. Mais déjà les protagonistes étaient minés par ce secret trop lourd. Rufus, qui est devenu un gynécologue réputé, fait sans doute illusion, mais a traversé lui aussi une grave crise existentielle. Son énergie lui a s'en doute permis de s'en sortir bien mieux qu'Adam, en proie des phobies, et vieilli prématurément. Quand à Shiva, il n'a pas été capable de reprendre son cycle d'études universitaire en pharmacie. Il est devenu un simple commis de pharmacie, vivant avec sa nouvelle amie, dans un quartier périphérique de Londres, en proie aux violences ethniques qui alors émergent..
La crise économique des années 80 vont déchaîner des émeutes urbaines, parcourant les zones sensibles, et aboutir à des déchaînements de violence, parfois contre les immigrés. La transformation de la société anglaise, en proie aux conséquences du libéralisme de Thatcher est en lien .
Autre cause et conséquence, Il faudra du temps dans le récit pour saisir la grande implication de Shiva dans la genèse du crime. Ce jeune homme intelligent porte en lui une sorte de fatalité liée à son statut de fils d'immigré, et ne peut se départir du besoin d'être reconnu à sa valeur dans une société anglaise, dont le racisme reste récurent.
Shiva est le dieu de la destruction et de la violence, mais aussi de l'ignorance. Shiva, dans le panthéon indien, transforme, et conduit la manifestation à travers le « courant des formes ». C'est exactement ce qui se produira. Ruth Rendell n'a pas choisi ces prénoms par hasard.
Adam, l'héritier du domaine magique, semblable au paradis terrestre, va en être chassé par la fatalité de l'histoire en marche.
La jeune et jolie Zozie porte, elle, un prénom improbable, dont le son ressemble à une borborygme d'enfant. Cette voleuse et menteuse pathologique, porte un prénom qu'elle s'est inventée, comme tout ce qu'elle raconte aux autres. Ceux ci ne peuvent démêler chez elle le vrai du faux, voyant finalement que ses actes et ses comportements compulsifs, expriment bien mieux que ses paroles, ce qu'elle est.
Quand à Vivien, un prénom venant du latin « vivianus », qui signifie « pleine de vie » on devine rapidement que ses principes vont se trouver en opposition aux comportements jouissifs, et transgressifs ou fous des autres membres.
Dix ans plus tard, voilà donc que la passé les a rattrapés. Il n'y a guère de jour où ils ne pensent pas tous à cette affaire, même s'ils ont juré de ne plus se revoir. le retour de boomerang, en première page des journaux, va les mettre dans la sidération, et l'apragmatisme, liée à la peur de voir la police faire émerger la vérité . Ils se demandent comment les autres réagissent à cette nouvelle exhumation de cadavres.

J' avais lu ce livre à sa sortie, à la fin des années 80., et il m'avait fasciné. Je l'ai retrouvé, dans une bouquinerie, et l'ai relu avec un égal bonheur, car j'avais oublié l'essentiel de l'histoire au profit de son cadre étonnant, que Ruth Rendell rend si prégnant, par sa qualité de sa documentation, transformant le château, en musée des antiquités. .
A ceci près qu'il m'a semblé maintenant encore davantage « hors du temps »…50 ans après sa parution, un nouveau espace temps s'est additionné aux deux premiers. Celui qui est venu au seuil du millénaire. Les téléphones cellulaires et les cameras omniprésentes rendraient beaucoup moins possible le scénario de ce livre, qui repose sur la notion de secret, de monde à part, d'une sorte de repli du temps.
Sans cet isolement, dit un des protagonistes, à la fin du livre, tout cela ne serait pas arrivé. « Si cet été n'avait pas été celui de la canicule, et qu'ils étaient partis en Grèce, au lieu de la la trouver sur place »... « Si Zozie n'avait pas été prise en stop par Rufus » ….
« Et si Adam n'avait pas cueilli la pomme dans l'arbre ? »



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Ce polar à la construction très originale (et qui a d'ailleurs reçu des prix littéraires) de Ruth Rendell semble assez peu connu et reçoit ici une note moyenne relativement modeste.
Cela se comprend car jusqu'à la fin du premier tiers j'ai failli en abandonner la lecture tant je trouvais que le déroulement de l'intrigue se traînait. A la réflexion le problème de ce bouquin est qu'au fond aucun des personnages ne se révèle sympathique ou attachant : Adam et Rufus, deux bourges anglais arrogants, le premier que l'on devine vaguement psyschopathe et le second tellement suffisant qu'on a constamment envie de lui f... des baffes; Zosie, une petite idiote dont le rêve est d'épouser un homme riche car elle ne sait rien faire de son propre aveu; Vivien, une vegan new age dénuée d'humour et exploitant le "pauvre" Shiva pour sa petite vie spirituelle auto-centrée; même Shiva, finalement le moins antipathique car fondamentalement la victime de tous les autres, apparaît progressivement sous un jour de plus en plus sombre. Bref on a du mal à s'intéresser aux longues journées sans événements autres que des beuveries et chassés-croisés vaguement sexuels entre les personnages séjournant dans un manoir hérité par l'un d'eux au cours de l'inhabituellement torride été 1976 dans la campagne anglaise.
Ce qui "sauve" le bouquin in fine c'est la construction du récit, fondée sur des flash-backs des principaux protagonistes (sauf Vivien et Zosie) 10 ans après ce fameux été et alors que les cadavres d'une femme et d'un bébé sont découverts sur les lieux par de nouveaux propriétaires du manoir. Ces flash-backs sont adroitement articulés les uns aux autres pour ménager le suspense jusqu'à la fin de l'histoire et avec deux coups de théâtre à la clé.
Au-delà du polar, les personnages semblent concentrer sur leurs têtes tous les travers que les millennials ou autres générations X, Y et Z reprochent aujourd'hui aux boomers que sont les protagonistes de l'intrigue : jouisseurs sans but dans leur jeunesse (à l'exception de Shiva, victime de racisme et d'ostracisme social et de Vivien qui préfigure les vegans d'aujourd'hui) et profiteurs sans vergogne du système par la suite. Vu que le livre est sorti en 1987, Rendell n'était certainement pas consciente de cela mais du coup ce bouquin acquiert une seconde dimension qui le rend plus intéressant à lire aujourd'hui qu'à l'époque de sa sortie...
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Alec et Meg Chipstead, nouveaux propriétaires de Wyvis Hall, splendide demeure géorgienne, découvrent en inhumant leur chien dans le petit cimetière ancestral réservé aux animaux de compagnie, le cadavre d'une jeune femme et d'un bébé. Une enquête est ouverte (quantité négligeable dans l'histoire), tandis que paraît dans un quotidien londonien, un entrefilet qui fait remonter en surface des souvenirs vieux de 10 ans chez Adam, Shiva, Rufus. Ces trois hommes, bien installés dans leur vie, se sont connus au temps de leurs études, ont séjourné ensemble à Wyvis Hall, rebaptisé par eux Trapellune, anagramme de « nulle part », et se sont juré, après les évènements dramatiques qui s'y sont déroulés, de ne jamais chercher à se revoir ni même à se contacter.


Eté 1976 : un été qui a marqué les esprits locaux en raison d'une canicule aussi rare qu'exceptionnelle sur le Suffolk. Adam, alors âgé de 19 ans s'apprête à entrer à l'université à la rentrée, quand il hérite de Wyvis Hall. Etudiant désargenté, dans l'impossibilité financière d'entretenir un tel bien, Adam décide de le vendre et se rend sur place en compagnie de son ami Rufus, étudiant en médecine, pragmatique et volontiers cynique, pratiquant « la chasse aux femmes », pour rencontrer un agent immobilier. Mais là : « Ils avaient déjeuné au bord du lac, allongés dans l'herbe. le caractère magique du lieu les avait gagnés à leur insu ; ils avaient été ensorcelés par la chaleur, la luminosité, les senteurs du jardin et le silence qui enveloppait tout. Ils avaient sans doute aussi perçu autre chose : un ingrédient indéfinissable qui les exaltait, sans doute lié à un passé archaïque, ou bien à une promesse d'avenir ». Adam et Rufus ont découvert le jardin d'Eden et décident d'y séjourner. Des amis ou vagues connaissances se joignent à eux, Shiva, vendeur en pharmacie qui souhaite intégrer une faculté de médecine, et sa compagne Vivien, d'origine autrichienne, fascinée par l'Inde, qui porte le kamiz, le salwar et le dupetta.


Il manque encore Zosie, la dernière à entrer en scène. Elle marche sur la route de Nunes en compagnie de son sac à dos qui contient un vêtement, une ceinture en cuir et quelques piécettes. Elle ne sait ni d'où elle vient ni où elle va, porte une bague en or, sa seule possession. Ces errances suffisent à Rufus pour l'intégrer au sein de la communauté. Zosie paie son gîte et son couvert en s'offrant à Rufus avant de devenir le grand amour d'Adam. C'est une jeune femme blessée, psychologiquement vulnérable. Elle vient d'abandonner son nourrisson à l'adoption.


Tout ce petit monde s'organise sur le mode d'une communauté auto-subsistante. Trapellune-jardin-d'Eden, offre en abondance à ses membres des récoltes de fruits et de légumes gorgés de soleil. L'été brûlant se déroule dans une atmosphère permissive, désinhibée. Les corps se libèrent, se mélangent. Toutes les expériences sexuelles sont naturelles, encouragées par la marijuana. L'été 76 est un temps suspendu, rien d'autre n'existe que Trapellune, sa liberté, sa chaleur, jusqu'au moment où l'automne laisse les terres grillées, où les premiers orages éclatent en annonçant la perte du paradis.


Roman à la lenteur hypnotique, roman générationnel, l'Eté de Trapellune est envoûtant. Ruth Rendell, au sommet de son art, offre des descriptions d'une beauté et d'une justesse à pleurer. Chaque phrase mérite d'être apprise par coeur, tellement la portée de ses observations psychologiques est universelle. Tout au long de l'histoire, le passé et le présent des 3 protagonistes principaux sont enchevêtrés, tant ils ont de mal à oublier cet été 1976, qui 10 ans plus tard, a encore des conséquences sur leur vie sous forme de séparation conjugale, alcoolisme, dépression, tant le poids de la culpabilité est lourd à porter. Mais il ne faut pas oublier pour autant que Ruth Rendell est une experte du roman psychologique noir foncé. C'est donc dans les dernières pages que se déploie son immense talent qui explicite aussi le titre anglais de L'été de Trapellune.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
[...] ...- "Cette fois, il y avait des fenêtres ouvertes au premier étage de la maison de monsieur Tatian. Elle a vu une femme sortir avec ce machin qui sert à transporter les bébés, comment ça s'appelle ?

- Un couffin ?

- Un couffin, oui, c'est ça. Zosie nous a affirmé que la femme ne l'avait pas regardée, qu'elle ne m'avait même pas vue - ce qui paraît évident, du reste. La femme a posé le couffin sur le siège arrière de la voiture, et elle a laissé la portière ouverte, à cause de la chaleur, vraisemblablement. Quoi qu'il en soit, elle est rentrée dans la maison sans refermer la porte derrière elle. D'après Zosie, elle avait l'air d'avoir oublié quelque chose.

" Zosie nous a dit que ç'avait été plus fort qu'elle. Elle n'a pas réfléchi à ce qu'elle était en train de faire, elle n'a pas pensé aux risques en tous cas. Il fallait qu'elle prenne ce bébé et elle l'a pris. Elle a refait le coup du petit garçon dans le grand magasin, seulement, cette fois, Rufus n'était pas là pour l'en empêcher. Elle a plongé la main dans la voiture, elle a retiré le couffin et elle est repartie dans la rue avec. Le bébé dormait et il ne s'est pas réveillé. C'était une petite fille, remarquablement calme, qui avait toujours sommeil, comme certains nourrissons, je crois. En fait, je n'en sais rien, je ne connais rien aux bébés." Shiva leva les yeux vers Lili et détourna rapidement le regard. "Une file de voitures attendait aux feux rouges, à Northill. Elle a continué et elle a descendu Church Road, sans rencontrer personne. Les conducteurs des voitures à l'arrêt ont dû la voir mais aucun d'entre eux n'a signalé une jeune fille en jupe à carreaux bleus portant un couffin. Elle a posé le bébé sur le siège arrière du break et elle s'est assise à l'avant, à la place du passager. Quelques secondes plus tard, Adam était de retour.

"Il s'est assis à la place du conducteur et il a dit à Zosie : "C'était une foutue perte de temps." Il a démarré, il s'est engagé dans North Hill et il a filé droit sur Finchley pour prendre le périphérique nord. Zosie a regardé sur sa gauche, et vers View Road. La voiture était toujours dehors, avec la portière arrière ouverte. Elle a aperçu la femme qui ressortait de la maison.

- Alors, Adam ne savait pas ? Il ne savait pas que le bébé était à l'arrière ?

- Il ne l'a su qu'après la sortie d'Enfield. Pendant qu'ils attendaient à un feu rouge, le bébé s'est réveillé et s'est mis à pleurer." ... [...]
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[...] ... La photographie qui occupa l'écran ressemblait beaucoup à celle que Rufus Fletcher avait prise pendant l'été 1976. Le journal du soir de la BBC, à six heures trente, n'accorda guère plus d'une minute à la nouvelle. Un policier apparut à l'antenne pendant quarante-cinq secondes pour dire qu'il n'avait aucune déclaration à faire, mais qu'une enquête était en cours. Shiva et Lili Manjusri eurent toutefois le temps de voir l'image. Rufus Fletcher aussi. Adam Verne-Smith ne pouvait évidemment pas être au courant puisqu'il était en vacances à Puerto de la Cruz. Il n'avait pas eu l'occasion de lire des journaux anglais. Ils étaient chers, et ils arrivaient avec vingt-quatre heures de retard. Et comme Adam voulait oublier tout ce qui lui rappelait l'Angleterre, il jeta à peine un coup d'oeil sur l'exemplaire de l'International Herald Tribune qu'Anne avait trouvé sur la plage.

A Edgware, son père s'exclama : "Bon sang, mais c'est Wyvis Hall, aussi sûr que je respire !"

Lorsque Beryl Verne-Smith leva le nez, la photographie avait déjà disparu.

- "Tu as certainement raison."

Un journaliste s'efforçait en vain d'extorquer des révélations au policier. A l'arrière-plan, on apercevait des arbres aux couleurs automnales, puis une église, perchée au sommet d'une petite colline. Lewis Verne-Smith hochait la tête, moins pour manifester son incrédulité que son désespoir : le monde allait décidément bien mal. Non qu'il fût brutalement envahi de souvenirs pénibles ; à vrai dire, ceux-ci ne l'avaient jamais quitté, et son existence était empreinte d'une profonde amertume. Mais la photographie de cette maison, pourtant à peine entrevue, ravivait les sentiments qu'il éprouvait depuis - ma foi, depuis une dizaine d'années au moins.

- "Il est dix heures et demie," fit sa femme.

- "Il faudra que je prenne contact avec la police. Impossible de l'éviter. Il va falloir que je les appelle.

- Pas ce soir, en tous cas ?" demanda Beryl, qui avait envie de regarder Mastermind.

Lewis resta silencieux. La pièce dans laquelle ils étaient assis subissait le curieux phénomène de rétrécissement qui lui était coutumier dès qu'il était question de Wyvis Hall ou même du Suffolk. Elle était tout à coup devenue étroite et sombre. Le mur de brique de la maison voisine semblait s'être rapproché de quelques mètres et paraissait menacer la clôture sans vergogne. Lewis se leva et tira les rideaux d'un geste saccadé.

- "Tu ne devrais pas attendre le retour d'Adam ?"questionna Beryl.

- "Pourquoi ? Cela servirait à quoi ?" ... [...]
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Ce qui s’était passé à Trapellune, Adam s’efforçait de l’oublier sans parvenir à le chasser de son inconscient. Il en rêvait, et il arrivait aussi que des images surgissent par simple association d’idées. Mais jamais il ne se permettait de s’y attarder, jamais il ne s’aventurait dans ces circuits ; et lorsque des options défilaient sur son écran mental, il détournait rapidement le regard. Quand le processus s’enclenchait, quand la machine associative se mettait en branle (…) il avait pris l’habitude d’appuyer sur la touche annulation : il fonctionnait comme les ordinateurs qu’il vendait.
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Ce qu'il y avait d'extraordinaire dans l'esprit humain, pensait Adam, c'est sa faculté de s'adapter au pire. Lorsque le pire est arrivé, on s'imagine que plus rien n'est possible ; l'inconcevable s'est produit, et au-delà c'est la mort, la destruction, le néant. Mais le pire arrive et on chancelle sous le coup, on est au bord de l'abîme - le choc est terrible. Et c'est alors qu'on commence à s'en remettre. On prend le dessus, on se redresse et on affronte. On s'y fait. Au bout d'une heure peut-être, on élabore un plan de sauvetage. Parce que ce qui est arrivé n'est pas le pire, vous vous en êtes rendu compte. Le pire est encore à venir...
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"Je ne suis pas venu au monde pour remplir tes espérances, ni toi les miennes. Je suis moi et tu es toi. Et si nous nous trouvons l'un l'autre, tant mieux, sinon, tant pis."
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