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L'infernale comédie (Resnick) tome 1 sur 3

Luc Carissimo (Traducteur)
EAN : 9782207305478
347 pages
Denoël (12/05/1995)
3.84/5   32 notes
Résumé :

"À la seconde où vous posiez le pied sur cette planète, c'était comme si vous veniez de redécouvrir le jardin d'Eden." Monde sauvage et exotique peuplé de créatures fabuleuses pour August Hardwicke, l'ancien chasseur de fauves, paradis perdu pour les colons qui ont fui quand la planète a accédé à l'indépendance, paradis à retrouver pour les indigènes projetés de l'âge de pierr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
AMOUREUX D'UNE TERRE SAUVAGE.

Il y a quelques décennies, la regrettée Rose Laurens sortait ce tube, diffusée en boucle sur les radio "libres" enfin libérées de la censure des ondes "FM" :
Je suis amoureuse d'une terre sauvage,
Un sorcier vaudou m'a peint le visage!
Son gri-gri me suit au son des tam-tam
Parfum de magie sur ma peau blanche de femme!
Africa!

À peu de détails près, Mike Resnick, auteur du roman Paradis que nous avons eu le plaisir de découvrir par le biais de la Masse Critique "mauvais genres" du mois dernier et pour laquelle nous remercions tout à trac les excellentes éditions ActuSF ainsi que notre site bibliophile en ligne préféré, Babelio, Mike Resnick, écrivons-nous, aurait parfaitement pu reprendre ce célèbre couplet à son compte, à condition de le masculiniser et de transformer «Africa» par «Peponi» ! Resnick se cache d'ailleurs si peu de son subterfuge qu'il nous met immédiatement sur la piste africaine - kényane pour être plus précis - dès les premières lignes de son avant-propos.

Ainsi, le lecteur va-t-il suivre, au cours de cette "journée" de plus en plus crépusculaire - le récit se déroule en réalité au fil de plusieurs années. L'auteur pratiquant l'art de l'ellipse avec beaucoup de talent - l'histoire accélérée de la lointaine planète Peponi sur laquelle vivent diverses tribus d'une espèce "E.T." indigène, d'abord surnommés avec le plus grand mépris "Ouïe-bleue" par les premiers colons terriens, en raison d'une particularité physique, puis "Régis" - pour "Respectable Gentlemen Indigènes", ce qui est une manière plus subtile de se moquer, sous le fallacieux prétexte de leur donner un nom supposément neutre - et enfin "pépons" selon leur propre ultime décision, après que, grâce à leur grand homme et libérateur Buko Pepon, leur planète eut acquis, chèrement, son indépendance. 

C'est sous la plume d'un jeune chercheur, Matthew Breen, que le lecteur va peu à peu découvrir la (terriblement) rapide colonisation de la planète Peponi. Lui-même ne pensait nullement devenir l'un des plus grands spécialistes de cette terre lointaine mais sa rencontre avec l'un de ses premiers découvreurs blanc, un chasseur parvenu au seuil de la vieillesse nommé Hardwycke va le plonger, sa vie durant, à la recherche de ce véritable Paradis perdu. Sous sa plume, et au gré de ses rencontres (ce chasseur des premiers temps, des colons expatriés qui pleurent leurs terres et leur situation ultra-privilégiée à jamais disparues sans presque jamais se retourner sur les méfaits de leur présence là-bas, le premier "Grand Homme" autochtone de Peponi, Buko Pepon ; un peu plus tard, l'un de ses successeurs directs rencontré d'ailleurs tandis qu'il n'était encore qu'un conseiller parmi d'autres, quelques locaux blancs triés sur le volet), on va suivre avec beaucoup d'attention toutes les phases que le Kenya... pardon, Peponi connaîtra de sa "découverte" par les occiden... les terriens en passant par sa colonisation et sa domination écrasante par les britan... les instances de la République interplanétaire puis par la lutte pour l'indépendance - souvent dans le sang - menée avec force et détermination par les keny... les peponis eux-mêmes, jusqu'à l'état de ruine quasi générale dans laquelle cette planète se trouve, par la faute presque exclusive de cette colonisation sans vergogne mais aussi, comble de l'histoire, par les élites locales plus ou moins vendues ou bien à un clan dominant momentanément tous les autres, ou bien au dieu Argent, pour ne pas dire les deux à la fois. 

On assiste ainsi à la destruction d'un monde de l'intérieur (bien que procédant d'abord d'une pure intrusion), du fait d'une confrontation parfaitement inégale et sans partage entre la supposée "civilisation" (celle des terriens/européens de l'histoire) et les malheureux peponis dont il apparaît clairement que le mode de vie antique, pour imparfait qu'il était avant l'arrivée de ces étrangers (quel mode de vie le serait ?), correspondait pourtant parfaitement à cette planète aussi lointaine et belle que fragile, la pérennité de son biotope reposant sur un équilibre excessivement précaire et altérable entre tous les êtres y vivant originellement. Équilibre que l'arrivée de quelques dizaines de milliers de colons - pas forcément tous malintentionnés, il est utile de le préciser - a définitivement mis à mal et même probablement détruit pour jamais. 

En un peu moins de quatre cent pages - remarquons au passage que ce volume des éditions ActuSf publié dans la collection de poche "Hélios" rogne moins sur les marges que ce ne fut parfois le cas pour d'autres titres de la même collection, que sa police de caractère certes petite est toutefois agréablement lisible. Les habitués de la collection comprendront ces quelques remarques, assurément - Mike Resnick dresse un portrait sans fard ni concession, le lecteur de cette chronique l'aura bien entendu compris, du Kenya de ces deux derniers siècles. Paradis est, à ce titre, le premier volet d'une trilogie suivie d'un "Purgatoire" (la Rhodésie) ainsi qu'en toute logique, d'un "Enfer" (l'Ouganda) consacré, sous la forme de paraboles science-fictive, à cet est africain dont il était devenu tout à la fois un amoureux ainsi qu'un profond connaisseur. le procédé n'est sans doute pas nouveau et il faut bien admettre que le tout est cousu de fil blanc - même la faune de "Peponi" est une reproduction avec appelations originale de celle qui vit dans la savane kenyane : cuirassé pour éléphant, cornesabre pour rhinocéros, broutecime pour girafe et autres dos-argentés en lieu et place des gazelles - au point qu'on se demande parfois s'il n'eut pas été plus simple et efficace d'écrire un puissant roman réaliste consacré à cette terre que l'auteur aimait et respectait tant ? Mais Mike Resnick était auteur de SF et nul ne lui reprochera d'avoir tenté de sensibiliser ses lecteurs à la monstruosité coloniale par le biais de ce qu'il savait le mieux faire. Ce n'est peut-être pas aussi "percutant" - c'est notre point de vue - que l'aurait pu être un tel autre ouvrage, mais ça a le double intérêt de pouvoir toucher un public sans doute plus large qu'un crépusculaire roman traitant de ces moments sombres de notre histoire mondiale ainsi que de le faire sans rebuter a priori un public qu'un roman traitant de manière plus frontale ce sujet sensible. 

On peine cependant à adhérer totalement à l'ensemble - lequel se lit fort bien et, c'est presque un oxymore étant donné le sujet de fond, plutôt agréablement. Certes, on sera reconnaissant à l'auteur de ne pas donner dans le sensationnalisme voyeur et facile - ce qui eût été pourtant facilité par l'externalisation du sujet de l'Afrique réelle vers cette planète fantasmée - ainsi que d'éviter tout manichéisme facile. Il n'empêche que l'ensemble manque d'une énergie, d'une certaine forme de violence peut-être, pour donner à son propos - une critique acerbe et quasiment sans concession du fait colonial européen en Afrique - la force qu'il eût mérité. Un ouvrage à lire, sans doute, mais dont il ne faut pas non plus attendre plus qu'il n'en peut. 
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Une histoire de science fiction calquée sur l'histoire du KENYA. Rien comme « Une histoire birmane » (Georges Orwell) mais tout de même… lorsque nous sommes en SF, ça nous donne toute la liberté de divulguer et de dire…

La planète Peponi est ,sans aucun doute (clairement dit en 4e de couverture), le KENYA avec son Mont. Les animaux que l'on tue pour récolter les pierres précieuses dans leurs yeux, n'est pas sans nous faire penser à l'ivoire. L'Angleterre est nettement La République. Bref, vous voyez la force du récit à travers ces juxtapositions ?

L'auteur, décédé en 2020, a choisi l'Afrique subsaharienne comme inspiration de ses romans. L'excellent article de Jeune Afrique ne peut mieux résumer ,que je pourrais le faire, son parcours: https://www.jeuneafrique.com/mag/367550/culture/science-fiction-lafrique-de-mike-resnick/.

Paradis est le 1er d'une trilogie.
Rafraichissant! À lire!
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Le commentaire de Martine :
Ce roman, est divisé en quatre parties, ce qui permet de bien saisir les enjeux de chacun.
Dans la première partie du livre, Matthew Breen est un jeune étudiant qui prépare un article sur les "vaisseaux terrestres" de la planète Peponi, ses vaisseaux sont d'énormes créatures ressemblant vaguement à des éléphants, dont les yeux étaient prisés comme bijoux. Je dis bien, étaient, puisque au moment où ce livre commence, ils ont été chassés jusqu'à l'extinction. Dans la poursuite de son article, il réalise plusieurs entretiens avec August Hardwyke, un ancien qui chassait sur Peponi, maintenant en train de mourir sur l'une des nombreuses planètes de la République, qui est parti lorsque Buko Pépon est devenu le premier président natif d'un Peponi indépendant.
Si vous sentez ici, une allégorie, ou une similitude, vous avez raison : Peponi est un analogue au Kenya, Buko Pepon est un analogue de Jomo Kenyatta, ancien président de la République du Kenya.
Dans la deuxième partie du livre, Breen rencontre et se lie d'amitié avec Amanda Pickett (Isak Dinesen/Karen Blixen). L'un de ses invités raconte à Breen comment il a perdu un bras lors du soulèvement de Kalakala (soulèvement de Mau Mau).
Dans la troisième partie, Breen est devenu un écrivain à succès à part entière et se rend à Peponi, où Buko Pépon demande à Breen d'écrire sa biographie officielle, dans l'espoir d'encourager les investissements extra-planétaires et le tourisme.
Les problèmes de Peponi sont simples et complexes. Fondamentalement, c'est un monde tribal où les différentes tribus ne se font pas confiance et elles se font parfois la guerre. Il y a un peu plus de cent ans, les Pepons chassaient avec des lances et n'avaient jamais entendu parler d'une roue, en effet, beaucoup d'entre eux chassent toujours avec des lances pour gagner leur vie, une vie devenant rapidement précaire, alors que l'écologie de Peponi va en enfer. Cela s'aggrave avec l'introduction de certaines médecines modernes, entraînant un boom démographique.
Mais Peponi (comme le vrai Kenya), est un endroit d'une beauté extraordinaire, avec une faune qui vaut la peine d'être vue.
Mike Resnick peuple Peponi avec des êtres humains et des extraterrestres, avec une végétation magnifique, avec des animaux s'apparentant à ceux trouver au Kenya. Ce récit peut être issu de l'imagination de l'auteur, mais il reste quand même une lecture qui nous permet de saisir l'ampleur de l'univers que représente la Peponi. C'est un agréable moment de lecture, un voyage intéressant.
Lien : https://lesmilleetunlivreslm..
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Un roman fort, qui traite du difficile sujet de la (dé)colonisation au travers d'un planet-opera s'inspirant ouvertement de l'histoire de l'indépendance du Kenya, en abordant sans détourner les yeux la question de ses conséquences pour tous ceux qui l'ont vécue.

Points forts :
- un sujet difficile mais passionnant
- ne prend pas parti
- accessible

Points faibles :
- un personnage principal qui manque de relief
- un schéma narratif redondant

Lu dans le cadre de l'opération Masse Critique Mauvais Genres. Un grand merci à Babelio et aux éditions ActuSF pour cette belle découverte.
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Je voulais tout d'abord remercier les organisateurs de l'opération "Masse Critique Babelio" de m'avoir sélectionné pour ce livre. Malheureusement, je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire et du coup je n'ai pas pu mener ma lecture à terme... c'est pour ainsi dire un abandon et c'est rare que cela m'arrive. Ce livre n'était pas fait pour moi, mais ceci reste uniquement un avis personnel, je suis sûre qu'il pourrait plaire à un bon nombre de lecteurs et lectrices.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
- Ce n'est pas non plus la faute de Tonka, ajouta-t-il.
- C'est celle de qui ?
- La nôtre.»
Je souris. «À vous et à moi ?
- Celle de l'Homme.» Un silence, puis : «ils n'avaient pas de problèmes de surpopulation avant notre arrivée. Ils n'avaient jamais entendu parler de braconnage. Ils faisaient la guerre avec des lances au lieu de bombes. Ils n'avaient pas de dette parce qu'ils n'avaient pas de monnaie. Leurs villes n'étaient pas surpeuplées et infestées de criminels, parce qu'ils n'avaient pas de villes. C'est nous qui leur avons apporté tout ça. Et vous voulez savoir une chose ? Ce n'est pas le Commodore Quincy, le responsable. Ce sont tous ceux qui, comme Hardwycke et Amanda Pickett, sont tombés amoureux de cette planète, ont décidé que c'était presque le Paradis et ont essayé, avec leur odieux paternalisme, de montrer aux régis* comment la rendre parfaite.» Il soupira. «Alors les régis les ont écoutés et ont fait de leur mieux, tandis que les Hardwycke et les Pickett retournaient vivre dans la République, et voilà le résultat.
- J'ai connu Hardwycke et Amanda Pickett, dis-je, et je pense que vous êtes injuste avec eux. Ils aiment Peponi.
- Vous savez qui aime Peponi ?» La voix de Masterson vibrait de colère. «Moi, j'aime Peponi ! Quand on aime un monde, on y reste et on se bat pour lui. Il n'est pas parfait et il ne le sera jamais, mais j'essaie d'en faire le meilleur des mondes possibles.
(...)»

[*surnom relativement "neutre" donné par les humains aux indigènes E.T. de la planète Peponi... qui ressemble à s'y méprendre au Kenya post-colonial]
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J'entrai dans la cellule et essayai d'imaginer combien de temps j'aurais pu rester enfermé là-dedans avant de devenir complètement fou. Un an au maximum, décidai-je ; plus vraisemblablement six ou sept mois.
Et pourtant Buko Pepon avait passé plus de dix ans dans cet endroit où le soleil et le vent n'entraient jamais, où il voyait son gardien humain peut-être trente secondes par jour, et non seulement il avait survécu avec l'esprit intact, mais il avait même pardonné à ses geôliers et leur avait demandé de rester sur Peponi. (page 234)
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- (…) Tous ces savants (et photographes) qui sortent chaque matin de leur dôme climatisé, avalent leur déjeuner et sautent dans leur voiture pour aller observer une bande de « régis » assis en rond, un pagne autour des reins, en train de manger du poisson cru.
- On pourrait croire que leur présence perturberait le mode de vie des « Bal Fosi », dis-je.
- Quand cela a-t-il jamais dérangé les savants (et photographes)? Rétorqua Gardner (…)
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- Il est imbu de sa personne à ce point?
- Vous connaissez un politicien qui ne le soit pas?
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Vidéo de Mike Resnick
Extrait du grand entretien avec Mike Resnick.
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